Le petit voisin est venu pour une première leçon vendredi. Il s'est avancé vers le piano sans aucune réticence, comme s'il savait exactement quoi faire avec l'instrument. Il s'est assis sans se faire prier. J'ai commencé par tenter de mieux la connaître: sa matière préférée (les maths), celle qu'il aime moins (la grammaire). J'ai su qu'il avait bien aimé être dans la chorale l'année dernière, qu'il écoutait parfois de la musique de piano à la maison, dont celle de Beethoven. À huit ans? J'étais déjà épatée... Et là, coup de massue, j'apprends qu'il n'a pas (encore) d'instrument chez lui, même pas un clavier électronique de troisième zone. Désenchantement instantané! Je lui ai expliqué que c'était essentiel mais que dans les prochains jours, en attendant, il pourrait s'inviter chez moi si nécessaire.
Samedi après-midi, je suis au jardin avec un collègue de La Recrue passé ramasser un titre et son amie. Tout à coup, j'entends sonner à la porte. Je me lève, perplexe, n'attendant personne. C'est lui, son cahier sous le bras, décidé à foncer vers l'instrument. J'ai souri, l'ai installé dans mon local, ai refermé la porte un tantinet et suis retournée au jardin. Pendant près de 25 minutes, il a répété ses quatre petits morceaux, de façon concentrée. (La fenêtre était ouverte et, oui, hum, n'est-ce pas, mon oreille suivait le tout, tout en restant concentrée sur la conversation en cours...)
J'ai raccompagné les visiteurs, lui ai indiqué qu'il avait bien travaillé, que je considérais que c'était assez pour la journée. Il m'a regardée et m'a posé la question qui tue: « Toi, tu sais jouer? » J'ai pouffé de rire et lui ai expliqué que ce serait sans doute plus prudent si je voulais lui enseigner, non? « Ah oui, tu as raison... Est-ce que tu pourrais me jouer quelque chose? » Comment résister? J'ai décidé de le prendre par les sentiments, en lui jouant du Beethoven, justement, Für Elise, qu'il a reconnu tout de suite, bien sûr. Visiblement ravi de mon interprétation, il a poussé la gourmandise en me demandant un autre morceau, « juste un autre ». Je lui ai cette fois joué le Rondo alla turca de Mozart. (Je sais, ce devrait être interdit de sortir l'artillerie lourde comme ça devant un si jeune garçon!) Complètement fasciné par la vitesse de réaction de mes doigts, il a soupiré et m'a dit: « Tu crois qu'un jour, je vais pouvoir jouer comme ça? » Si tu travailles, mais, bien sûr... J'espère secrètement qu'il passera de nouveau aujourd'hui.
C'est adorable ! Je pense que tu vas passer une chouette année avec cet élève. :-)
RépondreSupprimerhum, Mozart, Beethoven comme arme de séduction massive. La prochaine fois, je propose Debussy, je ne sais pas pourquoi, mais les enfants aiment...
RépondreSupprimerEn fait, l'opération séduction c'est lui ou toi qui pilotait?
Caroline: j'espère! :)
RépondreSupprimerNo: ouais, tu as peut-être raison, il m'a eue lui aussi. À suivre...
J'adore cette histoire ... vraie !
RépondreSupprimerÇa touche droit au coeur bien sûr. Un petit bonhomme qui veut apprendre et qui a pas d'instrument.
J'espère que de voir tes mains expertes ne l'a pas trop découragé !
oh oui quelle belle histoire et qui fait chaud au coeur!
RépondreSupprimeron attend la suite, je crois qu'on va tous aimer le suivre, ce gamin ;-)
Quelle histoire charmante ! J'ai hâte moi aussi de connaître la suite...
RépondreSupprimerEffectivement, beau billet, bien écrit, petit garçon charmant... on dirait un roman !
RépondreSupprimerVenise: je doute que je l'aie découragé. Il semblait trop ravi pour ça je pense.
RépondreSupprimerAdrienne et Margotte: il n'est pas repassé depuis. Peut-être a-t-il trouvé un clavier? Je le revois demain en tout cas. Croisons les doigts que la connexion soit toujours là.
Mylène: parfois, la réalité dépasse la fiction! ;-)