Pages

dimanche 8 août 2010

Autoportrait au radiateur

Les relectures, à dix ans d'écart, ont ceci de fascinant qu'elles offrent un tout autre regard sur un livre. J'ai toujours lu Christian Bobin. (Peut-être devrais-je plutôt écrire « je lis Christian Bobin depuis toujours. ») Même quand, autrefois, je diluais certaines de mes lectures dans un certain registre disons plus mièvre (oui, j'ai eu ma phase Paulo Coehlo, je plaide coupable), j'ai toujours savouré les pages de Bobin, parce qu'elles permettaient de revenir à un essentiel, à quelque chose qui ressemble à la quintessence du quotidien même. Je connais peu d'auteurs qui soient capables en aussi peu de mots de saisir l'instant dans sa magie. On ne lit pas Bobin pour plonger dans une trame narrative mais pour ces moments bénis où il façonne les phrases comme un joaillier manie les métaux précieux.

Juste avant que je parte en vacances, il a été question de Bobin, alors que deux amis partageaient lors d'une soirée leur livre préféré de l'auteur. Une entente immédiate, une reconnaissance d'une certaine façon: « Autoportrait au radiateur », suivi d'un profond soupir de part et d'autre. Je me rappelais l'avoir lu mais le souvenir demeurait des plus ténus (contrairement par exemple à Geai ou à La plus que vive). Quand un des deux a glissé sa copie du livre catharsis écrit après la mort de son aimée dans mon sac, je me suis dit que j'avais besoin de le relire.

Avec les années, le côté  « chrétien » de Bobin me laisse de marbre (je n'avais pas besoin ici de référence à Ste-Thérèse d'Avila ou à la puissance de Dieu, même s'il est question de vie après la mort, non pas résurrection mais vie de ceux qui restent) mais son regard sur le quotidien, la vie, la mort, l'art, Mozart, jamais... Je viens de retranscrire deux pleines pages de citations, que je viens de transmettre à mon ami qui, lui aussi, d'une certaine façon, ainsi, pourra relire le livre... mais à travers mon regard.

« Bienfaisante est la littérature éternelle et cette manie qu’elle a de nous parler à bas bruit, à bruit de source. Merveilleuse la croyance autour de laquelle elle sécrète ses histoires, comme le lierre autour de son arbre : tant que quelqu’un nous parle, mourir est impossible. » (p. 159)

10 commentaires:

  1. Je garde un doux souvenir de ma lecture de La folle allure... Et j'ai esquissé un sourire en lisant ton billet car moi aussi, je l'avoue, j'ai lu un Paulo Coehlo (mais il y a prescription...) :-)))

    RépondreSupprimer
  2. pareil pour moi ;-) quand j'ai commencé à lire le second Coelho, j'ai décroché assez rapidement, j'étais guérie (lol)
    Mais Christian Bobin... je crains d'être encore un peu trop fâchée avec Dieu pour l'apprécier
    (voyez comme c'est idiot, j'ai tenu la main de mourants et leur ai parlé jusqu'au bout mais ils sont morts quand même... oui je sais c'est idiot de dire ça)
    vous connaissez la Ballade de Florentin Prunier?

    RépondreSupprimer
  3. Margotte: j'imagine bien que je n'étais pas seule, considérant combien le monsieur a vendu (vend encore j'imagine) de livres.
    La folle allure était très beau aussi, c'est vrai...

    Adrienne: tous les livres de Bobin ne sont pas également « chrétiens ». Par exemple, dans Geai, il n'en est pas du tout question mais quand il aborde le registre plus autobiographique, on y goûte parfois. Tu (il me semblait qu'on s'était entendues pour se tutoyer, si?) peux à la rigueur lire certains des passages « en surface ».
    Je ne connais pas Florentin Prunier. C'est un auteur belge que tu recommandes?

    RépondreSupprimer
  4. Je ne connais pas Florentin Prunier moi non plus. Un conseil pour le découvrir ?

    RépondreSupprimer
  5. c'est le titre d'un poème de Georges Duhamel: La ballade de Florentin Prunier: une mère est au chevet de son fils mourant (guerre de 14) et aussi longtemps qu'elle lui parle et lui tient la main, il vit; mais au bout d'une douzaine de jours elle s'assoupit un moment: il meurt...
    c'est cette phrase que tu citais qui m'y faisait penser: "tant que quelqu’un nous parle, mourir est impossible. » (p. 159)
    mais je me disais aussi un peu cyniquement que pour mon père ce "truc" n'avait pas marché

    RépondreSupprimer
  6. Merci Adrienne pour la précision. Je file de ce pas découvrir le texte.

    Il est toujours difficile de perdre quelqu'un qu'on aime, même quand on y est « préparé ».

    RépondreSupprimer
  7. En effet, la maturité nous permet de (re)voir certains livres (ou films) avec un regard différent. J'ai récemment relu "Candide" de Voltaire, que j'avais lu la première fois au cégep il y a 12 ans. À 18 ans, maudit que ce livre était plate et insignifiant. À 30, ç'a été un délice.

    RépondreSupprimer
  8. Blanco: je viens de découvrir avec intérêt ton blogue. Il faudrait bien que je lise Voltaire, tiens, qu'aucun professeur ne m'a jamais farci de force. :)

    RépondreSupprimer
  9. je découvre Bobin, je viens de lire Ressusciter, livre ressource, redonnant de l'élan, indispensable. Ton billet retranscrit parfaitement le sentiment que j'ai eu à la lecture.

    RépondreSupprimer
  10. lucie: Je pense ne pas me tromper en écrivant que tu reliras certainement Bobin, non? :)

    RépondreSupprimer