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mercredi 15 mai 2013

La vie, la vie

Mai… Alors que l’hiver s’est mué d’un seul coup en été, j’aurais pu vous parler du plaisir de lire en terrasse, dans un jardin, dans un parc, protégé du soleil brûlant, des regards indiscrets. J’aurais pu vous évoquer l’exaltation vécue lors de la 12e édition du Festival du jamais lu, qui continue de soutenir le théâtre émergent et d’offrir au public une première occasion de découvrir des textes qui deviendront peut-être les classiques de demain, mission qui ressemble quand même étrangement à celle de La Recrue du mois. Et puis, un ange est passé, plutôt nous a quittés. Vickie Gendreau, qui avait causé un raz-de-marée médiatique à l’automne avec son premier roman, Testament, a perdu son combat contre le cancer. Grâce à la complicité de son fidèle ami Mathieu Arsenault, elle aura eu le temps de terminer son deuxième opus, Drama Queens, qui a été donné en lecture presque intégrale le 30 avril dernier. « C'est mon vrai livre, Mathieu! Là je sais que je suis une vraie écrivaine! Avant on me le disait mais je le réalisais pas. Mais là! C'est meilleur que Testament parce que je suis vivante dedans! Je suis vivante! » lui avait-elle confié.

Par un troublant hasard, le passage vers l’au-delà est au cœur de La mort est un coucher de soleil de Claude-Emmanuelle Yance, notre Recrue du mois, un roman qui interroge le lecteur, par strates de couleurs, comme le soleil du titre. « Pourtant, qu’y a-t-il de plus important que le mystère que chacun transporte en soi à travers les jours et les nuits de sa courte vie? » y écrit d’ailleurs la narratrice, incapable de saisir les motivations du geste du disparu. Dans le questionnaire, Claude-Emmanuelle Yance lie elle-même dans un même souffle la vie, l’écriture et la mort : « Je n’imagine pas ma vie sans l’écriture. J’espère mourir la tête sur mon clavier. Même si je ne publiais plus. » La fiction comme catharsis, comme bouée, comme parole vibrante.

Écume d’Anne-Marie White, pièce de théâtre montée il y a quelques années, retravaillée par l’auteure avant publication, se conçoit aussi comme une fable entre l’ici et l’au-delà, l’un des personnages, androgyne, servant d’intermédiaire entre les vivants et les morts. Stand by, premier recueil de poésie de Véronique Bourdon, se veut un hommage au père disparu, Chien de fusil  d’Alexie Morin, une tentative de résilience, une pulsion de vie. Dans Dix jours en cargo, Isabelle Miron s’attarde au geste même d’écrire, alors que la narratrice tente de retrouver l’inspiration lors d’une traversée qui n’a rien d’idyllique entre Barcelone et Rio. 

« Les Grandes Tristesses finissent aussi par me faire sangloter à gros bouillons en me plantant le dard de la grande mélancolie en plein cœur. Mais à un moment donné, c’est assez! » confie la jeune narratrice de La fée des balcons de Maude Favreau. Fort heureusement, la vie finira toujours par reprendre ses droits, que ce soit à travers une main tendue, un geste gratuit de bonté, les mots d’un autre. Carpe diem!

Pour lire le numéro courant de La Recrue

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