Un chasseur. Une proie. Dans le ventre de la nuit, le premier s’avance, le corps et le sexe bandés. Il reste d’abord en périphérie, jauge l’offre, prévoit les paroles et les gestes qui précipiteront le butin du jour dans ses rets. Un trait de Jameson, une ligne de coke, pour se donner une contenance, et puis, implacable, on resserre l’étau.
Envie de le mordre.
Envie de lui faire mal tellement il est beau.
Apprivoiser le gibier, lentement.
Coller le nez dans le cou de la proie, juste sous l’oreille gauche.
Fermer les yeux et inspirer profondément.
La course contre la montre, contre la mort, est amorcée. La violence fera partie de l’équation, afin d’exacerber les pulsions, mais aussi les douleurs enfouies.
Érection.
Dégoût.
Larmes qui se mélangent au sang sur les joues.
Respirer.
Gémir.
Respirer, lentement.
Toucher le fond.
Dans ce premier roman explosif, tout est question de rythme. Mathieu
Leroux vient du monde du théâtre (il a notamment signé la pièce
Scrap en 2012 et collaboré à la magnifique production des
Atrides,
présentée au printemps dernier) et cela se sent – s’entend – dès les
premières phrases coup de poing. Comprenant bien l’inutilité de hurler
son propos du début à la fin, il fait alterner avec brio les scènes en «
Extérieur » (certaines « XXXtérieur ») et celles en « Intérieur ».
Chaque geste du narrateur semble mesuré, analysé, maîtrisé. Seule façon
peut-être de tenir à distance le souvenir de l’abandon de l’être aimé,
les larmes d’Hedda Gabbler, la mère, le dégoût qu’il ressent pour son
frère, l’autre-fils, incapable de résister aux attaques du VIH, « Virus
Infiniment Homosexuel »,« trois petites lettres qui prennent une
ampleur fulgurante quand elles sont jumelées ». En écho, chaque phrase
de l’auteur se révèle précisément calibrée, bombe à fragmentation qui
éclate en mille parcelles dans l’esprit du lecteur, le force à
contempler, les yeux grands ouverts, un univers trop souvent considéré
tabou. Une lecture dont on ne sortira pas entièrement indemne… et c’est
tant mieux.
Un univers original à explorer, donc. J'imagine que tu seras intéressée par le roman suivant,s'il y en a un.
RépondreSupprimerJe le suivrai aussi comme dramaturge, assurément.
RépondreSupprimer