Pages

jeudi 12 février 2009

Chopin le pédagogue

Si le nom de Frédéric Chopin nous projette aussitôt dans l’univers relativement tourmenté du pianiste romantique et fait jaillir des bribes de ses valses, études ou nocturnes, il évoque beaucoup moins souvent ses dons prodigieux d’instrumentiste mais surtout de professeur. Pourtant, les faits sont là : Chopin, pourtant autodidacte (son seul professeur de piano, Zywny, était violoniste!) a passé près du quart de son existence à l’enseignement, ce qui démontre éloquemment l’importance qu’il accordait à la profession.

Dans son Projet de Méthode, qui aurait pu s'avérer source d'inspiration inépuisable pour des générations de pianistes, il mentionne par exemple, au sujet de l'intonation:
« L’intonation étant le fait de l’accordeur, le piano est délivré d’une des plus grandes difficultés que l’on rencontre dans l’étude d’un instrument. Il ne reste donc à étudier qu’un certain arrangement de la main vis-à-vis les touches pour obtenir facilement la plus belle qualité possible de son; savoir jouer les notes longues et les notes courtes, et parvenir à une dextérité sans borne. »
Il perçoit l'enseignement de l'art comme un défi constant:
« L’art étant infini dans ses moyens limités, il faut que son enseignement soit limité par ces mêmes moyens pour être exercé comme infini.
Il ne s’agit donc pas ici de théories plus ou moins ingénieuses, mais de ce qui va droit au but et aplanit la partie technique de l’art.
On a essayé beaucoup de pratiques inutiles et fastidieuses pour apprendre à jouer du piano, et qui n’ont rien de commun avec l’étude de cet instrument. Comme qui apprendrait par exemple à marcher sur la tête pour faire une promenade. De là vient que l’on ne sait plus marcher comme il faut sur les pieds, et pas trop bien non plus sur la tête. On ne sait pas jouer la musique proprement dite, et le genre de difficulté que l’on pratique n’est pas la difficulté de la bonne musique, la musique des grands maîtres. C’est une difficulté abstraite, un nouveau genre d’acrobatie. »

Il s'est également penché attentivement sur les fondements techniques du piano:
« Je divise en trois parties l’étude du mécanisme de piano :
1. apprendre aux deux mains à jouer les notes à distance d’une touche (les notes à distance d’un demi-ton et d’un ton), c’est-à-dire les gammes chromatique, diatonique et les trilles. Ce que l’on pourra inventer pour jouer à distance des demi-tons et des tons n’existant pas, une quatrième forme abstraite à étudier dans cette catégorie ne sera qu’un composé ou une fraction des gammes ou trilles.
2. les notes distancées à plus d’un demi-ton et d’un ton, c’est-à-dire en partant de la distance d’un ton et demi : l’octave partagée en petites tierces, par conséquent chaque doigt occupant une touche, et l’accord parfait dans ses renversements (les notes sautées).
3. les notes doubles (à deux parties) : tierces, sixtes, octaves. (Quand on sait les tierces, sixtes et octaves, on sait jouer à trois parties – par conséquent, on connaît les accords que l’on saura briser sachant les notes distancées.
Les deux mains donneront quatre, cinq, six parties – et on n’inventera rien de plus pour étudier comme mécanisme du piano. »
Ces mots restent source d'inspiration, aujourd'hui comme hier.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire