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mercredi 20 octobre 2010

Lenny Bernstein au parc La Fontaine

Je suis peut-être plus puriste que je ne le croyais. Si j'admets volontiers avoir cédé il y a déjà quelques années de cela au charme de Beatles Baroque des Boréades (peut-être parce que, pour moi, les Beatles sont les plus « classiques » des groupes populaires) et apprécie les couplages intéressants, par exemple la juxtaposition des Saisons de Vivaldi et de Piazzolla sur un même programme, je suis très peu crossover. L'air sur la corde de sol en jazz manouche, très peu pour moi (et je ne parle surtout pas des 58 versions new age avec chants de baleine ou sons de ruissellements intégrés du Canon de Pachelbel). J'ai rencontré le même genre de problème avec Lenny Bernstein au parc La Fontaine de Réal La Rochelle.

Dans ce « récit quàsi una fantasia » (oui, comme la Sonate « à la lune »), l'auteur extrapole, à partir de faits connus et de documents de l'époque (notamment des critiques de journaux), ce qu'aurait pu vivre Leonard Bernstein lors de ces séjours dans la métropole montréalaise, en y intégrant un aspect romanesque. (Le jeune chef n'y viendra que lors des saisons 1943-1944 et 1944-45, avant que sa carrière ne connaisse l'ascension météorique qu'on lui connaitra.) L'idée était loin d'être mauvaise en soi. Après tout, 2010 marque le 20e anniversaire du décès du maestro américain. De plus, la littérature sur la vie musicale montréalaise des années 1940 n'est pas exactement foisonnante. Il y a quelque chose de très attrayant à découvrir l'orchestre qui allait devenir l'OSM sous un autre jour, à se glisser dans la mythique salle du Plateau avec les musiciens d'alors, le directeur musical Désiré Defauw ou l'infatigable visionnaire Pierre Béique.

Là ou le bat blesse, c'est la non-unité du ton adopté par le dit écrit (que je ne sais vraiment pas dans quelle catégorie classer). Les informations factuelles sont, de fait, assez intéressantes pour qu'on s'y attarde. (L'auteur travaillerait à un essai sur le sujet.) De souhaiter prolonger dans l'imaginaire les premiers émois (physiques et musicaux) montréalais ressentis par le wunderkid américain, pourquoi pas? Mais a-t-on alors besoin d'intégrer citations de journaux, histoire de « justifier » peut-être la qualité des prestations dirigées, d'« expliquer » certaines pièces musicales de façon tantôt très sommaires, tantôt vaguement musicologiques?

Tout au long de ma lecture, je me suis posé la question: qui est le lecteur-cible ici? Monsieur Tout-le-monde y trouverait-il son compte? Mon bagage de connaissances aurait-il alourdi ma compréhension du texte? Comment aurais-je moi-même procédé? Je pense que j'aurais d'abord fait le choix du factuel ou du romanesque et aurais développé l'un ou l'autre des aspects en conséquence. Cela reste une tâche ardue mais on peut rédiger une biographie « romancée » d'un compositeur qui ait un aussi grand intérêt informatif que littéraire. (Le plus bel exemple pour moi demeure La vie de Liszt est un roman.) J'ai senti que, à force de ne pas trop vouloir dénaturer le propos ou mal servir le personnage Bernstein, La Rochelle n'a pas trouvé sa voie, sa voix. Dommage...

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