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mardi 30 juin 2015

Blues nègre dans une chambre rose

« On aurait dit que ses retours me faisaient plus mal que ses départs. »
Le blues... une musique, mais aussi une couleur, qui entre en écho avec cette chambre rose, avec la peau blanche de Fanny Murray, en début de carrière musicale, et celle, noire, de Bobo Ako, au sommet de la gloire, qui la bouleverse dès l'instant où leurs destins se croisent à la Nouvelle-Orléans lors d'un festival.

L'histoire est condamnée d'avance (Bobo est marié et coureur), mais peu importe, Fanny accepte de la vivre, par segments intenses, souvent torrides, à travers des apparitions rarement annoncées de l'homme qui revient la prendre avec fulgurance, mais que l'on ne sent pas profiteur. Oui, il veut le beurre et l'argent du beurre, mais la connexion entre les deux artistes semble réelle, aller au-delà de la chimie des corps, même si celle-ci joue un rôle essentiel.
« La femme blanche qui n’a jamais goûté un Nègre en jeans, chemise rose, parfum suave de terre et d’épices n’a jamais rien goûté, c’est ce que je dis à mes amies, si vous n’avez pas fait l’amour avec un beau Nègre parfumé, aussi bien dire que vous n’avez jamais fait l’amour. Celles qui connaissent la peau noire sont d’accord avec moi. Nous sommes d’accord aussi pour dire que si l’homme noir est facile à attraper, il faut accepter de le partager, on ne sait jamais avec combien de femmes on le partage, mais l’idée de la facilité vient justement du fait qu’il n’est fidèle à aucune. »
Pour tenter d'exorciser l'emprise incontestée qu'il a sur elle, Fanny écrit dans des carnets, dont le ton évoluera au fil du temps, revient sur certains moments clés. Une telle prémisse aurait pu donner un livre sombre, aux atmosphères étouffantes; il n'en est rien. Jennifer Tremblay raconte cette passion dévorante avec retenue, refuse le mélodrame et le pathos, dose le récit de façon minutieuse, même dans les scènes érotiques. Si on a envie de secouer Fanny de temps en temps, on la suit néanmoins jusqu'au bout, d'un seul souffle ou presque,  jusqu'à la combustion finale, celle des carnets, sans que l'on sache si le geste suffira à la libérer enfin de ce joug.

samedi 27 juin 2015

Barbu: dans le sens du poil

Barbu – Foire électro trad du Cirque Alfonse avait beaucoup fait jaser lors de la résidence « Le cirque vu par... » à laquelle j'ai eu le grand plaisir de participer l'année dernière à pareille époque. Impossible de rester indifférent à cet assemblage de numéros qui puisent autant dans les codes du cabaret allemand que du (très gros) burlesque, du freak show (le numéro de fakir est à classer dans cette catégorie) et du cirque plus traditionnel (équilibre, numéros de patins à roulette, main à main, cerceau, jonglerie). 

On ne parle pas ici d'un spectacle au fil narratif subtil - on est à des lieues par exemple d'Opus de Circa! -, mais d'une expérience différente, encore plus convaincante la deuxième fois, hybride entre soirée arrosée entre amis (même si la salle était plutôt  tranquille hier) et voyage dans le temps, alors que l’on se pressait à la Foire Sohmer pour voir Louis Cyr, être mystifié par un magicien (même à un mètre de la scène, je n'ai toujours pas vu le truc derrière le numéro de la femme dans la boîte, « découpée » en morceaux) ou faire un tour de montagnes russes (certains tableaux restent spectaculaires). On est là pour s'éclater, oublier la morosité ambiante, l'été qui peine à s'affirmer, rire 
sans la moindre culpabilité et aussi retrouver un peu de nos racines à travers la musique néo-trad d’André Gagné et David Simard (interprétée avec leur complice Josiane Laporte) toujours aussi pertinente un an après. L'ensemble se superpose aux vidéos de Frédéric Barrette, orientées sur la nature environnant St-Alphonse-de-Rodriguez dans une première partie plutôt atmosphérique, puis sur le corps humain, ce qui suscitera nombre de fous rires de l’auditoire, particulièrement quand les larrons se déhanchent en maillots de bain, ruban multicolore à la main, ou que Loukas le mentaliste lit dans les pensées pas très pures d'un volontaire dans la salle. Si dans la deuxième partie, ces vidéos deviennent complément de la trame narrative, dans la première, on les ignore la plupart du temps, préférant nous concentrer sur ce qui se passe sur scène.

La proposition a assurément évolué depuis un an. On ne retrouve plus ce côté bricolé ressenti lors de la première (qui avait certains charmes) et on sent que le metteur en scène Alain Francoeur a volontairement resserré certains segments et travaillé le rythme des numéros. Ainsi, le personnage interprété par Lucas Jolly, beaucoup plus sombre, ajoute une couleur tout autre, presque inquiétante par moments, qu'il entretienne un curieux rapport avec son deuxième lui-même ou qu'il jette des regards perçants dans la foule. La première partie semble passer à vitesse grand V (on retiendra particulièrement le numéro de pyramides humaines et celui du cerceau suspendu, celui du main-à-main dans la boue perdant un peu de sa puissance la deuxième fois), la seconde pourrait encore être resserrée. Le numéro de balles de ping-pong avec la bouche n'ajoute pas grand chose et celui de planche sautoir s'étire un peu inutilement. Par contre, celui dans lequel Francis Roberge fait virevolter un baril de bière reste une pièce d'anthologie. L'Olympia se prête mieux à la proposition que le Théâtre Telus, rouge des murs et dorures ajoutant indéniablement un je-ne-sais-quoi au tout. 

À voir d'ici au 12 juillet.

jeudi 25 juin 2015

J'aimais mieux quand c'était toi

« Le théâtre est dangereux, c’est sa seule permanence, et sans danger la vie n’est qu’une vaste zone d’ennui. Les héros de Tchekhov font des tentatives de suicide ou des tentatives d’amour, pour sortir de l’ornière de la désillusion et de la lucidité. Aimer ou vouloir mourir, c’est la même chose. On veut être ailleurs. »
J'aime être surprise dans mes lectures. J'ai ramassé ce livre à la bibliothèque, parce que j'avais bien aimé Nous étions faits pour être heureux (et sa très belle couverture avec un clavier de piano), cadeau d'une amie. Avec un titre pareil, j'avais un peu peur d'avoir affaire à une bluette plus ou moins convaincante, à la longue plainte d'une femme délaissée, à une énième plongée dans la souffrance. Pourtant, le propos m'a paru tout autre.

Oui, on finit par connaître les détails de cet amour plus ou moins condamné dès le départ (assez banals de fait), avoir accès à cette douleur que l'on croyait avoir matée, mais qui nous saisit d'un seul coup quand on s'y attend le moins. Avant, pourtant, l'auteure nous plonge dans un univers autre, rarement visité de cette façon, celui du théâtre.

La narratrice est comédienne, se prépare à jouer la Mère douleur de Six personnages en quête d'auteur de Pirandello. On la suit alors qu'elle arpente Paris, histoire de repousser quelques instants encore la fatale échéance de se retrouver dans cette loge de théâtre, de s'incarner véritablement sur scène. Et si, au fond, tous, nous ne faisions que jouer un rôle, ne prenions vie que lorsqu'un autre nous a intégrés à la trame dramaturgique de sa vie, nous offre un rôle de soutien le plus souvent, parfois un premier rôle?
« J’avais compris déjà que nous nous emparons de l’être aimé pour le détourner et le façonner, et c’est ainsi que la lutte commence : un jour le personnage se révolte et s’échappe. Sa liberté est notre déchirure. » 
Un détournement pertinent du théâtre de la vie, porté par une écriture fluide, au souffle indéniable.

mardi 23 juin 2015

24 titres québécois pour la Saint-Jean

Quels sont les titres québécois qui vous ont le plus marqué, qui ont continué de vous habiter des semaines, des années durant, dont vous ne vous départiriez pas, sauf pour les prêter à un ami? Combien en retiendrez-vous? Pourquoi pas 24 pour fêter cette Saint-Jean? Voilà le défi que je me suis lancé. Après-demain, la liste pourrait être autre.

Les voici, en ordre alphabétique et non de préférence, toutes catégories confondues (roman, théâtre, poésie, journal). Quand on aime, on ne compte pas.

  1. Hubert Aquin, Prochain épisode
  2. Marie-Christine Arbour, Drag
  3. Marie-Christine Bernard, Matisiwin
  4. Michel-Marc Bouchard, Le chemin des passes dangereuses
  5. Guillaume Corbeil, L’art de la fugue
  6. Denise Desautels, Sans toi je n’aurais pas regardé si haut
  7. Réjean Ducharme, L’avalée des avalés
  8. René-Daniel Dubois, Bob
  9. Carole Forget, Le sol ralentit sous mes pas
  10. Carole Fréchette, Small Talk
  11. Claude Gauvreau, L’asile de la pureté
  12. Anne Hébert, Le torrent
  13. Dany Laferrière, L’énigme du retour
  14. Gaston Miron, L'homme rapaillé
  15. Emile Nelligan, Poésies
  16. Jacques Poulin, Les yeux bleus de Mistassini
  17. Fernand Ouellette, L’abrupt
  18. Pascale Quiviger, Le cercle parfait
  19. Gabrielle Roy, Ces enfants de ma vie
  20. Gaétan Soucy, La petite fille aux allumettes
  21. Olivia Tapiero, Les murs
  22. Michel Tremblay, Le cœur découvert
  23. Marie Uguay, Journal
  24. Louise Warren, Attachements : Observation d’une bibliothèque







samedi 20 juin 2015

Le tao du tagueur

« Le geste ne se transmet pas, il se vole! » Homme de théâtre ayant signé une quarantaine de mises en scène, Serge Ouaknine opte pour le risque avec ce premier roman, en s’attaquant à un sujet jusqu’ici délaissé par la fiction (le tag) et en le traitant à travers 182 fragments et 2 textes plus longs (prologue et épilogue).
Ce choix de la forme courte peut se comprendre comme le prolongement du souffle du tagueur qui ne dispose que de quelques secondes pour laisser sa marque, pour s’incarner dans un croquis ou dans une succession de lettres. Ce ton haletant pourra dérouter au début quelques lecteurs habitués à une narrativité plus linéaire, mais il se révèlera rapidement une des forces de ce premier roman qui s’apprivoise par images, par instants, par signes.
Au fil des pages, l’auteur traitera des motivations de Panda, ex-publicitaire revenu de tout qui a troqué sa table à dessin pour les murs de Montpellier. En liant son personnage principal à la belle Leily, fille de calligraphe, il évoquera la naissance – la nécessité même – du geste artistique, de la communication, des barrières que l’on érige entre soi et l’autre. En lui permettant de croiser des êtres ayant choisi comme lui la marginalité, il sensibilisera le lecteur à une réalité parallèle, celle de la rue, des expédients.
Grâce à une écriture souvent poétique qui refuse néanmoins l’enflure et les formules toutes faites (« Le temps est un jardin qui fuit la rivière qui veut l’arroser » par exemple) à une succession de phrases fugaces se jetant les unes dans les autres, Serge Ouaknine dessine une toile que l’on croit d’abord composée exclusivement de noir et de blanc, mais qui bientôt démontrera l’étonnante richesse de sa palette.

jeudi 18 juin 2015

Matisiwin

Quel magnifique livre que Matisiwin (vivre), dernier opus de Marie Christine Bernard, qui s'articule autour de la marche vers elle-même de Sarah-Mikonic Ottawa. Comment peut-elle se définir dans cette lignée de femmes atikamekw? Comment peut-elle se réconcilier avec ses ancêtres (le parcours est narré par sa grand-mère maternelle décédée), mais aussi avec l'horreur des pensionnats autochtones (des pages volontiers en retenue, pourtant d'une extrême violence sublimée), les abus de substances, le sentiment d'exclusion ressenti, les réserves qui annihilent l'essence même de ceux pour lesquels elles ont été construites.
« Nous considérant les uns les autres comme des étrangers, nous ne savions plus nous parler, nous aimer, nous consoler. Nous avons laissé nos enfants se détacher de nous, car nous ne les reconnaissions plus. Nous les avons laissés se mépriser eux-mêmes. »
Le propos est déjà suffisamment essentiel pour que l'on s'y attarde. Pourtant, la force du livre réside ailleurs: dans la plume tout en délicatesse de l'auteure, dans la tendresse qu'elle porte à ses personnages, dans le sérieux avec lequel elle a suivi pendant quelques années la vie de ces hommes, mais surtout de ces femmes dépossédées de leur identité, dans l'attention avec laquelle à travers une série de micro-récits, elle évoque le temps qui ne passe pas, mais coule, aussi bien sur la surface de cette terre dont nous faisons trop peu de cas qu'en nous, sur la nécessité de pardonner - et de se pardonner - et de continuer à avancer, un geste à la fois.
« Tu as besoin de refaire le chemin jusqu’à toi-même avant d’être capable de marcher à ses côtés. Avant de faire ce choix de lui, et pas d’un autre, pour être le compagnon de ta vie et le père de tes autres enfants. »
Ce roman part de l'expérience personnelle (même fictionnelle) pour s'ouvrir sur l'universel, sur la nécessité de s'accepter soi-même avant de pouvoir regarder l'autre dans les yeux, de lui tendre la main, de partager un instant sa route, d'être transformé par le lien indéfectible qui nous unit; voilà sans doute ce qui décuple sa puissance.

Un voyage vers l'autre, vers soi, à s'offrir.

mercredi 17 juin 2015

Pardon

 
« Les porcs-épics s’en donnaient à cœur joie. Perçaient les cœurs, qu’ils ne puissent plus aimer. Lacéraient les mains, qu’elles ne puissent plus caresser. Crevaient les yeux, qu’ils ne puissent plus voir la beauté. […] 
Enfin, l’un d’eux – homme, femme, enfant? – osa lever une main, lentement, pour la passer sur le dos de l’animal qui, un instant plus tôt, s’acharnait à lui trouer le cœur. Celui-ci poussa un petit soupir et se retourna, offrant son ventre à la caresse. Chacun, devant ce spectacle, trouva le courage de toucher son porc-épic. Et chaque porc-épic réagit pareillement. 
C’est ainsi que la parole a guéri les êtres humains. Oh, les porcs-épics sont encore là. Ils le seront toujours. Ils piquent encore, parfois. Mais ils sont désormais apprivoisés. Et on n’a qu’à prononcer à nouveau le dernier mot pour les apaiser. 
Pardon. »  
Marie-Christine Bernard, Matisiwin

lundi 15 juin 2015

Serge Ouaknine notre recrue de juin

« J’écris comme un peintre : par tableau que je retouche plusieurs fois. Le canevas du récit est là, globalement en tant que thème mais je travaille la texture sonore et le grain des évocations sensibles. » Pourrait-on parler ici de synesthésie littéraire?
Il faut bien admettre que Le tao du tagueur de Serge Ouaknine, notre recrue ce mois-ci, peut sembler un ouvrage qui à première vue rejoindra plus directement ceux qui possèdent une ouverture à l’art pictural. Il touchera néanmoins les autres par la poésie de la langue et cette volonté du protagoniste de freiner le temps, de privilégier l’être à l’avoir.
La rencontre avec l’autre y joue un rôle essentiel, ainsi que le désir, sentiment qui se niche au cœur même de Philippe H ou La malencontre de Mylène Fortin, étonnant road trip gaspésien. Tout au long du périple, on peine à dissocier le réel du fantasmé, tout comme dans La maison habitée de Geneviève Lévesque, retour vers une enfance peuplée de personnages inquiétants qui ont peut-être existé et qui envahissent assurément le quotidien de la narratrice. Ce passé sublimé s’infiltre aussi dans l’un des livres pour adolescents de cette cuvée, La balade de Vipérine de Pascal Bruellemans, prolongement de sa pièce, créée en 2012 aux Coups de théâtre, reprise récemment par la Maison Théâtre. 
Côté hors-Québec, nous vous proposons Jours de grande parole, dans lequel les poèmes d’Hélène Pommarel entrent en résonance avec des gravures de Pierre Pornet, « un livre beau à étreindre » selon notre collaboratrice Mélina Bernier.
« Mais avec quatre lettres, on peut refaire la vie… Ce n’est pas le tag qui engendre la laideur, mais l’imaginaire éteint par la peur », avance le narrateur de Serge Ouaknine. Et si, un livre à la fois, on pouvait refaire le monde?

vendredi 12 juin 2015

The Apprenticeship of Duddy Kravitz - The Musical: pari relevé!

Photo: Maxime Côté
Rarement une comédie musicale aura connu une aussi longue gestation. Entre la première mouture présentée en 1987 - sa fin fidèle au roman, dans laquelle la cupidité l'emportait assurément sur la droiture avait laissé le public frustré - et celle proposée ces jours-ci au Segal, près de trois décennies se sont en effet écoulées. Le compositeur Alan Menken (lauréat depuis de huit Oscars pour nombre de ses partitions pour Disney) et le librettiste David Spencer n'avaient heureusement pas dit leur dernier mot, chacun revenant périodiquement à ce projet que d'autres auraient accepté comme condamné. Le premier admet avoir réécrit la moitié de la partition, le second est retourné aux sources, a lu le livre en profondeur, revu le film qui en a été tiré, et il faut admettre que le produit final se révèle certes à la hauteur de l'univers foisonnant du roman de Mordecai Richler.

Photo: Maxime Côté
Rarement sera-t-on témoin d'une telle maestria dans le traitement du livret. Pas facile en effet de ne pas perdre le spectateur entre les scènes qui se passent rue St-Urbain et celles à Sainte-Agathe (sans oublier un détour par Granby, alors que Duddy y retrouve son frère Lennie, parti en cavale suite à un acte qui aurait pu mettre fin à sa carrière médicale), mais grâce à de simples rideaux de scène évoquant la ville ou la campagne, des changements d'accessoires qui se font sous nos yeux et la présence du père dans le rôle du narrateur, le tout fonctionne. La scène du Segal est sans doute l'une des plus ingrates pour les scénographes, son étroitesse ne favorisant pas les effets de profondeur - sans compter ici qu'il fallait pouvoir disposer quelque part les huit (très polyvalents) musiciens de l'ensemble. La mise en scène d'Austin Pendleton est suffisamment habile (hormis peut-être cette scène où Duddy, Yvette et Virgile courent autour du bureau) pour que l'on ne s'y sente pas trop à l'étroit.

Photo: Maxime Côté
La distribution, entièrement canadienne, est sans faiblesse. Ken James Stewart nous offre un Duddy à la moralité parfois douteuse, pourtant totalement attachant. On veut le voir réussir, connaître l'amour, se réconcilier avec les membres de sa famille, damer le pion au patibulaire Jerry Dingleman. Marie-Pierre de Brienne campe une Yvette à la fois fragile et forte, Sam Rosenthal en M. Cohen vole la vedette à chaque fois qu'il entre en scène. George Masswohl offre une belle densité au personnage de Max Kravitz (père du héros), qu'il joue la carte de la complicité avec la salle (choix intéressant du librettiste), qu'il explose devant les frasques de son fils ou s'épanche en évoquant sa femme trop tôt décédée. Tous ont assurément maîtrisé les subtilités de la partition de Menken, qui rappelle beaucoup par moments celle d'Aladdin, et comprend plusieurs airs que l'on a envie de réentendre, que ce soit le ludique Art and commerce, le charmant How could I not? ou le puissant Welcome home.

En sortant du Segal, on se prend à rêver à ce que la comédie musicale pourrait devenir sur Broadway, avec une scène qui permettrait peut-être l'ajout d'un ou deux numéros dansés (lors du souper ou de la partie de roulette à Sainte-Agathe par exemple ou encore dans Turn it around) et un orchestre plus consistant, mené par Jonathan Monro avec une belle précision. En cette année Mordecai Richler, le moment est peut-être enfin venu de caresser ce rêve.

mardi 9 juin 2015

Les sept péchés capitaux du lecteur

Allez, cela faisait longtemps que je ne m'étais pas frottée à un tel questionnaire... Je l'ai repéré chez Marie-Claude de Hop! sous la couette il y a plusieurs semaines, ai décidé d'y revenir...

Avarice - Un livre que je ne prêterais sous aucun prétexte

Je pense que je pourrais prêter tous mes livres, mais il y en a un, datant de l'enfance, Contes des pays de neige, que je ne prêterais que si j'étais ABSOLUMENT - mais vraiment là absolument - certaine qu'il me revienne. Sinon, la lecture est faite pour être partagée!

Orgueil - Un livre lu dans le but de passer pour une intellectuelle

J'admets que lire Le gai savoir de Nietzsche à l'adolescence, c'est surtout pour en jeter... J'y reviendrai cependant, de la même façon que j'ai relu avec un énorme plaisir cette fois Le théâtre et son double d'Artaud, en écho à la démesure de la proposition de Christian Lapointe pour le FTA.

Colère - Un auteur avec qui j'ai une relation amour/haine

Si ça ne clique pas avec un auteur, parfois, j'abandonne, parfois j'y reviens. J'ai lu un seul tome de La Recherche, mais ai lu des nouvelles et des poèmes de Proust... À l'inverse, la première fois que j'ai croisé Paul Auster sur ma route (avec Moon Palace), cela ne m'a pas parlé. Je suis revenue à l'auteur avec Le livre des illusions et ai depuis tout lu de lui.

Gourmandise - Un livre dont j'ai honte, mais que je ne peux m'empêcher de dévorer encore et encore

Je ne relis presque jamais un livre, alors difficile de se sentir coupable de retenir un titre ici.

Paresse - Un livre dont j'ai négligé la lecture en raison de ma paresse naturelle

Il y a des livres qui attendent dans ma PAL depuis des années. Est-ce par paresse? Je ne crois pas. Quand le moment sera venu, la rencontre se fera. Ulysse de James Joyce aussi peut-être, même si, à chaque fois que j'en ai entendu ou vu (à travers des adaptations théâtrales) des extraits, j'ai aimé.

Luxure - L'attribut que je trouve le plus séduisant chez un personnage masculin ou féminin

Un personnage qui a une vraie personnalité, forte, impossible à oublier, comme Wallander par exemple. Une voix dont on se souviendra.

Envie - Le livre que j'aurais aimé écrire avant l'auteur

Assurément Les cascadeurs de l'amour n'ont pas droit au doublage de Martine Delvaux... pour le titre, imparable, mais surtout pour la force du propos, la façon dont la narratrice règle ses comptes avec l'ex de façon virulente, mais toujours poétique. Je l'ai prêté à plusieurs amis, l'ai offert... et je sais que j'y reviendrai, ne serait-ce que pour relire quelques pages ici et là.

Et vous, avez-vous des péchés livresques?

vendredi 5 juin 2015

Orphée Karaoké: la pièce dont vous serez les héros

Photo: Maxime Paré-Fortin  
Quelle façon ludique et allumée de terminer l'OFFTA! Un spectacle-événement sans acteurs qui promet une relecture de certains mythes grecs (que l'on peut considérer les ancêtres des soap operas et téléréalités).

« I need a hero », chantait Bonnie Tyler il y a quelques décennies (hit qui aurait très bien se retrouver dans la liste de titres d'ailleurs). Où le trouver? Parmi les spectateurs qui auront transmis leurs prières (cinq choix tirés dans un répertoire allant de Je t'aime moi non plus de Gainsbourg à une chanson des Beastie Boys, en passant par la Lambada et Father and Son de Cat Stevens) grâce à leur téléphone intelligent (ou à celui de la copine qui les accompagne, comme cela a été mon cas). Pendant que ceux-ci votent, Orphée le barde (Jean-François Malo) se promène au milieu des porteurs de chapeaux d'anniversaire de carton, visiblement perplexes quant à la suite des événements, mais le sourire aux lèvres.

Photo: Maxime Paré-Fortin  
Un numéro chanté et puis, tout bascule. Le rideau s'ouvre devant le public qui réalise qu'il n'est pas dans une salle de répétition, mais bien sur la scène principale du Théâtre d'Aujourd'hui. Étrange perspective quand on est habitué de contempler le tout de l'angle inverse! Des élus sont appelés par une voix de synthèse; ils deviendront Égée, Thésée, Hippolyte, Ariane, Phèdre, Ménélas, Hélène... J'ai hérité du rôle de Sisyphe, mais rapidement ai « voulu mourir sur scène » (sous le feu de lasers, rien de moins) et dû rendre mon couvre-chef de papier au Styx (une déchiqueteuse) puis revêtir le chapeau noir des morts (qui ne tenait bien sûr pas sur ma tignasse fournie). Dès lors, je me croyais à l'abri des feux de la rampe, mais l'auteur aurait le dernier mot (et, heureusement, le ridicule ne tue pas).

Je m'en voudrais de révéler les détours narratifs pris ici par Félix-Antoine Boutin qui dispose assurément d'une voix dramaturgique affirmée, le plaisir du jeu pour les spectateurs étant à la base même de la proposition. Oui, certains segments pourraient être légèrement resserrés, certaines redites éliminées, mais cela sera sans doute ajusté lors des prochaines représentations, car je ne pense pas me transformer en oracle en affirmant que, tel le phénix, ce spectacle renaîtra de ses cendres (du moins, on le souhaite).

mercredi 3 juin 2015

Keep in Touch / Gloria: entrer en contact

Si Keep in Touch et Gloria semblent liés par la présence de la musique, difficile de trouver programmes plus disparates ou de les faire entrer en résonance.

Pour lire ma critique, passez chez JEU...

Une chose est certaine: je surveillerai avec attention le parcours de Mykalle Bielinski.
OFFTA 2015 | Gloria from OFFTA on Vimeo.

lundi 1 juin 2015

OFFTA: La vérité en magie / Capitalist Duets

En apparence disparate, ce programme double combinant magie et danse se révèle néanmoins lié par une volonté de faire plus avec presque rien, mais surtout de faire réfléchir le public sur son goût du spectaculaire.

Pour lire ma critique, passez chez JEU...

Vous pouvez voir ce doublé ce soir au Studio Hydro-Québec du Monument-National à 22 h ce soir.