La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
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mercredi 15 avril 2009
Annie Cloutier: Ce qui s'endigue
Deux conceptions, deux naissances, deux vies qui se croisent parfois, se heurtent souvent, servent de contrepoint l’une à l’autre, magnifient une déchirure, comblent un besoin criant d’être reconnues. Le pari d’Annie Cloutier de jumeler ces deux destins presque parallèles dans Ce qui s’endigue était audacieux. A-t-elle su le tenir? En partie.
Ce qui emballe, sans contredit, reste la force de son écriture : puissante, imagée, travaillée, somptueuse par moments, presque crue quand elle parle de sexualité, mais jamais réellement vulgaire, troublante lorsqu’elle évoque la maternité, touchante alors qu’elle aborde les multiples facettes de l’amour. L’auteure possède une voix unique, qui séduit, qui incite à laisser glisser les phrases sur soi, à les retourner entre nos lèvres, entre nos doigts.
Ce qui embête, c’est une série de légers irritants. Les termes néerlandais qui inondent les premiers chapitres brisent sérieusement le rythme, en nous forçant à faire des allers-retours entre le devant et le derrière du livre alors que plusieurs équivalences auraient été tout à fait acceptables. Le côté plaqué des juxtapositions (un paragraphe au sujet d'Anna, l'équivalent dédié à Angela) donne lieu à un échange de ping-pong vaguement étourdissant au début (on finit par se couler dans ce rythme imposé) et fait par moment très « étude de cas ». Les deux archétypes choisis m’ont semblé par moments un peu trop grossis, parce que jouant trop fortement sur les oppositions. Anna, petite fille parfaite, réalise une fois femme que sa vie est devenue vide de sens et cherche à s'étourdir dans son travail, dans les bras d’un amant, dans le réconfort de substances médicamentées. Angela, plus robuste, en révolte perpétuelle, travaille dans l'humanitaire, mais s'oublie dans la maternité.
Certaines incohérences temporelles flagrantes m’ont fait tiquer. L'auteure couvre une période de 90 ans avec son texte – choix vraiment nécessaire? – mais la société utilise toujours le courriel et les jeunes écoutent sans férir leur iPod. (Dans ce monde gouverné par l’émergence de nouvelles technologies, permettez-moi de douter.) Certains oublis langagiers familiers restent également totalement inacceptables. Annie Cloutier, qui possède une palette des plus fournies, fait se côtoyer, dans une même phrase, des termes recherchés et une expression en bon québécois. (Rappelons ici que l'action se passe dans les Pays-Bas et en Indonésie...) Les diverses étapes de corrections d’épreuves auraient dû gommer ces incohérences, qui irritent inutilement un lecteur qui ne demandait qu’à être séduit.
Comme la mer donc, mon cœur a oscillé; pourtant, je retiendrai essentiellement la qualité de l’écriture d’Annie Cloutier et surveillerai avec intérêt son prochain opus.
Les commentaires de lecture (multiples dans leurs interprétations) des autres collaborateurs de La Recrue se retrouvent ici.
Merci Lucie pour cette critique qui nous sert de guide. Cela me semble intéressant et j'irai lire l'incipit de cet ouvrage lors de ma prochaine visite en librairie.
RépondreSupprimerClaudio