Les blogues dédiés à la lecture occupent maintenant suffisamment de place pour que les éditeurs choisissent de plus en plus de distribuer certains de leurs livres à des blogueurs en priorité. C'est ce qui est arrivé ici avec Denoël qui, grâce à Chez les filles, a causé un mini raz-de-marée bloguesque avec La fausse veuve, roman de Florence Ben Sadoun. Mon éloignement géographique a fait que j'ai été contactée en différé mais, suffisamment intriguée par les commentaires des blogueuses, j'ai cédé à la tentation (et ai cessé alors de lire les commentaires liés au livre).
Un grand débat entoure la publication de ce livre. En dépit du libellé sur la couverture (« roman »), plusieurs ont cherché à faire de multiples recoupements entre l'histoire vécue par l'auteure avec Jean Dominique Bauby, rédacteur en chef du magazine Elle, victime du locked-in syndrome, histoire vécue qui avait mené la publication de Le scaphandre et le papillon (et au tournage du film du même nom). Pour moi, ce débat est essentiellement stérile. Que ce soit ou non une histoire vécue, une autofiction, un compte-rendu romancé, l'impact du livre demeure entier. Cette « fausse veuve », maîtresse en titre devenue compagne assumée mais trop tard, devient figure universelle et l'on veut s'approprier à la fois sa douleur d'alors et sa sérénité d'aujourd'hui.
Le style de Ben Sadoun est précis, foisonnant, recherché sans jamais tomber dans la pédanterie. L'écriture est puissante, assumée. Dès les premières pages et malgré la valse-hésitation pratiquée par l'auteure entre le « tu » et le « vous » et qui déstabilise fortement le lecteur à prime abord (elle serait, comme Sophie Calle, l'une de ces femmes qui pratique le vouvoiement comme marque de suprême affection), on plonge dans la douleur, mais avec le recul permis par les années qui ont passé depuis les événements. « Tu es rangé quelque part. Je ne sais pas très bien où, mais en tout cas tu n'es plus posté sur mon épaule, à surveiller qui me touche, qui je touche. Planqué dans les circonvolutions de l'imparfait, bien au chaud, comme disent les enfants, tu ne fais plus de ravages dans mon présent, ni le jour ni la nuit, et d'ailleurs je ne te donne pas forcément de futur. » (p. 12)
Au fil des pages, l'histoire se révèle, jamais entièrement, ce qui nous permet de combler à notre gré les blancs et qui se révèle ici force plutôt que faiblesse. (Je me serais cependant passée de quelques flashbacks qui relatent l'enfance de la narratrice.) Malgré les événements décrits, l'auteur réussit à éviter le pathos, privilégiant le regard combatif à la complainte stérile. Au final: un livre qu'on dévore et qui habite. Une agréable surprise, donc
Au début, j'étais bien tentée mais je le suis de moins en moins, malgré ta bonne critique. Je n'aime pas trop les faits vécus, normalement... je crois donc que je vais passer!
RépondreSupprimerEn effet, nous en avons parlé en stéréo ! Et je suis ravie de voir que vous pouvez participer à ces opérations malgré votre éloignement physique (enfin... postal, c'est là où ça pourrait être un frein).
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