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lundi 18 mai 2015

Silent Night: magique

Photo: Yves Renaud
L'Opéra de Montréal nous offre une fin de saison exceptionnelle avec la présentation de Silent Night de Kevin Puts, œuvre qui a obtenu avec raison le Prix Pulitzer en 2012. S’il s’inspire directement du film Joyeux Noël de Christian Carion (sorti en 2005) qui lui-même relate une trêve unique dans l’histoire, l’opéra va encore plus loin, grâce à un livret rodé au quart de tour de Mark Campbell et à une partition particulièrement soignée, accessible, d’une grande clarté de Puts. L’ensemble jette un éclairage non pas global sur un événement, mais s’attarde à l’humanité de chacun des personnages.

Même si l’œuvre se déroule en cinq langues (français, anglais et allemand pour les militaires, italien pour la scène d’opéra mozartien, adroite mise en abyme, et latin pour la messe de Noël commune) et que le compositeur utilise un vocabulaire musical distinct pour chacune des armées (on y retrouvera par exemple des pastiches de Bach, des foisonnements de couleurs orchestrales indéniablement français et l’intégration de la cornemuse ou de l’harmonica sans que cela ne semble plaqué), le tout est adroitement lié par un leitmotiv discret aux cordes. Certains pourraient qualifier l’approche de postmoderniste, mais ici, cela s’articule autrement, laissant transparaître la palette unique de Puts. (Silent Night peut assurément être considéré dans le prolongement des symphonies du compositeur.)

La distribution se révèle ici sans faille aucune, autant les solistes que le chœur, impeccablement préparé (tout à fait exceptionnel dans « Sleep »). Rien n’a été laissé au hasard en cours de répétition et cela s’entend. Marianne Fiset en Anna Sørensen, ange des champs de bataille et amoureuse prête à tout pour ne pas être séparée du ténor Nikolaus Sprink (tout aussi excellent Joseph Kaiser), convainc du début à la fin. Philip Addis en Lieutenant Audebert transmet bien la fragilité de l’homme qui s’inquiète au sujet de sa femme et de son fils (pas encore né quand il est parti pour la guerre), Alexandre Hajek nous livre un Lieutenant Gordon tout en subtilité, Alexandre Sylvestre trouve un rôle à la mesure de ses dons d’acteurs avec Ponchel et Daniel Okulitch offre une belle profondeur à son Lieutenant Horstmayer.  

La mise en scène d’Eric Simonson tire parti du décor de Francis O’Connor, plateau tournant nous permettant de passer en quelques secondes d’un camp à l’autre, ajoutant une dimension presque cinématographique à la proposition (soutenue par les projections jamais envahissantes d’Andrzej Goulding), mais ici, indéniablement, c’est la musique de Puts qui joue le premier rôle. Mené de main de maître par Michael Christie (qui a dirigé l’opéra à de nombreuses reprises, notamment lors de la création), l’Orchestre Métropolitain fait lui aussi un sans-faute dans la fosse.

À voir absolument!

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