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jeudi 12 juin 2008

Avec 37 ans de retard...

Par un beau dimanche après-midi où le mercure était dangereusement à la hausse, plutôt que de fondre sur le trottoir, j'ai passé deux heures vautrée dans un fauteuil pour un après-midi cinéma. À la demande expresse de mon fils qui ces temps-ci voue un intérêt marqué au cinéma de Stanley Kubrick et commence à s'intéresser à celui de Hitchcock (je ne vais tout de même pas me plaindre, considérant les navets américains que la plupart des ados consomment à l'heure actuelle), j'ai regardé Orange mécanique de Kubrick (sorti en 1971), un film auréolée d'une réputation relativement sulfureuse mais dont, je l'avoue humblement, je ne connaissais rien, à part ses liens très rapprochés avec la musique classique (le dernier mouvement de la Neuvième de Beethoven y joue un rôle-clé) et la violence qui se dégageait des propos. Je me souviens aussi qu'un de mes copains à l'adolescence, vaguement décalé par rapport aux cliques et aux étiquettes, vouait un culte mystérieux au film. J'étais un peu sceptique mais mon fils insistait. La dernière fois qu'il avait insisté avec autant de conviction, c'était pour que je regarde le film Joyeux Noël qui, disait-il, était tout à fait moi. (Il avait raison, absolument.) Après les premières 20 minutes, j'avoue que je commençais à être franchement réticente. La violence (l'ultra-violence, telle qu'elle est nommée explicitement dans le film) gratuite, administrée par des gangs de voyous délinquants, me laissait assez perplexe.

Éventuellement, comme vous le savez tous (je dois certainement être la seule personne qui n'avait jamais vu le film!), le propos se métamorphose en autre chose, une critique assez acerbe du totalitarisme sous toutes ces formes et surtout un plaidoyer flagrant pour le libre arbitre. « Quand un homme cesse de choisir, il cesse d'être un homme », dit d'ailleurs fort à propos le sacristain lors de l'expérience démontrant la « guérison » du dangereux Alex. D'un point de vue esthétique, les lignes, les éclairages, la façon dont Kubrick choisit de montrer la violence jusqu'à l'extrême limite mais en s'arrêtant juste avant, sont absolument saisissants. C'est un univers extrêmement sombre que le cinéaste traite avec des couleurs saturées particulièrement lumineuses (les blancs sont presque éblouissants). Et, oui, la musique classique y est un narrateur et moteur essentiels, même quand les grands classiques sont traités au Moog (le synthétiseur en était alors à ses premiers balbutiements).

J'avais lu Mygale de Thierry Jonquet la veille (un livre qui date d'une vingtaine d'années) et avais échangé avec mon fils sur l'épineuse question: le personnage principal est-il machiavélique ou méphistophélique? Il me semble que mes travaux à cet âge étaient bien éloignés de cet univers où la cruauté prime mais, il faut bien l'avouer ici, les revirements de l'histoire sont tout simplement saisissants. Est-ce une lecture appropriée pour des jeunes de 17 ans? Certains s'interrogeront peut-être mais je pense que, considérant les images de violence auxquelles nos jeunes ont accès sur Internet et à la télé, c'est finalement tout à fait dans l'air du temps. D'une certaine façon, Orange mécanique devenait d'ailleurs presque un prolongement de cette réflexion et, même si je ne le reverrais pas (enfin, pas maintenant), je sais que le propos m'habitera encore longtemps et en ceci, le film est peut-être bien visionnaire parce que criant d'actualié.

3 commentaires:

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  2. Je suis curieuse : est-ce que ton fils a aimé ?

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  3. Mon fils l'a vu plus d'une fois déjà, d'abord sur Internet (vive les téléchargements de films qui grugent la bande passante!) puis sur DVD (emprunté au vidéo) avant de m'asseoir devant. Ce qui semble l'avoir le plus interpellé est la musique... (Il faut croire que d'avoir entendu du classique toute sa vie, par le concours des circonstances, a fini par lui former l'oreille.) Mais il m'a aussi reparlé du libre-arbitre et je pense que, quelque part, l'esthétique du film l'a attiré (visuellement). Mais je n'ai remarqué aucun comportement plus violent de sa part depuis qu'il a vu le film...
    De mon côté, une semaine après, j'y repense encore (ce qui n'est certainement pas le cas de la plupart des films visionnés ou livres lus).

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