Tout a commencé par la lecture de La recrue du mois (dont je vous parlerai jeudi, soyez patients!), Petit guide de l'orgueilleuse (légèrement) repentante. Peut-être parce que j'avais quelques trajets à faire en transport en commun cette semaine, dès que j'ai eu terminé la lecture de cette plaquette (24 heures tout au plus), je me suis aussitôt plongée dans un autre livre, Qui se souvient de David Foenkinos?, oui, oui, celui-là même qui est l'auteur chouchou de Caro[line]. Non, je n'en étais pas à ma première lecture de l'auteur, ayant gardé un excellent souvenir de En cas de bonheur et de sa phrase-choc: « Chaque couple possède son Genève », qui fait référence à ce lieu magique, béni, où les couples se réfugient pour retrouver une bribe de leur passé, de la communion ressentie, de la fièvre qui les animait alors. Et, oui, quand à la rentrée, j'avais lu en diagonale quelques critiques du livre, l'idée un peu déjantée de s'inscrire dans son propre roman, dans un genre de fausse auto-fiction, m'avait plutôt interpellée, moi qui ne porte pourtant pas le genre de l'auto-fiction en si haute estime.
Alors, de quoi s'agit-il enfin? David Foenkinos se projette dans le futur, à un moment précis de sa carrière où l'inspiration lui fait défaut mais aussi la reconnaissance du public. Son couple bat de l'aile, sa fille quitte la maison (dans la vraie vie, il est fier papa - selon son Myspace - d'un garçonnet), il doit se remettre à donner des leçons de guitare (métier qu'il a effectivement pratiqué). Dans un train Genève (!)-Paris, il croit enfin avoir saisi l'Idée, celle qui lui permettra de se reconstruire, d'écrire son prochain roman. Là où Emmanuel Carrière jetait un regard acerbe sur lui-même dans Un roman russe (avec une certaine névrose, mais magistralement assumée), David Foenkinos préfère d'abord adopter le ton de l'auto-dérision, avant que le texte plonge, à la mi-parcours, dans un registre tout autre, où la tendresse se mêle alors à une certaine poésie. Le narrateur cesse de contempler son petit nombril pour s'ouvrir aux autres, à ses voisins, à Alice, à son beau-père (ce qui donne lieu à un délirant mais délicieux portrait du monde de la haute finance). Grâce à un tour de passe-passe particulièrement rocambolesque, l'idée finira par ressurgir, intacte, pas nécessairement celle qu'on attendait. « Je m'assis en face d'elle. J'alternai les visions de son visage et du paysage. C'est un moment de bonheur. Enfin je renouais avec ce qui est le plus important: la vie romanesque. Je voulais créer des histoires, être dans la boulimie même, mais être quoi qu'il arrive dans le battement du cœur. » (p. 151) Foenkinos démontre encore ici qu'il possède un style unique, à la fois aussi léger que le souffle d'une femme aimée et aussi précis qu'un scalpel tranchant. Un voyage en train, en soi, pour retrouver l'idée, se retrouver, retrouver l'autre, bien agréable. On peut lire ici l'entrevue réalisée par Caro[line] avec l'auteur et sa critique.
Dans un registre de relative légèreté, j'ai aussi complété la lecture de Mon petit mari de Pascal Bruckner, un conte philosophique charmant et acerbe à la fois, sur le couple (prolongement naturel d'une certaine façon des couples légèrement blasés de Foenkinos), la paternité, la société. Léon épouse Solange. Ils filent le bonheur parfait, malgré le fait qu'elle le dépasse d'une tête et est plus Walkyrie que femme soumise. Avec la paternité, Léon doit faire face à une malédiction d'abord inexpliquée (on finira par comprendre ce qui se passe), qui le prive d'un bon 39 cm. Après quatre enfants (de la dernière grossesse, naîtront des jumeaux), il ne mesure plus qu'un minuscule 10 cm et, forcément, a beaucoup de difficulté à se faire respecter, à prendre part à la vie quotidienne, à assumer ses rôles de mari et de père. Le ton se fait de plus en plus grinçant au fil des pages. Le petit homme qu'on trouvait encore charmant (surtout quand il était toujours doté d'un appendice plus qu'appréciable) devient rapidement un paria, qu'on dissimule, qu'on tente d'oublier, qu'on souhaite détruire. À la manière des contes de Rabelais, Bruckner tisse une toile d'une redoutable solidité, dans laquelle se trouvera prisonnier Léon mais aussi, par association, son entourage. On se croit d'abord loin ici de Lunes de fiel (seul autre roman de Bruckner que j'aie lu) mais, même si le ton se veut volontairement léger, le sous-texte s'assombrit au fil des pages avant que ne se profile détresse puis rédemption.
(EDIT DU 14 MAI: L'homme de la maison est plongé dans Mon petit mari et adore sa lecture jusqu'ici. Après ça, dans un tout autre registre, je pense lui prêter Vandal Love... Il y a bien longtemps que nous avions lu les mêmes livres.)
Pas tout à fait dans le sujet mais presque... j'ai bien hâte de voir ce que tu as pensé du "Petit guide", que j'ai lu aussi!!!
RépondreSupprimerL'auteur David Foenkinos me "travaille" de ce temps, à force d'en entendre parler, j'ai bien peur que le livre me saute dans la main à ma prochaine sortie à la librairie.
RépondreSupprimerDans "Mon petit mari", ce qui m'a manqué dans ton commentaire, c'est si tu as aimé. Tu décris, point. J'aime les descriptions pour savoir à quoi s'en tenir mais j'aime encore plus de savoir si la personne, en l'occurence toi, a aimé. Je te souris, la figure en forme de ?
Hum, Venise, c'est vrai! Je ne me suis pas pâmée par écrit, maintenant que je me relis. J'ai trouvé le livre sympa, charmant même mais est-ce nécessairement une lecture « essentielle »? Peut-être pas. Par contre, mon petit mari à moi l'a glissé dans son sac à dos, suffisamment intrigué par ce que je lui en avais raconté.
RépondreSupprimerHum... Comme Venise, je suis "travaillée" par Foenkinos! C'est intéressant, cette idée d'autofiction.
RépondreSupprimerContente que tu retrouves le temps de lire. Quel plaisir, en effet! Avec le temps qui s'adoucit, j'entrevois quelques belles heures, moi aussi, pour me plonger avec délectation dans le monde littéraire!
Je ne sais pas pourquoi mais je suis toujours contente de découvrir une lectrice de plus séduite par David Foenkinos... :-)
RépondreSupprimer