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dimanche 19 février 2012

Leçons de musique

Faire chanter l'instrument, pratiquer une écoute active, transmettre l'essence du compositeur, communiquer avec le public. Des évidences? Soyons réaliste, ce n'est pas tous les jours qu'un concert met en valeur ces préceptes de façon simultanée. J'ai été choyée car, dans une même semaine, j'ai pu vivre cette synchronicité à deux reprises: la première lors du récital d'Antoine Tamestit qui, après trois notes tout au plus dimanche dernier, m'avait convaincue que son alto possédait une voix et une personnalité propres, et la seconde, lors du concert de Menahem Pressler et ses amis jeudi soir.

La cohésion entre les instrumentistes présents n'aura pourtant pas primé. En effet, Markus Hadulla, partenaire deTamestit, n'a su me convaincre qu'à quelques reprises, plus particulièrement dans le Chostakovitch. Alors que le son de l'altiste se percevait comme un souffle parfaitement naturel, la sonorité du piano était trop souvent bloquée, comme si, une fois la note jouée, tout avait été dit. On ne pouvait même pas parler ici de son dur, mais plutôt de son étouffé après l'émission, comme si nous étions privés des harmoniques qui auraient dû s'y greffer.

Courtesy of Indiana University
Dans le cas des Quatuors avec piano interprétés jeudi, exactement le contraire. Le piano était d'une présence saisissante, les silences entre les accords prégnants, on percevait tout de suite une flexibilité dans la pulsation, qui ne nuisait en rien à la cohésion du propos. Mais cette fois, les complices étaient plutôt fades. Le violoniste manquait d'éclat, l'altiste se perdait trop souvent dans la masse sonore (j'ai pourtant entendu cette même altiste autrement plus présente sur plusieurs enregistrements de musique de chambre), seul le violoncelliste semblait vouloir dialoguer avec le pianiste. Pourtant, quelle leçon d'écoute de la part de Pressler, l'oreille tendue vers ce qui se passait à quelques pas de lui, même si l'on sentait bien qu'il restait le chef de cet équipage, premier parmi les égaux.

Il y a plusieurs années de cela, j'ai assisté à une semaine de cours de maître avec Pressler à Orford. Je m'étais inscrite en étudiante libre, pensant me glisser dans la salle une journée, peut-être deux. J'y aurai passé la semaine entière, me rappelle avoir joué pour lui deux mouvement de la Suite bergamasque de Debussy, dont le (trop) célèbre « Clair de lune ».  La façon dont il travaillait le phrasé avec chacun, la beauté et  la pureté du son à tout prix, la cohésion du discours musical, restent autant d'éléments qui font partie aujourd'hui de mon quotidien de professeur, d'interprète. Pressler a cet immense pouvoir de convaincre par l'exemple, de transmettre le geste par l'oreille, de rendre à la musique ses armes naturelles: transmettre, convaincre, toucher profondément l'auditeur. D'entendre Mozart, Dvorak puis Brahms sous ses doigts, m'a ramenée à l'essence même du langage musical. Il ne saura jamais combien je lui en serai éternellement reconnaissante.

3 commentaires:

  1. J'ignorais que tu avais déjà rencontré Pressler. Quelle chance d'avoir pu obtenir ses conseils! Lucky Lucy!

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  2. Je partage votre avis sur Antoine Tamestit, que j'ai pu entendre en concert plusieurs fois (dont une fois avec sa prof Tabéa Zimmermann): ce qu'il fait avec son instrument est vraiment admirable. J'ai entendu sa sonate de Chostakovitch en disque seulement mais on y retrouve toutes ses belles qualités (et maintenant que vous le dites, je me souviens que le piano de Markus Hadulla n'avait pas particulièrement capté mon attention dans cette sonate).

    Quant à Pressler, le mythique pianiste du Beaux Arts Trio... vous avez bien de la chance de l'avoir entendu. Je croyais qu'il avait pris sa retraite.

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  3. Hélène: oui, c'était une rencontre décisive. J'étais aussi allée le saluer à l'arrière-scène quand il est venu donner des cours de maître à McGill en mars 2010.

    Papageno: Tamestit est un altiste remarquable, il n'y a aucun doute là-dessus. Pour ce qui est de son pianiste, je suis surprise qu'il travaille presque exclusivement avec des chanteurs, compte tenu de son jeu, mais je crois qu'il sait bien encadrer la conception du phrasé.

    Pressler a pris sa retraite du Beaux-Arts il y a un peu plus de deux ans, mais maintenant joue des quintettes avec des quatuors formés ou propose des programmes de quatuor comme celui que j'ai entendu la semaine dernière (avec, au milieu des deux quatuors présentés, un clin d’œil au pianiste soliste avec les Estampes de Debussy). Je l'avais interviewé là-dessus en 2010. Je vous envoie le lien par mail.

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