Encore et toujours, moments d'émotion à l'écoute du Requiem de Mozart, donné hier par une centaine de choristes. Devant une église bondée (près de 1 000 personnes m'a-t-on affirmé), le concert a comporté nombre de moments où l'on pouvait presque palper le souffle suspendu des auditeurs. Et pourtant, on ne pouvait pas parler d'un public de connaisseurs, qui fréquentent la salle de concert de façon mensuelle ou hebdomadaire, la salle étant composée essentiellement d'amis et des familles des choristes, venus les soutenir. Après l'Ave verum, un moment de magie s'est installé alors que j'ai senti le public suffisamment troublé par ce qu'il venait d'entendre pour ne pas avoir la volonté d'applaudir sur le champ. Qu'on vienne me dire après que M. et Mme Tout-le-monde sont incapables d'apprécier la « grande » musique! Je n'en crois pas un mot. Je partage ici mon texte de présentation du Requiem, œuvre que j'ai chanté en tant que choriste jadis, que je connais très bien donc, mais qui a réussi, encore une fois hier soir, à m'élever.
L’impression que nous avons que Mozart compose de façon miraculeuse est injustifiée. Il écrit lui-même à un ami : « Je n’ai pas regardé au travail ni à la peine… On se trompe lorsqu’on pense que mon art m’est venu sans effort. Je vous l’affirme, cher ami, personne n’a consacré autant d’effort que moi à l’étude de la composition ». Les idées germent dans son esprit, il les modèle, les façonne, les développe, non pas en s’aidant du clavier, mais dans la plus grande concentration mentale. Léonard de Vinci disait de la peinture qu’elle est une affaire de l’esprit, « pittoria è cosa mentale ». On en peut dire autant de la musique de Mozart.
1791 reste une année difficile pour Mozart. Sa santé est déjà chancelante, ses finances précaires et la lune de miel avec Constance définitivement chose du passé. Il lui écrit le le 7 juillet :
« Je ne puis t’expliquer mon impression: c’est une espèce de vide… qui me fait très mal, une certaine aspiration qui n’est jamais satisfaite et ne cesse donc jamais… qui dure toujours et même croît de jour en jour. Quand je pense avec quelle gaieté d’enfant nous avons passé le temps ensemble à Baden… et quelles tristes, ennuyeuses heures je vis ici! Même mon travail ne me charme plus, parce que j’étais habitué à me lever de temps à autre pour échanger deux mots avec toi et que cette satisfaction m’est malheureusement impossible… Si je vais au piano et chante quelque chose de mon opéra, je dois tout de suite m’arrêter : cela me fait trop d’impression! Basta! »
Quelques légendes planent sur la genèse du Requiem. Les études récentes ont démontré que l’œuvre a été composée pour le comte Franz de Walsegg, qui avait l'habitude de commander les œuvres aux autres compositeurs afin de les faire passer comme siennes. Cette messe des morts soulignait le premier anniversaire de la mort de sa femme. Voulant garder cette commande discrète pour des raisons évidentes, il a donc dépêché un intermédiaire pour traiter avec Mozart. Plongé entre autres dans l'écriture de ses opéras La Flûte enchantée et La Clémence de Titus, Mozart s’attaque néanmoins au Requiem. Il a besoin d'argent, de façon pressante, et le comte paie la moitié d'avance.
Le compositeur créera la majeure partie de ce requiem alité car alors très diminué physiquement. La gloire le nargue une ultime fois. Le peuple se précipite chaque soir pour écouter sa Flûte enchantée et, chaque soir, il suit par la pensée les représentations de son lit.
Le 4 décembre 1791, il profite d'une amélioration passagère de son état et convoque ses amis pour interpréter les parties déjà composées. Son état s'aggrave brutalement dans la soirée, de façon irréversible. Il meurt le 5 décembre, peu après minuit. Seul avec sa musique.
Pour écouter l'oeuvre....
Chacun de tes billets me touche, d'une manière ou d'une autre, mais celui-ci me va droit au coeur. Très peu de blogues pourront informer autant sur une période de la vie de Mozart comme le fait cet cet article. L'extrait de cette lettre qu'il écrit à un ami ("...personne n'a consacré autant d'effort que moi à l'étude de la composition") est une véritable leçon d'humilité et à chaque fois que j'en fais la lecture, ma stupéfaction demeure la même. Et le Requiem, ouf, tu me donnes envie de le réentendre au complet, et de choisir le silence un instant après l'écoute du Recordare.
RépondreSupprimerje ne me lasse pas de cet album que je possede en 2 versions (mais je suis bien trop nulle pour y trouver de réelles différences), enfin bref, le requiem est même pour moi, un album d'amour, c'est dire que je suis d'un genre gothique ? :)
RépondreSupprimerClaudio: Je ne l'avais pas réécouté depuis quelques mois mais l'impact a été total, encore une fois.
RépondreSupprimerWictoria: L'Amour avec un grand A, sans aucun doute... Je comprends tout à fait ce que tu peux ressentir face à cette œuvre!