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jeudi 28 octobre 2010

Je ne veux pas mourir seul

Vaguement déçue par certaines lectures récentes, j'hésitais. Quel livre de ma PAL saurait-il me réconcilier avec l'écriture, le plaisir de lire, réveillerait une certaine sensibilité? Après quelques hésitations, le choix m'est apparu, limpide: le dernier livre de Gil Courtemanche, prêt de mon ami No qui avait adoré.

Vous me direz que j'ai des lectures plutôt lourdes pour célébrer l'arrivée (tardive) de l'été des Indiens. Et pourtant... Ce souhait de vivre en suspension une ou deux journées de plus, avant d'accepter l'arrivée de l'hiver, s'est révélé un contrepoint étonnant à cette autofiction dans laquelle l'auteur s'appesantit beaucoup moins sur son combat de la maladie que sur la difficulté d'apprivoiser l'absence de la femme aimée. 
« Je viens de passer trois saisons sans toi. Je ne les ai pas vues naître ni mourir. Tout m'est familier, mais je navigue lourdement en pays étranger, passager d'une sorte de vaisseau fantôme qui revient sur un océan qu'il avait déjà traversé. Tout m'est familier, mais je ne suis pas chez moi. Tu es mon pays, ma ville, mon quartier, ma rue et ma maison. Je suis un habitant de toi. » (p. 134)

Avec une plume d'une rare précision, qui ne tombe pourtant jamais dans la froideur du scalpel, presque tendre, qui sait éviter tout misérabilisme, Gil Courtemanche redonne ses lettres de noblesse au genre de l'autofiction. Qu'il ait vécu cette histoire en tout ou en partie ne change au final absolument rien. Aucune volonté de voyeurisme chez le lecteur, aucune nécessité de décrypter l'information, de tenter d'extraire le vrai du faux. L'œuvre est bien plus que cela: réflexion sur l'après (la vie, la maladie, l'absence de l'être aimé), dénonciation (qui ne devient jamais polémique) des aberrations de notre système de santé, regard sur cette société qui devient de plus en désincarnée mais surtout, pure littérature. De pouvoir plonger dans un texte d'une telle profondeur est devenu un plaisir trop rare.

4 commentaires:

  1. C'est ma lecture du moment, Lucie. J'y prends plaisir. J'avais peur du côté déprimant, j'y allais pour la lucidité, je ne suis pas déçue.

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  2. encore une fois un compte-rendu convaincant!
    et il me semble que cela parlera aussi de mon propre vécu :-(

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  3. Venise: oui, j'ai vu que tu le lisais en même temps. J'ai hâte de savoir ce que tu en auras pensé.

    Adrienne: peut-être... mais la littérature n'est-elle pas là parfois pour servir de catharsis?

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  4. J'ai aimé ce que j'ai lu de l'auteur alors bien entendu, j'avais repéré celui-ci. Tu me confortes dans mon idée!

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