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vendredi 4 novembre 2011

Rose déluge

Sambo, un jeune Togolais, doit honorer une promesse faite à sa tante Rose et enterrer ongles et cheveux à la Nouvelle-Orléans, ville qui est toujours restée pour elle mythique. Louise, aspirante danseuse, s’apprête à monter dans l’autobus qui la mènera à New York. Elle souhaite aussi bien s’y réaliser en tant qu’artiste que fuir quelques démons intérieurs.

Dans les premiers chapitres, ils se racontent en alternance. Le lecteur hésite sur la façon de s’approprier leurs destins, troublé par la structure narrative, tout semblant de prime abord séparer les deux héros. Et puis, comme dans l’histoire, tout bascule au moment de leur rencontre, à Hull. Les mélodies que l’on croyait indépendantes deviennent contrepoint l’une à l’autre, certaines interrogations sur le devoir de mémoire, le déracinement, les liens familiaux, se répondant, en une superposition de lignes au grand lyrisme, porté par le souffle puissant de l’écriture d’Edem Awumey, sélectionné sur la première liste du Goncourt en 2009 pour Les pieds sales.

Alors que dans ce dernier, l’auteur parlait de destins qui se fracassaient sur les pavés de Paris, le voyage se veut cette fois avant tout intérieur, malgré les kilomètres avalés, du Togo à la Louisiane, avec détour par le Canada. Grâce à des retours en arrière astucieusement intégrés, dépourvus de toute lourdeur, Edem Awuney dresse un portrait troublant de Lomé, la capitale du Togo, sans taire les abus de pouvoir occidentaux en Afrique. Servi par une langue poétique et pourtant jamais ampoulée, Rose déluge rend floue la frontière entre rêve et réalité, hier et demain, ailleurs et ici. On se laisse porter par une voix distincte, dense, chose trop rare.

« … disparition, extinction des corps et des mots, le beau français des bayous y passera, cette langue à laquelle je ne comprends rien, ni moi ni les fils de Cajuns devenus Américains, leurs chants, leurs histoires de clairs de lune vont s’effriter, s’effacer mot après mot pour ne laisser qu’une page blanche de l’absence de mots pour dire qu’ils n’ont jamais existé, à l’heure où je te parle, cette belle langue, ils ne sont pas plus de mille à la parler, c’est l’automne de leur chant, quoique… »

L'auteur parle ici de son livre:
Edem Awumey, auteur de « Rose déluge » from Les Éditions du Boréal on Vimeo.

Ce livre a été lu dans le cadre de l'opération Masse critique Québec de Babelio.

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