Les grands groupes ne m'intimident pas et je peux prononcer une conférence pré-concert devant 200 personnes sans friser la syncope. (Tenir 37 ados dans une classe, par contre, c'est autre chose, mais passons...) Pourtant, il n'y a rien que j'aime le plus au fond que le contact privilégié, le one on one, qui permet la transmission mais aussi le partage. Je le vis au quotidien avec les élèves, de façon régulière lors d'entrevues, qu'elles soient téléphoniques (souvent plus « glissantes » par nature) ou en personne. (Grâce à skype, on peut maintenant profiter d'un entre-deux plutôt sympa, il faut l'admettre, mais ce ne sont pas tous les artistes qui ont compris le maniement de la webcam.)
Je sais que plusieurs ouvrages de pédagogie « sérieux » préconisent une certaine distanciation entre le professeur et l'élève. Dans mon cas, il n'en a jamais été question. Je refuse d'être considérée comme l'autorité suprême, même si, forcément, mes multiples boulots impressionnent certains des plus jeunes, comme cet élève, tout fier de m'apporter quelques jours après avoir vu Casse-Noisette sa copie du Magazine Place des Arts, parce qu'il m'y avait lue, ou cet autre qui, alors que je terminais un appel avec un orchestre étranger, m'a demandé tout bonnement: « Es-tu célèbre? » (J'ai ri pendant un bon 20 secondes, avant d'expliquer que, en classique, pas de souci, tout le monde ou presque pouvait faire ses courses tranquille.) Je refuse aussi d'être perçue comme une figure parentale. Oui, je pourrais être la mère de plusieurs de mes élèves, mais pourrais aussi être la fille de quelques autres. J'essaie de définir un statut particulier, unique, qui devient souvent un atout important à l'adolescence quand, justement, l'élève est en rébellion contre ses parents.
J'aime qu'ils me confient des petits trucs sur leurs vies respectives, au début du cours. J'essaie de me tenir un peu à jour côté hockey, histoire de pouvoir entretenir une conversation ludique avec tous ces fans du Canadiens. Quand un m'a demandé avant-hier ce que le père Noël m'avait apporté, j'ai souri, ai réfléchi et ai répondu. (Quand j'ai mentionné que j'avais reçu un livre ou deux, il m'a d'ailleurs fixée avec un regard entendu: « On le sait que tu aimes les livres! ») Quand ils me parlent d'une chanson pop, généralement, je sais de quoi il est question. Quand ils me demandent d'en apprendre une, je ne fronce pas les sourcils. Tant qu'il n'est pas question de Justin Bieber, je dis oui. (Et encore, je cèderais peut-être...) Qu'on travaille Bach ou Coldplay, il y a matière à transmission, à découverte, à apprentissage. Et puis, on ne sait jamais quand les tables peuvent tourner et que ce soient eux qui m'enseignent quelque chose sans même s'en rendre compte, sur la façon d'aborder quelque chose, de le transmettre, de le partager. Il s'agit de demeurer alerte et de saisir l'instant. Carpe diem!
ah lala si tu pouvais te multiplier cela serait bien!! Vu les enseignants que je croise au travail et qui me décourage par leurs attitudes face à leurs élèves... Bon allez, je vais soutenir le clonage finalement ;-)
RépondreSupprimerje m'y reconnais tout à fait!
RépondreSupprimeret moi aussi je me demande souvent si je fais bien, s'il ne faut pas "créer plus de distance", si ce n'est pas mauvais de créer ce lien affectif (car c'est bien de cela qu'il s'agit, n'est-ce pas?)
ah ça fait du bien de lire ton billet :-)
Liceal: Pas certaine que je sois d'accord pour que tu me clones ;-) mais, oui,je sais, l'apathie généralisée - tant dans le monde de l'enseignement qu'ailleurs il me semble - me scie souvent en deux. Tant pis (tant mieux) si je suis trop idéaliste! On essaie de se voir bientôt?
RépondreSupprimerAdrienne: Oui, il s'agit d'un lien affectif bien particulier. Bien sûr, dans mon cas, j'ai le privilège de pouvoir développer plus facilement ces liens car je vois les élèves un à la fois. Mais, pourtant, des 37 tornades/mollusques (selon les cas) que j'ai eu à gérer il y a deux ans, il y en a trois qui font encore partie de ma vie, à des niveaux différents. Il semble qu'on devrait être heureux en tant que prof d'en « sauver » un. Je me compte donc privilégier d'en avoir « rejoint » (et de m'être laissée touchée par) trois.
Je préfère de mon côté une classe de 25 garçons peu réceptifs à la "chose scolaire" plutôt qu'une conférence face à 200 personnes (plus ou moins réceptives aussi...) ! Quant à la distance... c'est bien difficile de généraliser. Dans les métiers où la relation humaine entre en jeu, les cadres sont nécessaires mais les adaptations aussi ;-)
RépondreSupprimerJ'ai en fait toujours été sidérée combien les gens assistant aux conférences pré-concert écoutaient attentivement (surtout par rapport à des ados). La première fois, je croyais que je les avais endormis. J'ai donc poussé une blague ou deux, histoire de tester. Eh ben... ils écoutaient! Toute une révélation...
RépondreSupprimerAvec les ados, ce qui est bien, c'est que l'on sait immédiatement s'ils n'écoutent pas... test inutile... Et moins ils apprécient l'école, plus cela se vérifie (hélas, parfois, pour le pauvre enseignant qui essaie tant bien que mal de faire son cours). ;-)
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