En prélude à ce blogue et suite à la lecture du Journal d'un lecteur d'Alberto Manguel, je me suis mise à tenir un journal de lecture. Dans celui-ci, je note mes impressions bien évidemment (qui serviront à l'occasion d'amorce à l'une ou l'autre des entrées que vous pourrez lire ici) et la date à laquelle j'ai terminé l'ouvrage. Moi qui ai toujours été incapable de tenir journal plus de trois jours d'affilée, je m'y astreins religieusement (le livre traîne sur mon bureau, à me narguer, tant que je n'ai pas complété cette tâche). Je note aussi quelques citations qui m'ont touchée, le cas échéant. Ce geste s'avérera peut-être le souvenir le plus révélateur quand je feuilleterai de nouveau ces pages, dans six mois, dans six ans. Cela me pousse également à privilégier une lecture un peu plus approfondie des textes, moi qui, dès mon plus jeune âge, ai adopté un tempo de lecture presto con fuoco.
Dans un autre carnet, se retrouvent pêle-mêle les titres de livres qui m'interpellent, certains recommandés par des amis (parmi ceux-ci, on retrouve en ce moment Ravel de Jean Eschenoz, La Nausée de Sartre et L'élégance du hérisson de Muriel Barbery) et d'autres glanés ici et là au fil de lectures de commentaires sur des sites Web ou dans des revues. Quand j'en trouve un à la bibliothèque, je prends cela comme un signe et il rejoint les autres de la pile. Parfois, je cède et l'achète.
Dans Le journal d'un lecteur, Manguel relit douze livres qui l'ont marqué au fil des ans et, à travers ces relectures, avance certains rapprochements avec d'autres oeuvres littéraires tout en nous dévoilant ici et là quelques bribes de sa vie. Son rapport au livre est organique, d'une intimité telle qu'on se sent parfois presque gêné d'y entrer. « Ce matin, en regardant les livres sur mes étagères, je me disais qu'ils n'ont pas conscience de mon existence. Ils ne prennent vie que parce que je les ouvre et tourne leurs pages, et pourtant ils ne savent pas que je suis le lecteur. »
Moi qui ne relis presque jamais un livre, je me suis interrogée pour savoir quels 12 livres auraient autant compté dans mon parcours de lectrice. Choix déchirant...De l'enfance, je retiendrais bien sûr Le petit prince de Saint-Ex (le nombre de fois que j'ai écouté le disque avec Gérard Philippe!) et les Arsène Lupin, probablement en premier lieu L'Ile aux trente cercueils. Au CEGEP, il y aura eu l'illumination de Bachelard, qui me rejoint encore aujourd'hui grâce à son traitement de l'imaginaire, la découverte d'Alain, de Kirkegaard, comme si la philosophie m'avait séduite d'un coup, pour ne plus me lâcher après entièrement, même si je réalise que je ne lis pas de philosophes contemporains aujourd’hui (je n’ai qu’à m’y mettre, après tout!).
Des « classiques », je retiendrai Baudelaire, Stendhal, Flaubert (Madame Bovary), Dostoïevski, Réjean Ducharme (je me rappelle d’avoir fait une présentation orale sur L’hiver de force mais j’en ai lu bien d’autres, avec avidité).
Pendant plusieurs années de ma vie de jeune adulte, presque rien n’est à retenir de mes lectures alors que, curieusement, en me perdant dans la vie de femme mariée et de jeune mère, je ne lisais que pour m’évader. Je retiendrai peut-être, côté « vraie » littérature, Le livre des nuits de Sylvie Germain et Le maître des illusions de Donna Tart.
En même temps que mon éveil créateur et la reprise en main de ma vie intellectuelle, se sont libérées la nécessité d’écrire et de lire de « vrais » livres. Très souvent, lorsque je suis tombée amoureuse du style d’un auteur, j’ai tout lu (ou presque). De ces intégrales (ou quasi-intégrales), il faudra retenir Timothy Findley (quelle maîtrise descriptive du monde de la folie!), Nancy Huston (une voix singulière dont je n’ai pas tout lu mais dont plusieurs livres continuent de m’habiter), Alessandro Baricco, Christian Bobin (le roi de la miniature), Arturo Perez-Reverte (surtout Le maître d’escrime), Eric-Emmanuel Schmidt (avec un faible pour La part de l’autre mais un coup de gueule pour Ma vie avec Mozart), José Saramago (un style unique, qui demande un effort, mais tellement gratifiant quand on s’y investit, auteur révélé par un ami) et, bien sûr, Paul Auster.
Comme vous pouvez le constater, je suis bien au-delà de la douzaine avec cette liste... Serais-je capable de réduire toutes ces années de ma vie en douze titres, à défaut d'incontournables, signifiants? Tentons ici l'expérience (bien sûr, cette liste pourrait – et, de fait, le devrait – être à refaire périodiquement):
1- Saint-Exupéry, Le petit prince (sans aucun conteste, livre que j'ai relu à de nombreuses reprises)
2- Stendhal, Le rouge et le noir
3- Dostoïevski, Les frères Karamazov
4- Alessandro Baricco, Soie
5- José Saramago, L'aveuglement (et aussi Tous les noms)
6- Paul Auster, Le livre des illusions (mais aussi L'invention de la solitude, un premier écrit tellement puissant)
7- Timothy Findley, Pilgrim
8- Nancy Huston, Dolce agonia (ou encore L'empreinte de l'ange)
9- Alessandro Baricco, Novecento pianiste
10- Margaret Attwood, Le tueur aveugle
11- Réjean Ducharme, L'hiver de force
12- Molière, Don Juan (ou plusieurs autres de ses pièces, si intemporelles)
Et vous, qu'inscririez-vous dans une telle liste? Partagez-le avec nous...
Je vous invite à aller consulter la liste de mon ami Claudio sur son site: //petitemusiquedenuit.blogue.ca
RépondreSupprimerChère Lucie,
RépondreSupprimerDans la liste des sept ou huit meilleurs livres lus à vie, il y a deux titres qui sont les mêmes que les tiens. Doux synchronisme qu'est celle de notre rencontre, à savoir que nous aimons sensiblement la même littérature. Soie et Le livre de Illusions. Un jour, près de Milan ou de Brooklyn, nous rencontrerons ces deux auteurs occupés à bavarder de littérature et de musique. Ils échangeront sur leur amour du théâtre et de la musique, puis reviendront à l'inéluctable expresso de fin de journée, peu avant le souper, après d'innombrables phrases déclamées autour de l'art, de la vie.
Claudio
Quel beau scénario! Ce serait certes un moment à marquer d'une pierre blanche dans les deux cas.
RépondreSupprimerLa question reste entière: serions-nous trop intimidés pour vraiment échanger avec eux? Si ce sont de grands artistes, probablement pas. L'expérience m'a déjà prouvé que les plus grands sont souvent les plus attachants.
Lucie