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samedi 18 avril 2015

J'accuse: je, tu, elles

Photo: Valérie Remise
Cinq monologues, cinq actrices pour les défendre. Un texte virtuose d'Annick Lefebvre, pour cinq actrices exceptionnelles qui ont accepté d'offrir leur voix à ses sans-voix, qui ragent au quotidien, parce qu'on les traite de façon inacceptable, parce que la vie les a rendues amères, parce que les blessures - d'amour-propre ou d'amour tout court - sont trop douloureuses. Cinq actrices tellement sur la corde raide tout au long de leurs prestations d'une vingtaine de minutes chacune, à faire leur un texte dense, parfois alambiqué, toujours brillant, que l'on ne peut que se demander comment elles pourront maintenir un tel souffle, soir après soir, jusqu'au 9 mai, tellement la partition est exigeante.

La mise en scène de Sylvain Bélanger est maintenue au minimum, histoire de ne pas distraire le spectateur de la parole, de la transmission de celle-ci. Confinée derrière son comptoir sous-entendu de vendeuse de bas nylon, positionnée sur un x symbolique, Ève Landry ne bouge pas, comme son personnage qui choisit d'encaisser. Même si elle vomit un discours extrêmement à droite, salue l'audace de Jeff Fillion et crache son fiel sur ses voisins BS, Catherine Trudeau reste recroquevillée sur elle-même pendant la plus grande partie de son monologue. Léane Labrèche-Dor se maintient en fragile équilibre, sur la pointe des pieds, les deux mains appuyées sur le dossier d'une chaise, celle de de cette amie qu'elle a pour toujours perdue peut-être, qu'elle a étouffée par amour. (L'utilisation de la vidéo, une caméra sur rail filmant la comédienne, distrait d'ailleurs inutilement ici.) Alice Pascual, qui livre un texte bouleversant sur l'immigration, mais surtout sur - ou l'absence de - l'identité québécoise, se sert un peu plus de l'espace. Seule Debbie Lynch-White, brillante en fan finie d'Isabelle Boulay (qui sert de fil d'or savamment intégré aux cinq monologues) se déploie un peu plus.

Ces mouvement contrôlés magnifient cette impression du spectateur d'être continuellement en apnée, comme chacune de ces femmes, facettes plus ou moins déformées de l'auteure sans doute, mais aussi de la femme d'aujourd'hui. Que l'on souhaite l'admettre ou non, nous avons toutes à un moment ou l'autre poser des gestes que l'on pourrait qualifier de « matante », mais aussi, trop souvent, choisi de nous taire, de rester en marge, d'accepter la donne. En ce sens, le texte d'Annick Lefebvre peut - doit - se lire comme une prise de parole féministe. Le geste suivra...

Incontournable.

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