Pages

vendredi 14 novembre 2008

Le ciel de Bay City


Une lecture coup de tête, après être tombée sur quelques critiques et avoir entendu l'auteure en entrevue. Une lecture coup de poing, dont on ne se relève pas entièrement indemne. Une lecture coup de cœur qui continue d'habiter, une fois la dernière page refermée et qui nous laisse à la fois drainée et envahie par une série d'images puissantes, de questions irrésolues, d'une certaine tendresse aussi envers ces personnages atypiques (mais au fond, le sont-ils vraiment?).

Catherine Mavrikakis signe ici un livre puissant, déstabilisant, mordant, qui nous plonge dans la banalité de l'Amérique de banlieue telle que nous la connaissons tous trop bien mais aussi dans l'intimité d'Amy, une jeune fille qui, depuis sa naissance, se sent en marge et vit son mal de vivre en écoutant Alice Cooper, hante les allées du K-Mart et porte le noir aussi bien sur ses ongles que dans son âme. Ayant grandi dans l'ombre d'Angie, la soeur aînée morte-née, celle d'un père absent que sa mère souhaite reconquérir en le poursuivant de ses ardeurs et en ignorant son enfant, celle de l'air confiné de cette maison de tôle comme tant d'autres, celle de l'Europe déchirée par la Deuxième guerre mondiale, celle du ciel trouble et mauve de Bay City, elle cherche à comprendre, à s'affranchir du poids du destin, en assemblant les morceaux d'un casse-tête élimé, dont certains morceaux lui ont été cachés depuis sa naissance.

Comme dans Omaha, les vivants cohabitent avec les morts (ici, les grands-parents d'Amy, morts à Auschwitz) et dansent avec eux, avec le passé, un étrange ballet de la folie, de la douleur, de la douceur aussi. « Le ciel d'Auschwitz est un enfer. Il est si noir, Nellie, il me cache le sens de nos vies. » (p. 144) Certains lecteurs en seront peut-être déstabilisés, j'ai choisi de ressentir plutôt que de m'interroger sur la frontière si ténue entre ces deux univers.

Le style de l'auteur est épuré mais d'un rare pouvoir d'évocation. On sent que chaque phrase, chaque mot, ont été choisis avec soin, ciselés patiemment et s'emboîtent parfaitement. J'aurais pu choisir de noircir les pages d'annotations, d'y coller des post-it. Je n'en ai rien fait. En ouvrant le livre au hasard, je sais parfaitement qu'une image, une émotion surgiront, intacts. Je laisserai ainsi le ciel mauve de Bay City gagner la guerre...

En complément, une entrevue avec Catherine Mavrikakis parue dans le Voir ici et un entretien avec Christiane Charette là...
Le blogue de l'auteure, très inspiré...

7 commentaires:

  1. C'est vilain ça... comment ne pas noter après une telle critique!!!

    RépondreSupprimer
  2. Je vais dire comme Karine, à la veille d'un Salon du livre, c'est quasiment déloyal pour notre budget !

    RépondreSupprimer
  3. J'espère que vous saurez me pardonner... Je l'ai prêté à une amie tout à l'heure, mais en lui spécifiant bien que je voulais le récupérer (j'ai aussi ramené deux livres en échange, mais ça, c'est une autre histoire...)! ;-)

    RépondreSupprimer
  4. Moi, je suis convaincue! J'irai donc acheter ce roman (car il faut bien qu'il y ait des gens qui les achètent, de temps en temps, les livres! Surtout les bons!!!). Il figure d'ailleurs sur la liste du Prix des Collégiens 2008. Avec un peu de chance, j'aurai la dédicace de Mavrikakis au Salon du livre.

    RépondreSupprimer
  5. Danaée: oui, moi aussi, j'y ai pensé à la dédicace, dans ce cas-ci... Je viens de prêter mon exemplaire du livre mais j'ai encore celui d'Omaha Beach (en nomination pour les GG, quand même), alors je pourrais toujours faire signer celui-là... ou un roman antérieur. En plus, pour la petite histoire, mon fils a un cours d'histoire de l'art avec le frère de l'auteure. Le monde est petit...

    RépondreSupprimer
  6. Ça semble vraiment unanime l'engouement face à ce roman. Toutes les critiques que j'ai lues jusqu'à maintenant sont dithyrambiques. Pas le choix de l'ajouter à ma liste moi aussi!

    RépondreSupprimer
  7. Epicure: bienvenue ici et bonne lecture!

    RépondreSupprimer