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mercredi 18 mars 2015

L'Aiglon: plus qu'une curiosité

L'OSM présentait hier soir en version concert L'Aiglon, opéra à quatre mains d'Honegger et Ibert, d'après la pièce de théâtre d'Edmond Rostand, qui avait connu lors de sa création en 1900 une certaine gloire, la magistrale Sarah Bernhardt y incarnant le rôle principal du Duc de Reichstadt. Certes, l'histoire de cet enfant d'empereur qui grandit en Autriche dans l'ombre de son défunt père Napoléon pourra paraître un tantinet surannée et le livret qu'a tiré Henri Cain de la pièce en alexandrins de Rostand n'est pas toujours des plus inspirés - malgré certaines jolies tournures.

Pourtant, il y a quelque chose d'assez jouissif à découvrir un opéra écrit à quatre mains (chaque compositeur ayant écrit deux actes, le troisième étant oeuvre bicéphale) par deux compositeurs qu'on ne joue plus beaucoup au concert, qualifiés à certains moments d'avoir été trop avant-gardistes, mais qui souhaitaient ici offrir « une oeuvre d'un caractère populaire et direct », qui puisse « toucher et émouvoir tous les publics, sans cesser d'être une oeuvre d'art »

D'un point de vue musical, le pari se révèle assurément tenu. Si l'on peut facilement reconnaître la signature des deux complices dans les deux valses (premier et troisième actes), il n'est pas si simple de départager les effets symphoniques privilégiés par l'un ou l'autre, certains volontiers pompiers, d'autres plus raffinés. Certaines imprécisions liées sans doute au stress de la première et à l'oeuvre donnée en première nord-américaine seront sans aucun doute gommées lors des reprises jeudi et samedi, mais la richesse des cordes est indéniable.

Tout de blanc vêtue (le reste de la distribution privilégiant le noir classique), la soprano belge Anne-Catherine Gillet porte à bras-le-corps de rôle de l'adolescent et est outenue avec conviction par le baryton français Marc Barrard dans le rôle de Séraphin Flambeau. Soulignons aussi tout particulièrement dans le reste de la distribution, entièrement canadienne, la prestance et la clarté de l'élocution d'Étienne Dupuis en Prince de Metternich et le velouté et la profondeur de Julie Boulianne. La mise en espace de Daniel Roussel contourne avec efficacité les risques de statisme liés à une présentation concert, ainsi que les projections d'Yves Labelle qui agrémentent l'écoute sans la surcharger. (On aurait pu néanmoins se passer des images de champ de bataille - tirées du Napoléon d'Abel Gance? - projetées pendant le quatrième acte.)

Devrait-on remonter impérativement cet opéra? Peut-être pas. Néanmoins, il vaut certainement la peine d'être entendu au moins une fois dans sa vie.

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