Je lis bien peu pour le plaisir depuis que nous sommes en 2008 et vous m'en voyez chagrine. J'ai surtout potassé des textes sur diverses oeuvres afin de rédiger des notes de programme le plus cohérentes possibles, quelques livres spécialisés (dont un, fort intéressant, Bach en son temps, qui reprend des lettres du Cantor, des témoignages d'élèves, des commentaires de contemporains). Le temps étant une denrée trop rare ces jours-ci, j'ai préféré, quand le destin m'en offrait, les passer à l'instrument. Vous me pardonnerez j'espère...
Même si j'ai été séduite par l'univers du Chanteur de tango de Tomas Eloy Martinez, j'y suis restée plongée plus de deux semaines, à raison de quelques pages une fois de temps en temps. Néanmoins, ce parcours atypique dans une Buenos Aires mythique et surtout multiple continuait de m'habiter. Sur fond subtil de tango et présence quasi omniprésente de Borges (il faudra vraiment que je lise L'Aleph après ça!), j'ai découvert des pages d'histoire argentine dont j'ignorais tout mais qui m'ont néanmoins captivée.
Le livre suivant dans ma PAL était Cher Émile d'Éric Simard, ex-libraire, maintenant à l'emploi exclusif de la maison d'édition Septentrion, unique collaborateur masculin du blogue collectif La recrue du mois. Étant assez fervente des romans épistolaires (je demeure, depuis l'enfance, une épistolaire dans l'âme, comme le savent tous ceux avec qui j'entretiens une correspondance suivie), j'avais hâte de plonger dans l'univers de ces amours déchirées et de savoir comment l'auteur réussirait à traduire les chutes, les rechutes, les prises de conscience, les prises en main.
J'ai beaucoup aimé la langue à la fois rude et douce, directe et pourtant imagée, violente et retenue à la fois. Si les premières lettres ont pris quelque temps à me toucher (leur style, plus dénudé, peut-être ou ai-je été simplement manipulée d'une certaine façon par l'auteur), j'ai rapidement basculé, en partie grâce à la façon dont les couches de langage étaient manipulées. Plus on plonge dans l'univers d'Éric (le narrateur du livre, qui porte le même prénom que l'auteur, histoire peut-être de semer le doute sur le potentiel côté auto-fiction de l'oeuvre), plus les images littéraires deviennent élégantes, plus on sent le travail sur la langue. Je me suis attachée à Éric, à ses douleurs, ses carences, qui se dévoilent peu à peu, de façon bien dosée. Je m'y suis reconnue aussi, j'y ai senti le parfum de quelques amis, je me suis rappelée leur douleur quand ils plongeaient de nouveau, presque malgré eux, dans une nouvelle spirale amoureuse destructrice. J'aurais voulu le connaître « pour vrai », être là pour l'épauler, être témoin de son histoire mais certes pas témoin muet. Que les relations amoureuses entretenues par Éric soient homosexuelles ne changent rien à la pertinence du message (même si certaines réflexions sur la difficulté de vivre son homosexualité, encore aujourd'hui, glissées subtilement ici et là m'ont interpellée, en partie parce que j'ai plusieurs amis homosexuels qui ont été brûlés, à un moment ou à un autre, par la portée de leur orientation). Ce qui en ressort surtout, c'est la difficulté, dans cette époque un peu trouble qui est la nôtre, à faire face à nos contradictions, nos égarements, nos choix de vie.
Ton commentaire rejoint beaucoup ma pensée au sujet de ce roman, que j'ai moi aussi beaucoup aimé. À découvrir, définitivement!
RépondreSupprimerTon billet me rappelle que j'aimerais bien lire le roman d'Eric Simard ! Lors de mon prochain passage à la Librairie du Québec, je l'achète. :-)
RépondreSupprimerJe suis comme Karine, et je trouve dans ton commentaire beaucoup points communs avec ce que j'ai pensé de ce roman épistolaire. En fait, l'amour est universel et qu'on aime un homme ou une femme y change peu de choses. Ce qui ressort de l'écriture d'Éric c'est le côté déchirant de l'amour et de tout le travail qu'il nous faut parfois faire sur nous-mêmes pour retrouver notre estime de soi et d'être à nouveau capables de revivre l'émoi amoureux.
RépondreSupprimerVous ne savez pas à quel point ça fait plaisir à un auteur de savoir son travail apprécié. "À sa juste valeur" aurais-je envie d'ajouter. Caro(line): avoir su, je te l'aurais fait acheter lors de ta visite!
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