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samedi 21 juin 2014

Les Troyennes

Le théâtre d'Euripide continue d'inspirer les créateurs, que ce soit Sartre il y a presque 50 ans (son adaptation des Troyennes a été présentée pour la première fois au Festival d'Avignon en 1965) ou le Théâtre Omnivore ces jours-ci au Fringe. Aucun doute ici: le propos des Troyennes reste d'une brûlante actualité. Tant que des guerres continueront de ravager les continents, que des réfugiés confinés dans des camps se demanderont s'ils n'auraient pas dû mourir avec leurs proches, que des femmes seront violées par des militaires, ultimes tributs de guerre, nous aurons besoin du théâtre pour transcender l'horreur et vivre une nécessaire catharsis.

Dans son adaptation, une « condamnation de la guerre en général et des expéditions coloniales en particulier », mais surtout une brillante démonstration qu'une guerre ne fait que des perdants, Sartre avait déjà repoussé certaines balises, adoptant le verset pour mieux transmettre le côté oratorio de la tragédie. La lecture éclairée qu'en propose la metteure en scène Jacinthe Gilbert propose au spectateur d'aller encore plus loin, la musique de Marc-André Perron et la gestuelle d'Alessandra Rigano faisant partie intégrante de la démarche. Cela permet une efficace superposition d'époques, qui floue les frontières entre celles-ci, de la Grèce antique au Québec d'aujourd'hui en passant par une France qui tente de s'émanciper d'un lourd passé colonial, mais aussi des genres, entre mélopée antique, pantomime, mélodrame du 19e siècle (le texte récité se superposant à la musique) et musique contemporaine, s'articulant pourtant en partie sur les modes grecs anciens.

Qu'elle soit transmise de façon électronique (se superposant même au début au son des vagues se fracassant inlassablement sur le rivage) ou en direct, par le chœur des femmes ou des voix solistes, la musique de Marc-André Perron sert aussi bien de soutien que de deuxième narration ou de puissant et terrifiant moteur dans la scène finale, qui laisse le spectateur bouleversé sans qu'un seul mot ait besoin d'être prononcé. 

Si dans les premiers instants de la pièce, on se trouve presque submergés par les stimuli sonores (bruits de vague, musique, texte déclamé) et que l'on peine à fixer son attention, les éléments finissent par se mettre en place. Jeanne Ostiguy campe une Hécube digne, qui contient sa colère et sa douleur, Béatrice Aubry nous offre un beau numéro d'actrice en Cassandre, qui avance presque malgré elle sur le mince fil de la folie. On soulignera aussi la puissance d'Émilie Allard en Andromaque, veuve encore éperdument amoureuse d'Hector et mère ravagée par la nouvelle de la mort de son jeune fils Astyanax et la maîtrise avec laquelle Joëlle Lanctôt transmet la rouerie d'Hélène, femme fatale qui finira par séduire de nouveau son mari trompé Ménélas (Tommy Lavallée, excellent).

Soulignons en terminant l'opulence et l'inventivité des costumes, ainsi que l'efficacité des éclairages et des choix scénographiques.

Vous pouvez encore vous glisser en salle ce soir à 20 h 15. Détails et billets ici...
 

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