Pages

lundi 27 décembre 2010

L'appel de la rivière

De retour parmi les vivants... du moins, croisons les doigts. Pendant que vous vous massiez la panse d'avoir trop mangé, j'étais vraisemblablement en position horizontale, combattant fièvre, courbatures, congestion et toux. La machine humaine a ceci de merveilleux qu'elle peut fonctionner sur l'adrénaline jusqu'à la dernière parcelle d'énergie. Tombez en vacances et voilà, crash, tout s'effondre.

Lors des rares heures pendant lesquelles j'étais capable de me concentrer, j'ai plongé avec plaisir dans le deuxième volet de la trilogie de Ketil Bjornstad. Quelques pages ont suffi pour qu'Aksel Vinding redevienne un « ami », que me reviennent par pans son amour pour Anja, sa relation avec Rebecca, ses questionnements par rapport à son instrument.
« J'observe le piano à queue dans le salon en songeant tout à coup que l'instrument se dresse entre le monde et moi; que je me suis noyé en lui et ai à peine survécu à cette noyade, moi qui suis censé transmettre un message important sans pour autant que je sache tout à fait si le message de la musique est important. Je suis pour la énième fois saisi par une soudaine incertitude quant à la justesse de mon choix: je me demande à nouveau si je veux vraiment devenir musicien, si je peux avoir aux yeux des gens autant d'importance que Marianne en a eu pour ses patientes parce qu'elle est, elle, en permanence impliquée corps et âme dans ce qu'elle fait, parce qu'elle a un devoir social et une vision politique. » (p. 421)
 Je n'avais certes pas oublié l'impitoyable Selma Lynge, pédagogue à la main de fer - qui démontre ici enfin une troublante fragilité. La musique se glisse entre toutes les pages du livre, que ce soit les œuvres majeures du répertoire pianistique ou encore des hits de Joni Mitchell, contrepoint essentiel. Surtout, on se laisse happer par cette histoire d'amour qu'on devine dès le début condamnée, par cette plongée dans la folie humaine, par cette impossible acceptation du deuil quand il frappe ce qui nous est le plus cher.

Un reproche, un seul, peut-être. Une révision plus complète aurait été appréciée. Laxisme du traducteur, paresse du réviseur norvégien qui aurait laissé échapper des bourdes, peu importe. Si l'on peut survivre à une ou deux structures syntaxiques mal amarrées, difficile de ne pas broncher quand des noms d'écoles (Julliard plutôt que Juilliard), de pianistes (Badura Skoda) et d'œuvres (le Woltemperierte Klavier de Bach n'a certes pas besoin d'un s à la fin de l'adjectif!) sont massacrés ou que l'opus 110 de Beethoven devient tout à coup (une seule fois mais quand même!) l'opus 100 ou qu'on nous ressort deux ou trois fois l'Étude « de la Révolution » de Chopin. Que le traducteur ne soit pas pianiste, je l'admets volontiers. Que la maison d'édition n'ait pas jugé bon de faire vérifier les informations musicales par un « spécialiste » (à qui la révision des passages en question aurait pris tout au plus une heure de son temps) pour un roman essentiellement axé sur la musique, je trouve ça un peu dommage.

Ceci m'empêchera-t-il de demeurer fan de Ketil Bjornstad, auteur, compositeur et pianiste? Certainement pas. L'artiste me fascine.

7 commentaires:

  1. ah voilà l'explication de ce silence!
    oui, en effet, ma machine fonctionne de la même manière, on tient le coup au travail et on s'effondre le premier jour des vacances, c'est beau, n'est-ce pas, la conscience professionnelle :-)
    bon retour parmi nous et bonne fin d'année!

    RépondreSupprimer
  2. Tiens, je suis pareille aussi... aussitôt Noël passé, me voilà malade. Pareil à chaque année. Je ne savais même pas que c'était une trilogie. J'ai le premier depuis sa sortie en grand format. Shame on me.

    RépondreSupprimer
  3. Adrienne: j'ai réussi à passer la journée d'hier sans me recoucher mais ai toussé comme un ours toute la nuit. Il semblerait que, hum, ouais, bon, je n'aie plus 20 ans... et que la guérison soit moins instantanée! Au moins, j'ai pris plaisir à lire dans le calme une bonne partie de l'après-midi :)

    Karine: Il faut que tu lises le premier - même si le deuxième est encore plus musical. L'univers de la Société des jeunes pianistes est très particulier... très nordique, hivernal, cocooning... parfait pour ce temps-ci, non?

    RépondreSupprimer
  4. Les vacances avec un mouchoir à la main... c'était l'an dernier pour moi ;-) J'espère que tu vas mieux et que tu peux maintenant profiter vraiment de tes vacances !

    RépondreSupprimer
  5. Même pas besoin de mouchoir... juste très hypothéquée côté respiratoire. La transition du froid (extérieur) au chaud me donne l'impression d'avoir des poumons de souris mais, bon, je commence à en rire... il y a de l'espoir! :)

    RépondreSupprimer
  6. J'ai le premier tome (je ne savais pas non plus que ce sera une trilogie). Donc... je lis en diagonale ! Mais j'ai très envie de le lire !

    RépondreSupprimer