lundi 29 mars 2010

Celle qui manque

Camille Allaire signe avec ce premier recueil de micro-nouvelles (la plupart des textes font deux pages) un opus à la fois presque translucide et d'une densité remarquable. Avec une rare économie de mots, l'auteure nous mène sur la ligne de faille des personnages, dépeint certains moments d'errance qui font basculer un destin, nous prouve que la vie palpite, fébrile, dans ses infimes vibrations, et que la frontière est parfois bien mince entre fiction et réalité. « Quelqu'un nous a séparés, rendus à nos existences respectives, la mienne, bien réelle et banale, il faut le dire, et la sienne, au fantasme, existence vaporeuse et esclave de ma mémoire. » (p. 23-24) S'y côtoient femmes, hommes, enfants, tantôt déchirés, tantôt transportés,qui nous rejoignent profondément.

Certaines nouvelles m'ont particulièrement touchée, dont Celle qui manque, ode à la mère absente, Contre Lina, la révolte d'une adolescente, Entre tes lèvres et les miennes, qui raconte en moins de deux pages les tourments d'une jeune femme qui aimerait bien que l'ami devienne amant, Rien de romantique, une relecture étonnante du thème de l'usure dans le couple, Deux ou trois livres, dans laquelle un homme refait sa vie et cherche quels livres apporter avec lui, La tristesse qui nous sépare, plus longue, qui se décline en instants volés, recréés, transmission d'une filiation difficile et bien sûr Elle et mon violoncelle, dans laquelle la musique sublime toute douleur. « Elle sourit, les yeux clos, le corps en musique. Et puis, rien d'autre, pas de drame, pas de crise. Il n'y a plus le silence entre eux, il y a la musique, la chaleur. Il se sent plein. La neige est inutile, il n'y aura pas de chute. » (p. 56)

Chaque nouvelle se dépose, en strates fines, dans un registre entre poésie, conte et journal intime.On sort de cette lecture troublé, en déséquilibre, avec une volonté de saisir l'instant.

2 commentaires:

Karine:) a dit…

J'ai rarement le goût de lire des nouvelles... mais là, ton billet me donne furieusement envie!

Lucie a dit…

Avec de si petits textes, impossible de se lasser en plus! :)