Pages

dimanche 31 mai 2015

Tauberbach

Alain Platel et les Ballets C de B sont devenu les chouchous et c'est devant une salle conquise d'avance que s'est déroulée la représentation de Tauberbach (Bach pour les sourds ou encore Bach pour les pigeons mâles, détournement qu'a également adopté le chorégraphe en intégrant un personnage d'oiseau plus grand que nature à la proposition).

« Comment (sur)vivre avec dignité quand il nous reste très peu ? » Voilà la prémisse de Platel, qui s'inspire ici à la fois de la bande sonore Tauber Bach (dans laquelle des pages du Cantor de Leipzig sont chantées par des sourds, expérience troublante s'il en est une pour un musicien) et du documentaire Estamira de Marcos Prado, réalisé en 2004, portrait d'une schizophrène vivant dans une décharge près de Rio de Janeiro, communiquant dans une langue inventée.
Le plateau est ainsi envahi de tonnes de vêtements évoquant le dépotoir d'Estamira, mais aussi tous ces endroits souillés (beaucoup trop nombreux) qui défigurent notre terre et déforment le terme même d'humanité. Les danseurs en émergeront, s'en empareront, les lanceront, se vêtiront de quelques-uns, dans une série de tableaux colorés séduisants, qui font souvent rire, qui rappellent surtout la précarité de la vie et l'impossibilité de rester sain d'esprit dans un tel endroit.
La musique de Bach sert de fil conducteur et les segments véritablement dansés sont souvent d'une beauté à couper le souffle (quel travail sur la déconstruction du mouvement et la redéfinition des lignes!). Les autres segments (parlés, joués) m'ont moins convaincue. La langue inventée des protagonistes reste indéniablement beaucoup plus forte que ces harangues en anglais de la comédienne Elsie De Brauw (incandescente néanmoins) et on aurait pu se passer de quelques scènes sexuelles gratuites qui n'ajoutent pas grand chose au propos. Impossible néanmoins d'oublier ces moments magiques où les interprètes chantent a capella... La langue universelle à sa plus simple - et pure - expression.
Jusqu'au 1er juin au Monument-National


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire