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mercredi 25 avril 2012

La musique selon Michel Serres


« Je dois commencer par vous faire un aveu : je suis un compositeur raté, explique Michel Serres en entrevue dans le Télérama du 13 juillet 2011. J’ai été un pianiste passable, j’ai beaucoup fréquenté les œuvres, les compositeurs et les interprètes, mais j’ai très tôt compris que la musique n’était pas ma vie. il faut parfois savoir accepter ses limites et sa propre insignifiance dans certains domaines. En revanche, elle est toujours restée au cœur de ma vie. Quand j’ai une idée, elle me vient toujours en musique et en mélodie. L’écrivain que je suis devenu se plie toujours à la magie des mots, au rythme de la phrase, à la fête du langage. Souvenez-vous de Flaubert et de son fameux "gueuloir", quand il vociférait à pleine voix le texte qu’il venait d’écrire pour en éprouver la qualité acoustique, la beauté et la perfection sonore. Le style d’un auteur, c’est toujours de la musique : une partition manquée. »
Après une telle mise en contexte, j'avais hâte de lire Musique de Michel Serres. Peut-être trop. Le philosophe propose trois contes, trois métaphores, pour expliquer non pas la musique elle-même, mais sa naissance, alors qu'elle s'extrait d'un big bang initial, « bruit » originel. Dans un premier segment, il aborde le mythe d'Orphée, avant de revenir sur ses premiers contacts avec la musique, puis d'aborder le sujet d'un point de vue biblique. Le Magnificat chanté par la Vierge, traité par de nombreux compositeurs, ne serait-il pas le chant formateur de notre société? Voilà du moins la conviction qu'il entretient.

Malgré la pertinence de certaines des prémisses évoquées, j'ai eu l'impression de rester en marge du propos, d'avoir été témoin d'une lecture analytique, mathématique (l'auteur transforme d'ailleurs à un moment les cellules musicales en algorithmes). L'auteur décortique, argumente, propose des pistes,  revisite certains mythes, certes, plonge dans quelques souvenirs, mais cela reste terriblement froid, distancié, clinique, élitiste. 

Difficile de croire en parcourant ces pages (qui comptent plusieurs segments magnifiquement rédigés) que l'auteur a déjà abordé la musique comme interprète (fût-ce à un niveau intermédiaire). J'aurais plutôt souhaité une évocation de l'intérieur, organique,qui se serait alors rapprochée de la vision que j'entretiens de ce langage universel. « Musique, délivre- nous de la douleur. Musique, délivre la joie de nos émotions. »

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