« Quelquefois nous échangions des disques, plus rarement des livres, autant de signes qui prolongeaient un peu la présence. Parler de livres et de musique permettait aux mots de peser moins. »
L’auteur belge François Emmanuel a commis il y a quelques années un très beau roman, La leçon de chant, découvert tout récemment grâce à Caro_Carito. Il y est question bien sûr de chant mais surtout d’acceptation du passé, même s’il nous ronge (Clara, la cantatrice dont le narrateur raconte le parcours, voit son instrument compromis un soir, alors qu’elle devient trop envahie par de douloureux souvenirs), de la frontière si floue entre amour et amitié, du temps qui passe implacablement, qui parfois nous permet de nous redéfinir, des liens familiaux qui peuvent tantôt nous envelopper de tendresse, tantôt nous plonger dans le désarroi, de la nécessité de créer pour s’extraire d’un quotidien.
« … j’entrevoyais un seul instant d’autres raisons à nos rencontres, d’autres mots derrière ses mots, peut-être une note tenue, inouïe, inaudible, sous la rumeur paisible de nos conversations. »
Le style de l'auteur est précis, mélodieux, profondément rythmique. Selon les moments, il propose des phrases longues, presque suspendues, alors qu'à d'autres, comme les émotions qui s'emballent, les mots se bousculent, se découpent en phrases courtes, presque hachées. Si on y lit de très belles descriptions sur le geste musical, je retiendrai surtout le doigté avec lequel l'auteur évoque la femme, aussi bien dans l'abandon que lorsqu'elle tente de protéger ses failles.
« Découvrant que la femme hoquetant ce chagrin sec était une femme en son secret, forclose, que ce qu’il avait cru posséder d’elle ne tenait qu’en de vagues images, n’étaient leurs rares moments d’amour physique lorsqu’elle consentait à de brusques tressaillements, et que lisant la déprise sur ses lèvres, l’abandon dans la lumière de ses yeux, il croyait enfin la posséder tout entière, exulter et mourir à cette exultation, dans un moment très bref et toujours illusoire, comme une dague perce un corps dont toute la vie s’échappe. »
Un dossier propose, en annexe, la partition évoquée de Schubert, des toiles qui prolongent l'émotion et une piste de lecture. Une plus qu'agréable découverte.
Lu dans le cadre du challenge « Des notes et des mots ».
Cette première citation est délicieuse -- j'aime beaucoup l'idée de disques & de livres qui "prolongent la présence" des gens.
RépondreSupprimerJe note le titre, merci! :)
Bonne lecture alors! :)
RépondreSupprimerMerci de ce bel article ! J'essayerai de trouver ce livre. J'ai emprunté le dernier paru de l'auteur, Cheyenn, qui doit se lire très vite, je crois.
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas cet auteur avant qu'on ne m'en parle, mais j'ai bien aimé son écriture et il a écrit une autre nouvelle (ou novella?) sur la musique, je récidiverai donc vraisemblablement.
RépondreSupprimerje n'ai lu de lui que "La passion Savinsen", qui est vraiment excellent
RépondreSupprimerDécidément, cet auteur de chez toi semble des plus intéressants! :)
RépondreSupprimerhéhé c'est sûr ;-)
RépondreSupprimerde mon côté, j'essaie de trouver des auteurs québécois, c'est bien, Yves Beauchemin?
J'admets que, à part Le matou, je ne connais pas Beauchemin. Je pense que tu aimerais Jacques Poulin, assez facile à trouver chez toi parce que distribué par Actes Sud. Sinon, je fréquente souvent les Québécois, tu n'as que l'embarras du choix dans ma liste ;-)
RépondreSupprimerJ'ai moi aussi beaucoup aimé ce livre.
RépondreSupprimerhttp://lali.toutsimplement.be/?p=2330
et tous les livres de François Emmanuel qui ont croisé ma route.
De plus, l'écrivain est un homme passionnant. Il était au Salon du livre de Montréal en 2005, invité par la Délégation Wallonie-Bruxelles au Québec et j'ai eu l'occasion de discuter près d'une heure avec lui, car il n'y avait vraiment pas foule ce soir-là!
Un moment de bonheur inoubliable.
J'ai lu ta critique et celle sur l'autre nouvelle « musicale » qui me tente beaucoup. L'auteur est l'ami d'une auteure avec laquelle mon amie a travaillé, c'est comme ça qu'elle l'a découvert et moi aussi par la bande.
RépondreSupprimerLali, je viens de réaliser en allant sur Babelio que tu lis justement un livre de l'auteure en question Colette Nys-Mazure!!! Le monde est un village...
RépondreSupprimerah mesdames que vous avez de belles fréquentations! j'admire! :-)
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