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mardi 11 mai 2010

Un Chopin sans mièvrerie

J'avais entendu Janina Fialkowska au disque quelques fois sans être jamais entièrement convaincue mais la découvrais pour la première fois hier soir en concert. Sur papier, son programme semblait des plus attrayants: une ouverture dramatique (la Fantaisie K. 475 de Mozart), un petit entremets délicieux (les Variations sur Ah! vous dirais-je maman), une œuvre toute en chair, jouée trop peu souvent (le Carnaval de Vienne de Schumann) et une deuxième partie tout-Chopin, bicentenaire oblige.

Portant un amour sans bornes à Mozart et Schumann, je ne pouvais ici faire preuve de complaisance. La Fantaisie m'a semblé presque édulcorée, les éléments dramatiques se confondant les uns dans les autres presque avec gentillesse. On était bien loin de la profondeur de l'opéra qu'une telle page sous-entend pour moi. La pianiste nous a ensuite offert de délicates variations sur Ah! vous dirais-je maman, presque translucides par moments, ouvragées à d'autres, mais dont certaines démontraient une curieuse absence de pulsation (c'était particulièrement flagrant dans la XIe variation, les deux mains n'énonçant pas au même rythme le thème), comme si on proposait à l'auditeur une relecture chopinienne de Mozart. Le Schumann a été livré sans grande originalité et le quatrième mouvement paraissait malheureusement plus bruyant que fiévreux.

Et puis, au retour de l'entracte, la surprise. Moi qui frise déjà l'overdose en cette année Chopin, je me suis laissée séduire à plus d'une reprise. Janina Fialkowska a démontré qu'elle savait respecter un texte tout en le « relisant », y intégrant voix intérieures magnifiées dans une des valses, atmosphère inspirée dans le Nocturne ou en transformant la pédale de la bémol du Prélude no 17 en un glas presque terrifiant. Elle nous a proposé une rafraîchissante absence de mièvrerie, a su intégrer une réelle respiration au phrasé, a privilégié un Deuxième Scherzo joliment dessiné plutôt que pyrotechnique. De plus, la succession de pièces était astucieusement calibrée, nous permettant d'apprécier aussi bien la tendresse que la fougue de Chopin, son spleen que son exubérance. On sort de la salle de concert avec de beaux passages dans les oreilles, en souhaitant que tout le programme ait été consacré au compositeur polonais.

Les critiques de La Presse et du Devoir ont été passablement moins tendres...


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