« Les maîtres d'école sont des jardiniers en intelligences humaines », écrivait Victor Hugo, citation qui est glissée entre les pages de mon livre ces jours-ci grâce aux bons soins de Gwenn qui m'en a fait un signet. Toutes les semaines, je jardine à côté du piano. Je bêche, sarcle, élague. Je présente, décortique, évoque des compositeurs morts il y a des lunes. Je transmets, inlassablement, sans jamais trop savoir ce qu'il en restera, dans deux mois, deux ans, dix ans. Peu importe, l'important est dans le partage et je sais pertinemment que je serais incapable de ne pas transmettre cet amour de la musique qui me dévore.
Il y a quelques années, j'ai enseigné à un enfant, plutôt réservé, délicat, charmant, rieur à ses heures. Il a fait ses premiers pas à l'instrument alors qu'il avait à peine cinq ans. Chaque année, il a travaillé de nouveaux compositeurs, découvert de nouveaux univers, repoussé de nouvelles frontières. Quand il m'a laissé, huit ans plus tard, pour découvrir la guitare, il était devenu un adolescent. Je savais confusément que, peu importe l'instrument, la musique aurait toujours une part importante dans sa vie. Qu'il choisisse une voie de traverse était secondaire.
Il y a quelques semaines, alors que je me rendais au concert, j'ai entendu sa voix résonner derrière moi. « Lucie, c'est toi? » J'avais pensé à lui très fort quelques jours auparavant, en avait même parlé à un ami. Quatre ans déjà, qu'était-il devenu? Nous allions tous deux au même endroit. Déjà, j'étais renversée. Et puis, il m'annonce, comme ça: « Tu sais, j'ai repris le piano cette année. » J'ai retenu juste un peu mon sourire. Il a poursuivi: « L'année prochaine, je change d'orientation. Je passerai les auditions en février pour entrer au Cégep en piano classique. »
Non, vraiment, on ne sait jamais ce que l'on sème. Surtout, on ne réalise pas toujours la joie que la récolte procure parfois.
trop beau!
RépondreSupprimerC'est le plus beau cadeau qu'un élève puisse faire, je suppose...
RépondreSupprimerliceal: ... mais pas pour être vrai ;-)
RépondreSupprimerOberbaum: je l'ai pris comme un cadeau, c'est vrai, mais pour moi, l'essentiel est que la musique fasse toujours partie de leur vie, peu importe sous quelle forme.
L'année dernière, de retour en Belgique pour les fêtes, j'avais enfin réussi à organiser une 'revoyure' (comme on dit chez nous) avec mes deux profs de piano (un couple), et lorsque j'ai raconté que je travaillais dans l'édition musicale, elle a dit "en tous cas je suis contente de voir que ca vous sert, je me demande souvent si ce qu'on transmet vous reste". J'avais du mal à croire qu'elle pouvait même en douter ! :o)
RépondreSupprimerJe reste convaincue qu'il restera toujours quelque chose de ce que je sème... mais ne peux jamais deviner la fleur qui en sortira. C'est sans doute pour cela que je continue à croire en ce métier.
RépondreSupprimermagnifique!
RépondreSupprimerc'est exactement ça, le bonheur du prof, revoir ou entendre un ancien élève et recevoir un message dans le genre de celui-là :-)
alors, oui, c'est le plus beau métier du monde!
@Lucie : j'adore revoir mes anciens élèves ! J'ai la chance d'en revoir régulièrement. Cela fait partie de la magie de ce métier de se rendre compte que parfois, une graine semée, parfois bien involontairement, s'est métamorphosée ;-) Et à propos de transmission, j'ai écouté cela aujourd'hui : http://www.youtube.com/watch?v=vjB6fxjVckI&feature=player_embedded
RépondreSupprimerQue du bonheur !
Adrienne: il faut continuer d'y croire!
RépondreSupprimerMargotte: géniale, cette vidéo! Merci du partage...