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samedi 24 mars 2012

Les solidarités mystérieuses

En Bretagne, près de Dinard, Claire, une femme d'une quarantaine d'années traductrice de son métier, retrouve la région qui l'a vu grandir lors d'un mariage. Elle croise au marché son ancienne professeure de piano, avec laquelle elle vivra un certain temps, avant de s'installer dans la maison de ferme de cette dernière. Peu à peu, elle retrouve ses repères de jeunesse, mais aussi Simon, premier amour jamais oublié, devenu maire d'une commune avoisinante. Elle se détache entièrement de son ancienne vie, ne fera plus qu'une avec la nature, mais pourtant, se rapprochera de son frère, renouera éventuellement avec sa fille.

Au fond, il ne se passe presque rien dans le dernier roman de Pascal Quignard, peut-être bien son titre le plus achevé, certainement celui duquel se dégage la plus grande tendresse et que j'ai aimé sans aucune réserve. À petites touches, grâce à une série de circonvolutions, il raconte. Il chuchote plutôt cette histoire, à la fois semblable à tant d'autres et unique. On y perçoit surtout en tout temps une petite musique, presque insidieuse, et qui, pourtant, vous berce, vous apaise. Après quelques chapitres, le titre s'est déformé dans mon esprit, mon oreille interne même,pour devenir Les barricades mystérieuses de Couperin. Les barrières que nous érigeons pour nous protéger des autres (qui finiront ici par se fissurer) ne relèvent pas parfois du mystère le plus total?

La prose de Quignard reste finement ciselée, mais on n'y décèle aucune trace de la froideur esthétique de Villa Amalia ou du Salon de musique par exemple. « Dieu est vraiment le Verbe. Tout, sans exception, même le plus bas, une fois nommé, accroît son existence, accentue son indépendance, devient somptueux. » Au deux tiers du roman, je me suis surprise à ralentir mon rythme de lecture, souhaitant prolonger le plus longtemps possible ces instants d'intimité. C'est un signe qui ne trompe pas.

Une autre citation en partage:
« Les femmes ne sont pas vraiment sensibles à la beauté invraisemblable de leur sexe.
Les femmes ne séduisent pas non plus les hommes pour mettre la main sur leur pouvoir, ni pour l’exercer en sous-main, ni pour les domestiquer, ni pour prendre leur argent, ni pour acquérir ce qu’elles convoitent.
Les femmes ne veulent même pas des enfants des hommes qu’elles étreignent afin de les reproduire, ni pour se reproduire elles-mêmes, ni dans le dessein d’assouvir leurs vengeances en lançant leurs petites à la conquête du monde.
Les femmes n’attendent même pas des hommes des maisons où s’ennuyer auprès d’eux et d’y vieillir.
Les femmes ont besoin des hommes afin qu’ils les consolent de quelque chose d’inexplicable. »

3 commentaires:

  1. oho! faut que je prenne note! ça a l'air d'être tout à fait un livre comme je les aime :-)
    merci Lucie et bonne soirée, bon dimanche!

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  2. Je le recommande sans aucune réserve!

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  3. Je crois que je vais aussi avoir un coup de foudre!
    Je note sans tarder...

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