Après un Shakespeare gentil mais convenu, une création d'Evelyne de la Chenelière plus ou moins aboutie, un Molière à la frontière entre grotesque et burlesque qui dénaturait l'essence même du texte, le TNM nous présente enfin du « vrai » théâtre, Huis clos de Jean-Paul Sartre.
Bien sûr, le texte lui-même est déjà suffisamment puissant pour vivre tout seul, si on ne lui met pas trop de bâtons dans les roues en jouant la surenchère. La pièce est bien servie ici par une distribution solide. J'ai été agréablement surprise par l'interprétation toute en subtilité de Patrice Robitaille dans le rôle de Garcin, publiciste et lâche. On le suit pas à pas, avec une certaine fascination même, dans ses souvenirs et ses interrogations. Pascale Bussières en Inès, lesbienne vaguement frustrée, mord dans son texte avec un aplomb remarquable, un peu comme si elle souhaitait déchiqueter chaque mot et nous le renvoyer au visage avec hargne. Julie Le Breton est convaincante dans le rôle d'Estelle, la blonde mondaine, stéréotype de la nunuche sans trop de conscience, qui ne réussit à vivre que dans le regard de l'autre.
Sébastien Dodge en serviteur omniscient, qui devient témoin muet inquiétant, a été intégré par Lorraine Pintal à plusieurs des scènes. Si certains critiques ont salué cette initiative, je ne suis pas certaine que sa présence ajoute quoi que ce soit au propos. De le voir juché entre ciel et terre distrait l'œil et suscite les questions du type « Mais comment fait-il pour rester là aussi longtemps sans broncher? » (Réponse: il est attaché.) Pendant ce temps, j'ai été moins attentive au texte. Je me demande encore également pourquoi la metteure en scène a insisté pour que les trois personnages, à un moment ou l'autre de la pièce, nous déclament quelques tirades couchés sur le dos, la tête dans le vide. Peut-être aurais-je dû y lire une volonté de mise en abime? Par contre, l'idée de faire reprendre le dernier monologue de la pièce (qui comprend la célèbre citation « L'enfer, c'est les autres ») par les trois protagonistes demeure plutôt astucieuse. Mentionnons en terminant la superbe scénographie de Michel Goulet, qui a déposé une cage aérée (dans laquelle sont nichés les fameux fauteuils mentionnés du texte) sur une scène évidée, qui force au vertige.
Huis clos, j'avais espoir que ce soit bon, on en a entendu parler plus qu'une autre. Tu me le confirmes.
RépondreSupprimerÇa vaut la peine, il n'y a pas de doute, tant pour le texte (indémodable) que le jeu des acteurs ou la magnifique scénographie (j'aurais aimé trouver une photo de la « cage » sur Internet mais sans succès).
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