La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
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vendredi 29 février 2008
Petite musique de nuit
Deux très beaux livres, lus coup sur coup, qui se déclinent dans l'intimité, dans les chuchotements, dans une tendresse ensorcelante. D'abord, Le baiser dans la nuque, premier roman d'Hugo Boris, paru en 2005, dont le titre et le résumé m'avaient accrochée suffisamment sur le site de Seb pour que je le note dans ma LAL et en passe éventuellement commande à mon libraire (c'est pourtant publié chez Pocket, pas exactement une maison d'édition à tirage confidentiel...) D'accord, j'avoue volontiers que, dès qu'il est question de musique dans un roman, j'ai tendance à en noter le titre dans mon petit calepin mais cela ne veut pas nécessairement dire que mon expérience de lecture s'en trouve galvanisée. Ainsi, j'avouerai ici que j'ai abandonné La pianiste après une cinquantaine de pages, un peu révoltée par la noirceur et la violence du propos. Dans le cas du roman de Boris, la musique y joue un rôle de soutien.
Fanny, sage-femme de jour, mère de famille et épouse le soir, devient progressivement sourde. Avant qu'il ne soit trop tard et grâce à un clin d'œil du destin (elle procède à un accouchement bien particulier dans lequel le beau-frère, pianiste, accompagne la future mère, le père de l'enfant à naître étant décédé), elle décide de s'investir dans des leçons de piano. Terrifiante chute aux enfers (pour une musicienne) que de sentir, sous la plume habile de Boris, la perte progressive de l'ouïe chez Fanny (elle perd quelques notes d'audition par mois). Elle combat la maladie débilitante, finit par se rendre (elle communique alors, comme Beethoven, par carnets interposés). Au fil des pages, un étrange lien se développe entre Fanny et Louis, son professeur et Boris en profite pour établir des parallèles (dont certains, assez saisissants) entre accouchement et pratique d'un instrument. Ils s'apprivoisent doucement, comme on le fait d'un nouvel instrument. Presque dès le début, on sent aussi qu'ils finiront par se déchirer mais que, d'une façon ou d'une autre, leurs vies seront intimement liées pour l'éternité. Le style est précis, particulièrement évocateur. Boris manipule les mots comme certains compositeurs manipulent les notes, avec justesse mais aussi délicatesse, à petites touches. « Le piano proteste, tremble quand l'homme déplace sèchement l'outil. Entre eux s'installe un rapport ambigu, un accord tacite, une douce violence de maréchal-ferrant que l'homme impose, que le piano accepte. » (p.99) La scène où chacun finit par abdiquer, un très court chapitre (pages 180-181) est d'ailleurs une pure merveille de minimalisme, particulièrement efficace, comme peut l'être une partition de Philip Glass. Après une telle lecture, on chavire, on bascule, mais en soi.
Pour faire suite à cette lecture, je ne pouvais donc pas opter pour un roman polyphonique ou un texte où les émotions crient leur ardeur. J'ai donc choisi Seule Venise de Claudie Gallay. Là aussi, j'admets que j'entretiens un lien d'affection profonde avec Venise et que, souvent, je craque et souhaite me plonger dans l'univers si particulier de la Sérénissime. Un huis-clos, l'histoire d'une femme qui se cherche, qui a tout perdu quand elle a perdu son amant, et qui, à travers ses promenades quotidiennes dans la ville, à travers les liens qu'elles tissent avec les habitants de la pension, avec un séduisant libraire (n'est-ce pas le fantasme non avoué de nombre de lectrices, d'avoir une histoire d'amour avec un libraire?), tente une relecture partielle de son passé récent. Là aussi, rien n'est énoncé clairement, Gallay favorise les clairs-obscurs, les flous, le non-dit. Si on s'arrête à la trame du roman, il ne s'y passe presque rien et pourtant... Un livre dont je n'avais jamais entendu parler, soit dit en passant, et que j'ai découvert entièrement par hasard dans une librairie, alors que je devais acheter un livre de Max Gallo à mon fils pour son cours de littérature. Parfois, la vie a de ces hasards savoureux...
mardi 26 février 2008
Brendel: un sommet
Il était dimanche après-midi l'invité de l'OSM dans le Troisième Concerto de Beethoven, une œuvre qu'il a interprétée à de multiples reprises et dont il a enregistrée cinq versions différentes au cours de sa florissante carrière. D'entrée de jeu, la présence de Brendel était époustouflante. Quand on écoute ce pianiste, on sait, sans l'ombre d'un doute, qu'il a réfléchi à la moindre intonation, à la moindre intention, à chaque parcelle de phrasé, avec un soin extrême. Jamais chez lui de phrase avalée prestement, d'accents déplacés, de vulgarité dans le jeu. Une autre façon entièrement d'aborder le piano, avec un respect immense, à l'antithèse de certains jeunes pianistes flamboyants que le public consomme avec frénésie aujourd'hui. Certains pourraient qualifier son jeu de cérébral (comme celui de Pollini) mais selon moi, ce serait mal saisir les intentions de l'interprète. Privilégiant des tempi franchement assis plutôt que volatiles, il a réussi à polir chacune des notes du concerto, à les faire scintiller, à nous maintenir en état de constante alerte. Le deuxième mouvement était sublime de poésie retenue, Brendel sculptant la pâte sonore comme si elle était un matériau des plus précieux, l'OSM placé sous la direction de Kent Nagano, le soutenant de façon admirable. On sentait qu'un travail conscient avait été effectué pour travailler tout particulièrement les sonorités de cet orchestre qui a pris une rondeur et une profondeur toutes germaniques en très peu de temps. Humble, Brendel a d'ailleurs tenu à saluer l'orchestre à plusieurs reprises lors de ses retours sur scène, sous les applaudissements des plus nourris. On a aussi pu lire sur son visage l'émotion, le plaisir pur d'avoir partagé avec le public les subtilités d'une œuvre qu'il a fait sienne, il y a déjà tant d'années. Une page a été tournée mais les souvenirs restent, heureusement.
Vous pouvez l'entendre ici dans le deuxième mouvement du Troisième Concerto, cette fois avec Abbado et l'Orchestre du Festival de Lucerne.
En filigrane de ce concert, un contrepoint bien personnel. Vous vous souviendrez peut-être que dans mon billet intitulé Souvenirs de concours, j'évoquais à la toute fin un pianiste avec lequel j'avais développé une belle complicité (fait suffisamment rare en concours pour que je m'y attarde). Je recueille ces jours-ci des témoignages pour souligner le 35e anniversaire du Concours Inter-Élèves (pour en tirer un article et un diaporama) et certains professeurs m'ont remis des noms d'anciens lauréats, dont plusieurs ont opté une autre carrière. Clin d'œil du destin (peut-on vraiment parler de hasard?), il faisait partie de cette liste en question et j'ai réalisé relativement rapidement que ce ne pouvait être que lui. Je ne vous en révélerai pas plus, sauf peut-être que c'est lui qui m'a accompagnée au concert de Brendel. Un autre souvenir pour la boîte à tendresses.
jeudi 21 février 2008
Ça sent la coupe!
À moins d'avoir complètement refusé de lire le journal et d'écouter la télé dans les dernières semaines, vous êtes sans doute au courant que l'OSM présentait hier soir un programme musical en hommage à nos Glorieux. Kent Nagano, absolument séduit par notre amour viscéral pour la Sainte-Flanelle (pour mes lecteurs européens, tous les bébés garçons naissent ici avec une paire de patins de hockey aux pieds et rêvent de jouer pour le Canadien de Montréal), avait demandé à Georges-Hébert Germain (oui, celui qui a écrit entre autres la biographie autorisée de Céline Dion) et François Dompierre de collaborer à un projet un peu fou qui abolirait la ligne de démarcation entre musique de concert et hockey. Ces quelques lignes sont tirées de la préface de Dompierre.
« Qu’on le veuille ou non, le hockey fait partie intégrante de notre patrimoine culturel. Bien avant que nous nous soyons illustrés internationalement dans les domaines du cirque, de la comédie musicale, du cinéma et de la littérature, nos exploits sportifs ont attiré sur nous les regards du monde entier. Nos héros s’appelaient alors Maurice Richard, Jean Béliveau, Guy Lafleur et plus récemment Patrick Roy, Mario Lemieux, Wayne Gretzky. Personne n’osait en ce temps-là nous affronter sur le terrain que nous occupions sans rival, celui de notre sport national.
Quoi qu’il en soit, l’idée de faire écrire une œuvre musicale sur le hockey était à la fois fascinante et audacieuse. Quand Kent Nagano m’a proposé de composer quelque chose sur ce sujet, je dois avouer que j’ai d’abord été perplexe. Le choix de Georges-Hébert Germain comme auteur du texte a achevé de me convaincre.
Il m’est rapidement apparu que la musique que je me proposais d’écrire devait être simple, ludique, descriptive, spontanée, quelquefois lyrique, d’autre fois enjouée. Bref une trame sonore qui rappellerait celles que l’on écrit quelquefois au cinéma, quand la musique devient elle-même un personnage vivant du scénario. »
Même Claude Gingras s'est laissé attendrir, c'est dire... On peu le lire ici. Également, un autre article sur l'événement, celui-là signé par Martin Croteau.
La photo est de François Roy (La Presse).
lundi 18 février 2008
Rachmaninov: Études-tableaux opus 39
Redoutable Everest du pianiste, les Études-tableaux opus 39 se veulent cependant de petits poèmes symphoniques pour piano finement ciselés, miroirs de l’âme tourmentée de Rachmaninov. « Je n’aborde pas l’œuvre en tant qu’une série d’études, explique Alain Lefèvre. Chaque pièce est un tableau, une histoire. » Il considère que ce serait dénaturer leur essence que de les résumer en un sommet pyrotechnique. Pour y plonger, il est essentiel de créer un espace poétique, de l’investir, de le transmettre à l’auditeur. Dans une entrevue reproduite dans le Monthly Musical Record en novembre 1934, Rachmaninov explique d’ailleurs qu’un compositeur doit posséder deux qualités essentielles : « Premièrement, c’est l’imagination. Je ne veux pas affirmer par là que l’interprète n’a pas d’imagination. Mais on peut considérer que le compositeur possède un talent plus important, car avant de créer, il doit imaginer. Il imagine avec une telle force que dans sa conscience se crée la future composition avant même qu’une seule note ne soit écrite. [...] Le deuxième talent, plus important encore, qui distingue le compositeur de tous les autres musiciens, c’est le sens aigu de la couleur musicale. »
Pour Rachmaninov, la composition des Études-tableaux a présenté « plus de difficultés qu’une symphonie ou un concerto […] Dire ce qu’on a à dire, et le dire sans détours, lucidement, est encore le plus grand problème que puisse affronter un artiste créateur. » Si, dans la tradition des Études de Chopin ou des Études d’exécution transcendante de Liszt, chaque pièce s’attarde à des difficultés techniques spécifiques, Rachmaninov inscrit en filigrane un sous-texte qu’il a toujours refusé de révéler : « Ceci m’est personnel et ne concerne pas le public. Je ne crois pas qu’il faille qu’un artiste révèle trop ses images. Laissez le public imaginer ce que cela lui suggère. » Quand Ottorino Respighi orchestrera cinq de ces pièces pour le Boston Symphony Orchestra en 1930, Rachmaninov offrira pourtant « quelques explications concernant les mystères des intentions de l’auteur, qui vous aideront à comprendre le caractère de ces Études et de trouver les couleurs adéquates en les orchestrant. »
Alain Lefèvre lançait il y a quelques jours son dernier enregistrement, dédié aux Études-tableaux opus 39 mais aussi aux trop souvent oubliés Klavierstücke de Schubert. Vous pouvez accéder au CD ici (et télécharger certaines plages sur Archambaultzik) et lire mes notes de programme complètes. J'attends l'arrivée de ce disque dans ma boîte aux lettres avec impatience, je vous l'avouerai...
vendredi 15 février 2008
À lire en douceur
Judas de Tassia Trifiatis: Un amour improbable
Valse-hésitation entre les protagonistes, tango alambiqué entre le vécu et les rêves de la narratrice, réfraction entre le chant du cantor de synagogue qui brime en même temps qu’il libère, Judas de Tassia Trifiatis a les défauts de ses qualités. En voulant explorer un univers inusité, l’auteure m’a fait hésiter entre tendresse et énervement, la poésie de son style ne réussissant pas à masquer les mines dissimulées un peu partout en sous-texte, prêtes à exploser au moindre pas. Quand on s’y attarde, l’histoire est simple : un amour improbable entre Neffeli, jeune Grecque des plus affranchies mais ployant sous le poids de la tradition et Yéhouda, grand garçon juif orthodoxe écrasé par les diktats de sa religion mais qui au fond, ne demande qu’à s’en affranchir. Deux êtres finalement pas si différents de nous tous.
Les avis des autres collaborateurs de La recue du mois à lire ici...
mardi 12 février 2008
La Muse est en ligne...
lundi 11 février 2008
Taguée, eh oui!
Chaque personne taguée doit appliquer le règlement suivant: écrire le lien de la personne qui nous a taguée, préciser le règlement sur son blogue, mentionner six choses sans importance sur soi, trouver six autres personnes en mettant leur lien et prévenir ces personnes sur leur blogue respectif.
1- Je partage ma date de fête avec Ludwig van Beethoven et lui en ai voulu pendant un certain nombre d'années. Nous sommes maintenant réconciliés!
2- Le premier film que j'ai vu au cinéma: The Sound of Music (en fait, à ce moment-là, en version française, donc La mélodie du bonheur). Je ne compte plus le nombre de fois que je l'ai revu depuis. Ah! la scène du landler dans le jardin...
3- Je suis si maladroite que mon corps est souvent couvert de bleus ou de cicatrices, dont j'ignore même parfois la provenance.
4- Une amie m'a surnommé Samson à cause de ma tignasse et de mon apparente imperturbable santé.
5- Je ne peux pas vivre sans mon cellulaire (ou difficilement), surtout maintenant qu'il prend des photos.
6- Je suis une fleur de pavé mais adore la campagne à petites doses et suis folle de la mer. C'est peut-être parce que mes ancêtres viennent de l'Île de Ré (prédestiné, non?)
Comme tout le monde a déjà été tagué dans mon entourage, je me tiens coite. Si vous voulez révéler six trucs sans conséquence, n'hésitez pas à le faire dans mes commentaires.
jeudi 7 février 2008
Bloguer au concert
Quel programme a été ciblé pour cette expérience inusitée? Un concert à la frontière du jazz et du classique, qui comprendra les danses symphoniques de West Side Story de Leonard Bernstein, la musique du film tirée de l'opéra Porgy and Bess de George Gershwin (dans la colonne de gauche, vous pouvez écouter la superbe version de Summertime de Louis Armstrong et Ella Fitzgerald), un intrigant arrangement du Casse-Noisette de Tchaïkovski signé Duke Ellington (que je serais curieuse d'entendre, je l'avoue) et la création d'une oeuvre d'un compositeur canadien, Allan Gilliland, Dreaming of the Masters II - Rhapsody GEB, oeuvre commandée par l'orchestre et CBC. L'orchestre offre de plus au grand public des rencontres pré- et post-concert avec le chef d'orchestre et le compositeur de la création. Nos amis blogueurs, quant à eux, seront traités aux petits oignons, avec rafraîchissements à l'entracte, rencontre avec les musiciens de l'ESO après le concert et discussion post-concert avec le chef d'orchestre. Quel dommage, je n'habite pas Edmonton! Sinon, vous pourriez être assurés que j'aurais déjà soumis ma candidature!