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samedi 4 février 2012

Réinventer le 11 septembre

Peut-on réinventer un tel événement en fiction? C'est le pari qu'ont pris Annie Dulong (spécialiste de la question, à laquelle on doit le très beau Onze) et Alice van der Klei, en laissant une liberté presque totale aux collaborateurs qui se sont greffés à ce numéro 130 de la revue Moebius. Certains auteurs se sont concentrés sur les moments précédant la première attaque, d'autres ont choisi de donner la parole à des personnes n'ayant pas vécu l'événement, ce qui donne, en 15 textes aux sonorités distinctes, un panorama assez étonnant de ce moment qui a vu, peut-être pour la première fois, la puissante Amérique trembler. 

Comme dans tout collectif, on réagit plus à certains textes que d'autres. Si je n'ai pas très bien saisi la pertinence de la réflexion nature/civilisation de Jean-François Chassay et ai été déstabilisée par la juxtaposition de deux voix de Mathieu Arsenault (préférant nettement la voix en italique, qui « commente » le premier texte), j'ai plongé sans réserve dans les univers de Martine Delvaux (qui se sert assez adroitement de citations du Prophète de Khalil Gibran pour articuler son texte), Madeleine Monette (une touchante histoire qui met en scène Halley, 10 ans, qui a honte de la méfiance qu'elle entretient envers Amir, rencontré à la patinoire), Annie Dulong (troublant portrait d'un membre de cette armée de policiers et pompiers qui s'est portée au secours des victimes) ou Jean-Simon Desrochers (seul auteur à avoir concentré son regard sur l'une des victimes directes). J'ai frémi en constatant que Patrick Tillard avait donné la parole à des enfants (« Maintenant quand je regarde un avion, je l'imagine percuter une tour », dira l'un de ceux-ci), apprécié la dextérité de la plume de Jérémie Leduc-Leblanc,  salué le choix de Luc LaRochelle de transposer l'événement dans une autre zone de guerre, l'ex-Yougoslavie. En clôture de recueil, j'ai découvert la plume de Bertrand Gervais, Le onzième homme se voulant une réflexion aussi bien sur l'événement que le processus de création. J'y reviendrai assurément.

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