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mardi 21 février 2012

Plus ça change...

Le Borodine de Nina Berberova m'a accompagnée lors de six allers-retours entre chez moi et la salle Bourgie. Je ne lis que très rarement des biographies, mais celle-ci, parce qu'elle était signée Berberova, justement, m'interpelait. On y apprend bien sûr quelque chose sur le compositeur, membre du Groupe des Cinq (que l'on devrait plutôt traduire par « puissant petit groupe », épithète apposée par Vladimir Stassov), mais qui a aussi pratiqué la médecine, la chimie, la traduction et s'est démené corps et âmes pour fonder une école de médecine pour les femmes - et ce, rappelons-le, en plein 19e siècle. (L'école a ouvert ses portes en 1872.) Il faut bien admettre que la grande force de ce petit roman réside dans le style si particulier de Berberova, qui propose un portraits par petites touches, suggéré plutôt qu'imposé, qui s'attarde sur les émotions plutôt que certains événements. « Attiré par l’art, il désirait la connaissance, une vie pleine dont il était lui-même une parcelle, pleine et belle. »

Quelle ne fut ma surprise d'y découvrir également ce passage sur les critiques, qui n'ont certes pas toujours été très tendres avec Borodine.

« Il lui semblait que jamais les poètes, les gens de lettres, même les peintres n’étaient attaqués et démolis aussi grossièrement, platement et effrontément que les compositeurs. Personnellement, il ne souffrait pas de ce qu’écrivaient sur lui les critiques russes, il ne faisait que s’étonner. Moussorgski, lui, en était malade. Cui, agacé, ripostait dans la presse. Stassov s’indignait, rivalisait de brutalité, parfois de grossièreté, avec les critiques eux-mêmes. Borodine s’étonnait qu’un homme respecté de tous, comme lui, un savant renommé qui avait été décoré, un compositeur reconnu à l’étranger fût dénigré en Russie, et comment! Étonnant. Cet homme que je vois dans la glace est fustigé par des imbéciles. Pourquoi? »
Je dois admettre qu'il était assez saisissant de lire ces lignes, écrites pourtant en 1937, quelques jours après avoir transmis une copie légèrement révisé de mon billet Contre la paresse à la rédaction en chef du Devoir (je ne m'attends aucunement à être publiée, mais peu importe) et moins d'une heure après avoir échangé avec une certaine véhémence avec les deux techniciens de scène sur les impacts d'une critique destructrice, aussi bien sur les égos des interprètes (peut-être effectivement un peu plus fragiles que ceux de la moyenne, mais permettez-moi d'en douter) que sur la vente des billets. L'un des deux m'a raconté qu'il travaillait sur un gala un soir où l'on a rendu hommage à Gilles Latulippe, toujours passablement égratigné par la critique, qui le trouvait sans doute trop populiste. En acceptant les honneurs avec le sourire, il en aurait profité pour assener quelques punchs bien sentis, dont un qui soulignait (je paraphrase) que les critiques étaient aussi utiles aux artistes que les pigeons aux statues. Alors qu'Arion a essuyé deux critiques véhémentes et une seule positive pour son programme du week-end, plus effervescent que métaphysique peut-être, pourtant très bien rendu, cette synchronicité ne m'a semblé que plus que troublante.


2 commentaires:

  1. Une biographie de compositeur, voilà un titre original dans ce challenge. Un livre qui a fait mouche chez toi, même si je ne comprends pas bien tout ce que tu évoques.

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  2. Le commentaire sur les critiques fait référence à un billet publié il y a deux semaines, qui déplorait le manque de cohérence de la critique envers les productions de musique contemporaine (et baroque). En tombant sur la citation sur les critiques, j'ai réalisé que je n'étais apparemment pas la première à m'insurger...

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