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dimanche 14 octobre 2012

Combustio

Les impondérables professionnels m'ont empêchée de lire Combustio, l'ambitieux nouveau roman de Gilles Jobidon, d'un seul souffle. Au fond, je me demande si les circonstances ne m'ont pas offerte la façon idéale d'y plonger, par petites bouffées, par paliers, par strates. En effet, la ligne narratrice foisonnante, comme celles des romans d'Umberto Eco, peut happer, mener le lecteur dans un tourbillon d'interrogations, l'empêcher d'une certaine façon de prendre le temps d'admirer chacune des facettes de cette histoire qui s'échelonne du 17e siècle à aujourd'hui.

On croit y suivre Jane Dix, jeune archéologue brûlée - dans plus d'un sens - par sa dernière expédition désastreuse en Amérique du Sud, qui accepte de travailler pour Sarah Mill, directrice du département des cas extraordinaires de la Lloyds, qui cherche à faire la lumière sur un triptyque représentant des scènes du grand incendie de Londres. Rapidement, nous réalisons notre méprise, des récits s'emboîtant les uns dans les autres, autant de fragments miroitants d'un kaléidoscope dont la splendeur  ne se dévoilera qu'à la toute fin, un peu de la même façon qu'un regard apprivoise la lumière si particulière d'une toile de Georges de la Tour, peintre dont il est ici abondamment question, ou la déstructuration de certaines compositions de Francis Bacon. En cours de périple, Jobidon nous propose également des incursions dans le monde du cirque, des assurances, du colonialisme, aussi bien que dans la psyché des personnages, en une composition d'une grande subtilité.
« Un livre à la trame éclatée, construite à la manière dont opère le cerveau, pour qui le présent, le passé et le futur sont les facette d’une même réalité. »

La plume de Jobidon, d'une rare élégance, touffue, souvent poétique, reste d'une remarquable précision. Les images évoquées demeurent d'une rare puissance évocatrice, les mots de l'auteur devenant ici autant de touches de couleurs, de détails sur lesquels on a envie de s'attarder, d'émotions que l'on tente de capturer. Une certaine connaissance du milieu des arts visuels permettra au lecteur de s'orienter avec plus de facilité dans ce musée virtuel. La vigueur du souffle de l'auteur saura sinon y pallier.

« Elle se rappelle de mémoire cette phrase que sa vieille amie lui avait dite à propos de la biographie de Sendre, celle que Manet lançait parfois en discutant de peinture et qui s’applique tout autant à l’écriture: “Faites tout faux et peignez à certains endroits quelques parcelles de vérité”. »

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