La littérature – qu’elle soit chick lit ou autre – regorge d’exemples d’histoires de rupture racontées d’un point de vue féminin, qui nous font passer tour à tour de la révolte à la dépression à l’acceptation. Mais un regard masculin? Ces messieurs souffriraient-ils aussi quand nous les quittons? Poser la question, c’est y répondre et, pourtant, peu d’hommes avaient osé aborder ce registre. Il faut saluer ici l’impudeur – ou l’avant-gardisme – de Patrick Dion, qui signe avec Fol allié un premier roman urbain, bourré de testostérone, plutôt attachant.
L’écriture tour à tour scalpel ou pinceau de soie se prête bien à cette plongée au cœur de la relation, puisque l’auteur dissèque autant qu’il caresse, transperce aussi facilement qu’il est bouleversé. J’ai aimé ce compte à rebours dans le désordre, les chapitres étant identifiés par des lettres jalonnant le périple d’Éric, qui permettent de découvrir le narrateur par pans. Si de faire grandir le personnage dans une famille plus ou moins abandonnée par un père alcoolique ne témoigne certes pas d’une très grande originalité, il faut saluer la façon dont Patrick Dion a su juxtaposer colère refoulée et une certaine tendresse. Les retours au présent et à la fameuse lettre-confession vidéo me convainquaient moins. Je comprends bien que, en fervent défenseur des nouvelles technologies, il ait souhaité « moderniser » son approche – une lettre ou un journal intime lui semblant peut-être ringard –, mais j’ai trouvé que ces passages alourdissaient souvent ma lecture.
L’auteur aura à surveiller lors d’un prochain roman sa propension à détourner les mots de leur sens premier. Dans certains cas, cela donne quelque chose d’aussi réussi que « Mes paupières doivent peser une tonne, mille et une livres pour que le conte soit bon », et dans d’autres, des phrases franchement balourdes comme « Maintenant je sais que le téléviseur ou la corde accrochée au plafond, c’est ça le pouvoir infini du câble. » Pour son deuxième opus, saura-t-il puiser ailleurs que dans l’autofiction? On ose le souhaiter.
"Puiser ailleurs que dans l'autofiction" - LOL - c'est bien la raison pour laquelle je ne me risquerai pas à l'écriture d'un roman (en plus du fait que je tape comme une aveugle manchote)
RépondreSupprimermais ce livre m'intéresse, oh oui!
(allez, encore un, zut alors, la vie est décidément trop courte)
Merci, Lucie!
Si tu as des soucis à le trouver en Europe, peut-être que Caroline - notre correspondante française - pourrait faire circuler son exemplaire. Sinon, fais-moi signe...
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