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dimanche 21 avril 2013

Sorta comme si on était déjà là

« Kilométrage », texte qui ouvre le premier recueil d’« errances » de Pierre-André Doucet, avait valu à son auteur le prix Antonine-Maillet-Acadie Vie, volet jeunesse, en 2009; on comprend sans peine l’enthousiasme du jury. Porté par un souffle réel, construisant et déconstruisant la langue, entre français et chiac, ce voyage au pays des racines se lit en effet à plusieurs niveaux. Une petite musique s’insinue avec grande délicatesse dans cette collection de portraits d’hommes (et de quelques femmes qui croisent leurs routes) qui cherchent à se redéfinir, sachant pertinemment qu’ils ne ressentiront plus jamais les choses de la même manière, que ce soit Ahmed, ne sachant plus comment s’ancrer dans sa terre natale, Jean, qui doit apprendre à dire adieu à son épouse, placée en résidence, ou ce soldat qui revient d’Afghanistan, incapable d’oublier ce qu’il y a vécu. « Le soleil afghan est poussiéreux et fade. Une ampoule flétrie dans le grenier d’une demeure autrefois opulente. »
 
Le jeune auteur complète également son doctorat en piano (il est d’ailleurs l’un des six demi-finalistes du prestigieux Concours national Eckhardt-Gramatté début mai) et cet amour de la musique se décline dans plusieurs de ses titres de sections : « Mess : Credo », « Images I » et « Images II », en référence à Debussy, chaque sous-section reprenant un des mouvements des triptyques, « Préludes pour voix seule, opus posthume » ou encore « Arabesques et Estampes : carnet de voyage », autre référence à Debussy. Le choix ne s’avère aucunement gratuit, Doucet appliquant, comme le compositeur français, couleurs et émotions avec parcimonie, autant de touches qui ne prennent leur sens qu’une fois mises en contexte. « Le jour où l’on commence à se rapprocher davantage de la mort que de la naissance, je l’ai senti. Ce jour-là, le soleil se couche à l’horizon, et pour la première fois, on craint qu’il ne se relève pas. Son rituel prend une toute autre dimension, le cycle journalier s’efface peu à peu. On vit d’heure en heure. Depuis, les instants figés dans ma tête perdent leurs couleurs, ils deviennent des taches asymétriques, détraquées. »

Quelle structure musicale inspirera son prochain ouvrage? Nous avons hâte de le découvrir.

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