Où est la frontière entre la folie ordinaire et celle qui ravage tout sur son passage, qui gruge de l'intérieur, qui fait que celui qui en est atteint veut détruire ce et ceux qui l'entourent? Les médias nous abreuvent presque quotidiennement des détails glauques de l'affaire Guy Turcotte, mais j'évite soigneusement de m'y plonger. Pourtant, par un curieux hasard (mais y a-t-il des hasards?), j'ai extrait de ma PAL Martel en tête, premier roman d'Éric Simard, titre malheureusement aujourd'hui épuisé.
Dans ce roman, au rythme implacable, qui tient par moments du poème en prose et à d'autres de l'ostinato envahissant, le lecteur butant inlassablement sur certains termes, se trouvant freiné dans sa lecture par une scission des phrases, on plonge dans la tête de la narratrice, de sa naissance à sa mort, chacun des courts chapitres étant consacré à une année de son existence. Malaise latent dès la naissance ou presque, sévices physiques et psychologiques, inceste: éléments déclencheurs de cette folie meurtrière qui envahit, finit par définir cette femme? Simples périphériques? Impossible de le savoir et, à dire vrai, grâce à l'adresse avec laquelle le roman est mené, la réponse importe peu. On vit plutôt de l'intérieur les pulsions, les doutes, on découvre les moyens que ce cerveau fragile utilise pour se protéger de la vérité. Comme les intervenants peut-être, on voudrait pouvoir aider cette détresse, tout en réalisant que, même outillés correctement, nous serions vraisemblablement incapables de le faire. Peut-on traiter des troubles psychiatriques aigus, peut-on reprogrammer un inconscient? Pour une réussite, combien d'échecs?
Éric Simard ne tranche pas ici et c'est ce qui fait la grande force de ce livre. Il se veut témoin, parole, nous entraîne dans des profondeurs que nous souhaiterions peut-être vouloir ignorer. « On ne se remet jamais de la déception de soi, pas plus que d'un séjour à l'asile. On y entre, mais on n'en sort jamais. » (p. 87)
3 commentaires:
Il sonne bien ce livre, je trouve. Si jamais...
Message reçu! Mon exemplaire part dans ma valise.
Exemplaire précieux.
Tu me donnes le goût de lire le mien. Ah, les piles si hautes qu'on en finit pas oublier certains titres.
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