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jeudi 15 mars 2012

Éloge de la fuite

Repartir à zéro. Parce que le cœur a été fatalement touché, que l’on croit pouvoir changer le monde, que l’on veut s’étourdir et oublier, que l’on ne sait plus qui l’on est. Le numéro courant de La Recrue du mois pourrait être perçu comme un éloge de la fuite.

Dans La saison froide de Catherine Lafrance, notre recrue, la narratrice tourne le dos à une relation amoureuse qui ne va nulle part en pleine canicule, pour s’installer à Yellowknife. « Si l’on est d’abord crispé, comme lecteur, face à la déprime ambiante du récit, à sa narratrice qui semble passer son séjour dans le Nord avec une perpétuelle gueule de bois, on finit par se détendre, et ressentir une sorte de dégel dans le climat aride, une acclimatation à l’image de celle que vit la narratrice dans le Grand Nord », explique Luba, nouvelle collaboratrice à qui je souhaite la bienvenue. Pourquoi aborder le Nord mythique?  L’auteure le connaît pour y avoir vécu, travaillé, tenté de comprendre les réalités qu’elle dépeint ici. Elle nous confie dans le questionnaire que le point de départ de l’écriture « peut être n'importe quoi; un mot qui résonne en nous d'une façon qui nous fait tiquer, une phrase, une situation, un personnage.  Peu importe la façon dont ça se manifeste, l'inspiration première, puisque c'est de cela dont il s'agit, est surtout un sentiment, une émotion.  »

Nous vous proposons également ce mois-ci un exercice de lecture comparée.  Jugeant le thème de la fuite trop fertile peut-être, nous avons offert à deux collaborateurs que tout pourrait séparer en apparence de se pencher sur Maté d’Isabelle Baez, premier roman qui traite de militantisme, de géopolitique, d’exploitation des ressources naturelles et des humains. Le premier est né au Rwanda, la seconde au Québec, mais tous deux ont choisi de consacrer un certain nombre d’années à l’étude de la littérature. Vous constaterez comme moi que le regard qu’ils portent sur le livre ne se veut pas en opposition, mais plutôt en complémentarité. Rémy-Paul se penche sur la justification d’un geste. « Pourtant, il ressort de ce voyage des doutes. En effet, l’auteure ne se propose pas de répondre à ce qui peut-être fait pour rendre justice. Elle ne célèbre pas un “jour de justification” où les révoltés deviendront les justes. D’autant plus que ses personnages ne semblent pas convaincus par leurs actions. Ils avancent dans le noir, les mains tendues, en espérant ne pas trop se blesser. » Caroline remarque quant à elle comment l’auteure a su marier la grande et la petite histoire. « Le contraste entre les enjeux altermondialistes et les drames personnels demeure malgré tout  passionnant : autant l’histoire se déploie, autant elle se referme sur l’intime. Maté, c’est surtout l’histoire d’une amitié, née dans un camp de vacances, dont il ne reste bientôt que le souvenir ou le fantasme, et qui ne résistera pas à la divergence des choix de vie. »

Un recueil de poésie, Le bruissement des possibles et trois romans de pure évasion complètent nos choix de lecture ce mois-ci : Madame Tout-le-monde, saga familiale et historique, ainsi que deux livres de chick lit ayant su convaincre leurs lectrices, le premier tome de La vie épicée de Charlotte Lavigne de Nathalie Roy (on imagine que le deuxième, lancé récemment, poursuivra sur une même veine) et Désirs, vertiges et autres folies d’Elisabeth Locas. François Désalliers revient quelques instants sur la publication de son premier roman, publié en 1999, Amour et pince-monseigneur, ode non pas à la fuite, mais plutôt à l'amour, à l'amitié et à la littérature.  Au fond, ne sont-ils pas synonymes?

Le numéro de mars est en ligne ici...

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