Quand on enseigne depuis plusieurs années, on peut finir par croire qu'on a tout vu, tout entendu. Après tout, on a fait le tour du jardin plusieurs fois, non? Pourtant, chaque année d'enseignement apporte son nouveau lot de constats, de défis, de situations inusitées. L'année dernière, j'ai réalisé puissance 5 ce que la pratique d'un instrument pouvait représenter de fragilité et de lâcher-prise pour un adulte qui revient à l'instrument après 20, 25 ou 30 ans.
Cette année, nouvelle donne. J'ai rencontré l'étudiant fantôme, celui qui, depuis quelques années, a suivi mes cours par transitivité ou disons plutôt, par personne interposée. En effet, le mari d'une étudiante s'est mis à l'instrument en même temps qu'elle, reproduisant exercices et morceaux travaillés avec moi mais sans jamais avoir osé - jusqu'à peu - franchir le seuil de mon studio. Au fil des ans, j'avais fait quelques allusions que je pourrais au moins le voir de temps en temps, histoire d'orienter autrement son travail. Sa femme a sans doute senti que son « expertise » connaissait également des limites et ils ont donc décidé de partager une heure de leçon (je vois chacun une semaine sur deux).
J'admets que je ne savais pas à quoi m'attendre et que je craignais le pire, surtout que j'allais me frotter à la Sonate « à la lune », qu'il m'a dit « adorer ». Le tout était d'une grande cohérence, très placé (la profession de comptable n'a peut-être pas nui), articulé. Deux erreurs de lecture de notes dans tout le texte, presque rien, je me suis dit un instant que ce que je transmettais devait être limpide s'il en restait autant après décantage... Mais, n'est-ce pas, je n'allais pas me laisser impressionner aussi facilement! Je lui ai donc parlé de pédale (le flou artistique, très peu pour mes oreilles), de l'importance d'extraire une mélodie d'un texte mais surtout de respiration, de phrasé. (C'est un dada chez moi...) Je lui ai aussi expliqué que je ne m'attendais pas à ce que tout soit réglé en deux semaines, que j'exposais les éléments sur lesquels nous allions travailler.
J'ai aussi mentionné que plus jamais il ne jouerait les mêmes pièces qu'elle, sauf en duo bien sûr. Ils ont beau être profondément complices (après plus de 25 ans de mariage, je leur lève mon chapeau!), il y a une limite à se prêter de façon directe ou indirecte aux comparaisons. Il est donc parti avec deux préludes de Chopin sous le bras, elle, la semaine suivante avec une sonate de Mozart. J'avoue que je me suis tout de même informée de façon plus ou moins détournée si je l'avais traumatisé. Semble-t-il que non... Ouf! La suite au prochain cours. Je sens que ce sera une très belle année!
justement ce midi je me disais aussi que je suis loin d'être blasée et que mes élèves continuent à être "neufs" pour moi ;-)
RépondreSupprimermerci pour ce joli billet!
Quand les profs sont convaincus de ce qu'ils font, je pense qu'il est impossible de devenir blasés. Mais, pour ça, il faut un amour du métier à la base que tous - surtout en musique, alors que l'enseignement est souvent un « plan B » quand on ne peut pas faire carrière - n'ont pas...
RépondreSupprimerTes élèves sont chanceux! :)
je voudrais que rien qu'à te lire je sache jouer du piano (évidemment c'est un voeu farfelu !)
RépondreSupprimerUn jour, dans qq années je reprendrai le piano, dix ans peut être cela fera donc 35 ans ou plus. je te dirai. pour l'instant mes peurs s'atténuent mais comme en percussion, on redémarre toujours un nouvel instrument et que leur nombre en semble infini..
RépondreSupprimerWictoria: moi, j'aimerais bien t'avoir dans ma classe :)
RépondreSupprimerCaro: un instrument à la fois (déjà qu'avec les percussions, c'est 20 d'un coup!)...
C'est pour ça dans au moins dix ans !
RépondreSupprimerMerci pour le concerto... J'espère que tu vas bien.
Ce qui me plaît vraiment dans l'enseignement, c'est justement que l'on peut être surpris tous les jours ;-)
RépondreSupprimerCe que j'aime t'entendre parler de tes cours, ça me rappelle des souuuvenirs (en particulier de flou artistique pédalien... suis nulle avec la pédale. J'assume!) Je regretterai longtemps mon niveau d'avant, je crois.
RépondreSupprimerUn petit quatre mains un de ces jours? Je m'occuperai de la pédale!;-)
RépondreSupprimerHeu... bon, faudrait que je me rassoie au piano, hein... je n'y ai pas touché pour autre chose que pour pianoter les chansons du Docteur depuis genre... 1 an et demi 2 ans! Un 4 mains pour les 6-7 ans peut-être ;))
RépondreSupprimerTu choisis la pièce, t'inquiète ;-)
RépondreSupprimerJe ne te ferai pas le coup de te faire jouer la Fantaisie de Schubert en lecture! (En plus, ce serait injuste, puisque je connais les deux parties!)
Mais la fantaisie de Schubert, elle est trooooop belle!!! (en mode ado avancé... je ne saurais plus la jouer par contre... j'en ai déjà su des extraits, de façon hyper scolaire, mais bon... ça me faisait plaisir quand même!! )
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