Parce que, en cette période de questionnement social, il faut parfois aussi rire, je vous propose la relecture un tantinet irrévérencieuse et pleinement assumée du duo Igudesman & Joo, en première québécoise au Festival de musique de chambre de Montréal ce soir. J'y serai.
La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
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mercredi 30 mai 2012
lundi 28 mai 2012
Quatuor Molinari et Denis Gougeon: un grand soir
Je m'en voudrais de ne pas revenir quelques instants sur le dernier concert de la 15e saison du Quatuor Molinari, consacré vendredi dernier à deux pages du compositeur Denis Gougeon: Jeux de cordes et la création d'Ah quelle beauté.
Une fois de plus, le Molinari a démontré maîtrise remarquable du texte, précision des articulations et surtout, une conception commune de l’œuvre, que ce soit au niveau des inspirations, des intentions ou de la subtilité de l'interprétation. Dans Jeux de cordes, datant de 1996, les quatre complices ont su mettre en lumière le côté tantôt ludique, tantôt plus introspectif, toujours original de la partition. Le compositeur y évite les poncifs associés au genre et travaille tour à tour sur les oppositions et les accents, sur les harmoniques (dans ce deuxième mouvement, on a l'impression très vive que les cordes deviennent un instrument à vent hybride, cousin de l'harmonium), puis décline par deux des cellules modales, la première s'enroulant sur elle-même, la seconde propulsant le langage vers l'avant. « Chant », envoutante cantilène qui juxtapose une mélodie d'une simplicité désarmante, traitée de façon translucide par le premier violon jouant en harmoniques artificielles se déployant avec le soutien du non-vibrato du deuxième violon, le tout soutenu par la pulsation du violoncelle et les arpégés de l'alto, reste une page d'une rare émotion. Dans « Jeu d'imitation », clins d’œil au langage contrapuntique baroque, les entrées des voix se sont révélées toujours parfaitement définies.
En deuxième partie du concert, Ah quelle beauté abordait un tout autre registre, en proposant un jumelage entre les univers de la poésie et de la musique. « J'ai voulu être à l'écoute de chaque texte pour en laisser remonter à la surface la musique intérieure », explique le compositeur dans sa note de programme.
Quelques secondes sur scène à peine ont suffi pour que le public ne tombe irrévocablement sous le charme de Danièle Panneton qui, avec un seul regard, un geste, une utilisation d'accessoire en apparence banal, peut tout transmettre et habite la scène comme bien peu savent le faire. Les textes de Schwitters deviennent ainsi de véritables bijoux mordants, tant l'énumération en apparence aléatoire de « Chiffres » que les jeux d'échos rythmiques avec le quatuor de « What a Beauty » et « Ah quelle beauté ». Dans « À sa maîtresse » (« Mignonne, allons voir si la rose... ») de Ronsard, elle propose trois déclinaisons entièrement différentes du texte, entre arrogance de la jeunesse se traduisant par des rires de gorge, désabusement de l'âge mûr et délire de marâtre, la musique de Gougeon se transformant au fil des apparentes redites. En déposant simplement sa veste sur ses épaules, elle donne l'impression dans « Quand vous serez bien vieille » d'arborer d'un seul coup une trentaine d'années de plus.
La complémentarité entre comédienne et quatuor a été des plus probantes dans « Recueillement » et « De profundis clamavi » de Baudelaire. Dans le premier, Gougeon joue sur la concentration du son, tout en proposant un traitement musical qui magnifie certains vers (par exemple, « Sois sage ma douleur » qui laisse cette dernière exploser aux cordes), Un parfum de cimetière se dégage du second, les silences devenant prégnants, tant chez les musiciens que chez la comédienne. (Saluons ici l'habile jeu d'éclairage et la mise en espace de Suzanne Lantagne.) « Les Pâques à New York » reste un instant d'une troublante intensité, le texte désespéré de Cendras trouvant non pas un prolongement, mais un détournement dans le traitement musical. La musique raconte ici une autre histoire, de solitude certes, mais surtout d'élévation spirituelle. On aurait souhaité deux ou trois secondes de silence de plus, histoire de laisser texte et partition se stratifier avant d'entamer « Ça », morceau de bravoure, coup de gueule jouissif contre le matérialisme de Danièle Panneton, une page haletante, presque délirante, très ancrée rythmiquement, qui laisse l'auditeur pantois.
Souhaitons que nous aurons l'occasion de réentendre cet objet hybride inspiré très bientôt, peut-être lors de prochaines éditions du FTA ou du FIL?
Une fois de plus, le Molinari a démontré maîtrise remarquable du texte, précision des articulations et surtout, une conception commune de l’œuvre, que ce soit au niveau des inspirations, des intentions ou de la subtilité de l'interprétation. Dans Jeux de cordes, datant de 1996, les quatre complices ont su mettre en lumière le côté tantôt ludique, tantôt plus introspectif, toujours original de la partition. Le compositeur y évite les poncifs associés au genre et travaille tour à tour sur les oppositions et les accents, sur les harmoniques (dans ce deuxième mouvement, on a l'impression très vive que les cordes deviennent un instrument à vent hybride, cousin de l'harmonium), puis décline par deux des cellules modales, la première s'enroulant sur elle-même, la seconde propulsant le langage vers l'avant. « Chant », envoutante cantilène qui juxtapose une mélodie d'une simplicité désarmante, traitée de façon translucide par le premier violon jouant en harmoniques artificielles se déployant avec le soutien du non-vibrato du deuxième violon, le tout soutenu par la pulsation du violoncelle et les arpégés de l'alto, reste une page d'une rare émotion. Dans « Jeu d'imitation », clins d’œil au langage contrapuntique baroque, les entrées des voix se sont révélées toujours parfaitement définies.
En deuxième partie du concert, Ah quelle beauté abordait un tout autre registre, en proposant un jumelage entre les univers de la poésie et de la musique. « J'ai voulu être à l'écoute de chaque texte pour en laisser remonter à la surface la musique intérieure », explique le compositeur dans sa note de programme.
Quelques secondes sur scène à peine ont suffi pour que le public ne tombe irrévocablement sous le charme de Danièle Panneton qui, avec un seul regard, un geste, une utilisation d'accessoire en apparence banal, peut tout transmettre et habite la scène comme bien peu savent le faire. Les textes de Schwitters deviennent ainsi de véritables bijoux mordants, tant l'énumération en apparence aléatoire de « Chiffres » que les jeux d'échos rythmiques avec le quatuor de « What a Beauty » et « Ah quelle beauté ». Dans « À sa maîtresse » (« Mignonne, allons voir si la rose... ») de Ronsard, elle propose trois déclinaisons entièrement différentes du texte, entre arrogance de la jeunesse se traduisant par des rires de gorge, désabusement de l'âge mûr et délire de marâtre, la musique de Gougeon se transformant au fil des apparentes redites. En déposant simplement sa veste sur ses épaules, elle donne l'impression dans « Quand vous serez bien vieille » d'arborer d'un seul coup une trentaine d'années de plus.
La complémentarité entre comédienne et quatuor a été des plus probantes dans « Recueillement » et « De profundis clamavi » de Baudelaire. Dans le premier, Gougeon joue sur la concentration du son, tout en proposant un traitement musical qui magnifie certains vers (par exemple, « Sois sage ma douleur » qui laisse cette dernière exploser aux cordes), Un parfum de cimetière se dégage du second, les silences devenant prégnants, tant chez les musiciens que chez la comédienne. (Saluons ici l'habile jeu d'éclairage et la mise en espace de Suzanne Lantagne.) « Les Pâques à New York » reste un instant d'une troublante intensité, le texte désespéré de Cendras trouvant non pas un prolongement, mais un détournement dans le traitement musical. La musique raconte ici une autre histoire, de solitude certes, mais surtout d'élévation spirituelle. On aurait souhaité deux ou trois secondes de silence de plus, histoire de laisser texte et partition se stratifier avant d'entamer « Ça », morceau de bravoure, coup de gueule jouissif contre le matérialisme de Danièle Panneton, une page haletante, presque délirante, très ancrée rythmiquement, qui laisse l'auditeur pantois.
Souhaitons que nous aurons l'occasion de réentendre cet objet hybride inspiré très bientôt, peut-être lors de prochaines éditions du FTA ou du FIL?
dimanche 27 mai 2012
Le chant de la brousse
Lors du dernier Festival Vues d'Afrique, le Prix ACIC/ONF de la Meilleure production indépendante a récompensé Le chant de la brousse de Bruno Boulianne, un étonnant documentaire sur les travailleurs africains qui débroussaillent la forêt boréale. Le réalisateur souhaiter y raconter une histoire originale, méconnue, de solidarité, a-t-il expliqué quelques instants avant la projection en salle il y a quelques semaines. Pour ce faire, de mai à novembre, il a suivi une équipe une équipe de débroussailleurs originaires de l'Afrique, travaillant dans des conditions souvent difficiles afin d'aider la croissance des forêts de la Côte-Nord et offrir à leur famille un avenir financier plus stable.
Si le montage reste sage et que la narration au « nous » m'a semblé un peu forcée, on s'attache rapidement à ces hommes des bois nouveau genre, qui expliquent aimer profondément cette terre et sentir une responsabilité en tant que néo-québécois de la bâtir pour que les générations futures puissent en bénéficier. (Vous connaissez beaucoup de « pure laine » qui affirmeraient une telle chose?) Plusieurs voient la solitude inhérente au travail (chaque débroussailleur se voit confier une concession qu'il gère à son rythme, entre deux et quatre jours par hectare en moyenne) comme une façon de dresser un bilan. « Tu fais le tour de ta vie quand tu es dans le bois », explique l'un d'eux qui, comme plusieurs, a fui des zones de conflits sanglants. Un univers à découvrir...
Le film est présenté ce soir 21 h à Canal D (rediffusions 28 mai à 4 h et 6 h, ainsi que le 30 mai 14 h.
Si le montage reste sage et que la narration au « nous » m'a semblé un peu forcée, on s'attache rapidement à ces hommes des bois nouveau genre, qui expliquent aimer profondément cette terre et sentir une responsabilité en tant que néo-québécois de la bâtir pour que les générations futures puissent en bénéficier. (Vous connaissez beaucoup de « pure laine » qui affirmeraient une telle chose?) Plusieurs voient la solitude inhérente au travail (chaque débroussailleur se voit confier une concession qu'il gère à son rythme, entre deux et quatre jours par hectare en moyenne) comme une façon de dresser un bilan. « Tu fais le tour de ta vie quand tu es dans le bois », explique l'un d'eux qui, comme plusieurs, a fui des zones de conflits sanglants. Un univers à découvrir...
Le film est présenté ce soir 21 h à Canal D (rediffusions 28 mai à 4 h et 6 h, ainsi que le 30 mai 14 h.
samedi 26 mai 2012
S’unir pour mieux se dépasser
L’ECM+ fête peut-être son premier quart de siècle cette année, mais il ne saurait en aucun cas être question de se reposer sur ses lauriers. Pour clore sa saison, il ne fera plus qu’un avec l’Ensemble Appassionata, afin de présenter un programme relevé, qui juxtapose L’Amour sorcier à trois œuvres canadiennes, dont deux créations. « Pouvoir faire des créations pour orchestre symphonique reste l’un de nos objectifs depuis longtemps et Appassionata aime inclure la création à sa programmation, même si elle ne s’inscrit pas nécessairement dans son mandat principal », explique Véronique Lacroix, directrice artistique de l’événement, en entrevue. Elle partagera le podium avec Daniel Myssyk, les deux dynamiques chefs dirigeant chacun une moitié du ballet de Manuel de Falla. « La musique, très écrite, comprend déjà beaucoup de détails très éloquents, le style parle de lui-même », précise Véronique Lacroix quand on s’interroge sur les défis de transmettre ici une même vision artistique. Elle souligne également la grande modernité de la partition révisée en 1916. (La partie de soprano sera ici interprétée par Julie Boulianne, qui connaît une année remarquable sur la scène internationale.) « L’orchestre reste très original, les rythmes complexes. La musique contemporaine s’inscrit dans la tradition de la musique classique; il ne devrait pas y avoir de différence entre les deux. On doit aborder une œuvre classique comme si elle était nouvelle, comme si nous l’entendions pour la première fois. »
Juxtaposer une œuvre plus connue aux créations permet aussi de guider l’auditeur. « Se jeter dans l’inconnu peut être amusant, avance la chef, mais c’est également agréable d’avoir les pieds dans le fond. Avec de Falla, on peut identifier un langage, des groupes orchestraux. J’ai toujours voulu rejoindre un grand public et les gens ont souvent peur de ce qu’ils n’ont jamais entendu. L’oreille demeure le sens le plus frileux; après tout, rien ne peut éveiller la peur comme le son. »
L’ajout de visuel, qui transforme l’expérience de concert en spectacle, se révèle un autre atout pour maximiser la réceptivité du public : « Je pense que c’est une bonne direction à prendre pour faire connaître la musique. » Ici, pas besoin d’expliquer les choses, on s’abandonne simplement à la création, joue avec le rêve. La vidéo de Foumalade (qui avait déjà collaboré l’année dernière avec l’ECM+ pour Les Cinq As, tout comme Matthias Maute, qui signe de nouveau le scénario) a été travaillée de façon organique et vise à exprimer une idée de déploiement dans le temps et la densité. « Nous ne voulons pas remplir l’espace de façon trop opaque, prévient-elle. Le visuel ne doit en aucun cas agresser; il faut assez d’espace pour recevoir la musique. » La trame visuelle ne cherchera pas à recréer l’histoire, mais plutôt à en transmettre la logique et les courbes musicales.
Juxtaposer une œuvre plus connue aux créations permet aussi de guider l’auditeur. « Se jeter dans l’inconnu peut être amusant, avance la chef, mais c’est également agréable d’avoir les pieds dans le fond. Avec de Falla, on peut identifier un langage, des groupes orchestraux. J’ai toujours voulu rejoindre un grand public et les gens ont souvent peur de ce qu’ils n’ont jamais entendu. L’oreille demeure le sens le plus frileux; après tout, rien ne peut éveiller la peur comme le son. »
L’ajout de visuel, qui transforme l’expérience de concert en spectacle, se révèle un autre atout pour maximiser la réceptivité du public : « Je pense que c’est une bonne direction à prendre pour faire connaître la musique. » Ici, pas besoin d’expliquer les choses, on s’abandonne simplement à la création, joue avec le rêve. La vidéo de Foumalade (qui avait déjà collaboré l’année dernière avec l’ECM+ pour Les Cinq As, tout comme Matthias Maute, qui signe de nouveau le scénario) a été travaillée de façon organique et vise à exprimer une idée de déploiement dans le temps et la densité. « Nous ne voulons pas remplir l’espace de façon trop opaque, prévient-elle. Le visuel ne doit en aucun cas agresser; il faut assez d’espace pour recevoir la musique. » La trame visuelle ne cherchera pas à recréer l’histoire, mais plutôt à en transmettre la logique et les courbes musicales.
jeudi 24 mai 2012
Concert de casseroles
J'en ai croisés hier, vers 20 h, bien loin du centre-ville, cuillères de bois et casseroles à la main, le sourire aux lèvres, sur leur trottoir, sur leur balcon. Taper son mécontentement envers l'état, mais avec le sourire. Les voisins échangent quelques politesses, on en profite peut-être pour commenter l'actualité (mais comment sortira-t-on de cette crise sociale?) et, l'air de rien, prendre des nouvelles du petit dernier.
« Si, au lieu d'attiser les foules par son absence et son mutisme, Jean Charest (avec son cabinet) descendait voir un peu ce qui se passe réellement dans la rue, pour une fois, il verrait ce que voient tous ceux qui se donnent la peine de regarder: un mouvement devenu, en très très grande partie, une sorte de grande fête, de festival où le sujet n'est pas le jazz ou le rire, mais plutôt l'expression citoyenne », explique Marie-Claude Lortie dans La Presse aujourd'hui.Francesco Bandarin, sous-directeur général à la culture à l'UNESCO, en visite à Montréal, y trouve même un parfum de Carnaval à Rio. (Y procède-t-on à près de 500 arrestations par soir? La 30e manifestation nocturne d'hier en a compté 487.) L'anthropologue Serge Bouchard affirme quant à lui que les Québécois sont en train de « découvrir le plaisir d'être dans la rue, de respirer et d'exister collectivement ». Ce serait déjà un immense pas... La question des frais de scolarité est devenue parfaitement secondaire et, de fait, le mouvement, n'a plus grand chose de rationnel, que l'on considère les discussions véhémentes, les lettres ouvertes qui ne s'appuient bien souvent sur aucune logique (dans la catégorie « pensée parfaitement articulée » par contre, je ne peux que vous recommander la lecture de celle cosignée par Gordon Lefebvre, enseignant à la retraite, et Éric Martin, professeur de philosophie au collège Édouard-Montpetit, parue hier dans Le Devoir), les choix de société que l'on a refusés jusqu'ici de faire, les questions que l'on ne s'est jamais posées en tant que nation. Marie-Claude Lortie résume:
« On est dans un univers qui relève du cri du cœur et des symboles. On ne demande plus un gel des droits de scolarité, on demande du respect pour les gens dans la rue, un signe démontrant que leur colère n'a pas été méprisée, mais bien entendue et prise au sérieux. »Pour lire son article dans l'intégralité...
mercredi 23 mai 2012
Pour Leonard Cohen
« L'œuvre de Cohen comme point d’impact et comme source d’inspiration. » Voilà ce que propose le dernier numéro de la revue Moebius, piloté ici par Kateri Lemmens et Charles Quimper. Mais comment peut-on s'approprier un tel mythe? En citant des chansons éternelles, en racontant une rencontre avec le géant, en transposant l'essence du poète dans un autre personnage qui lui ressemble sans être lui, en flouant les frontières entre les genres aussi, bien sûr, car Cohen ne déteste rien plus que les étiquettes réductrices.
Cela donne un objet plutôt hétéroclite, mais non dépourvu de qualités. Peut-être parce que le géant n'est pas encore mort, qu'il continue de hanter l'imaginaire de certains auteurs ayant répondu à l'appel, plusieurs textes restent extrêmement sages. On se prosterne, on rend hommage, mais en tremblant presque, histoire de ne pas pervertir, ternir l'image du chantre montréalais. On retiendra néanmoins certaines perles. Thomas Hellman, avec « Phil » propose un regard volontairement dénué d'emphase, transposé, d'une troublante tendresse. Dans « Regarde-moi, Leonard », Francine Allard détourne les codes de l'entrevue, pour le plus grand plaisir de tous. « Devant le regard surpris des spectateurs, je sortis. Je pleurais comme quand j’étais fillette. Quelqu’un avait bombardé ma vie. Je n’oublierais jamais cet homme sombre qui avait, un court moment, enluminé mon avenir. » Mélanie Gélinas use d'une plume particulièrement ciselée pour évoquer une rencontre impromptue (fictive? quelle importance au fond...) avec le géant . « J'ai vu celui qui disait, sur je ne sais plus quelle tribune, qu'il voulait devenir pour les jeunes écrivains de Montréal, « un père des rues au style direct et sans concessions ». Et je l'ai suivi. » Pierre-Luc Asselin (« So long, Marianne ») joue la carte du désabusement, Stéphanie Pelletier (« Please Don't Pass Her By ») trace un portrait particulièrement réussi d'amitié teintée d'inquiétude alors que Tristan Malavoy-Racine (« Lucile et Octave ») croque en quelques mots précis un instant précieux. Saluons en terminant Elisabeth Vonarburg qui, avec « By the River Dark » a su se servir (sans s'asservir) de la musique du grand Leonard comme d'une trame sur laquelle juxtaposer l'histoire d'un amour adolescent qui ne connaîtra jamais de lendemain. En deux phrases imparables, elle a certes su rendre un très émouvant hommage à l'icône.
Cela donne un objet plutôt hétéroclite, mais non dépourvu de qualités. Peut-être parce que le géant n'est pas encore mort, qu'il continue de hanter l'imaginaire de certains auteurs ayant répondu à l'appel, plusieurs textes restent extrêmement sages. On se prosterne, on rend hommage, mais en tremblant presque, histoire de ne pas pervertir, ternir l'image du chantre montréalais. On retiendra néanmoins certaines perles. Thomas Hellman, avec « Phil » propose un regard volontairement dénué d'emphase, transposé, d'une troublante tendresse. Dans « Regarde-moi, Leonard », Francine Allard détourne les codes de l'entrevue, pour le plus grand plaisir de tous. « Devant le regard surpris des spectateurs, je sortis. Je pleurais comme quand j’étais fillette. Quelqu’un avait bombardé ma vie. Je n’oublierais jamais cet homme sombre qui avait, un court moment, enluminé mon avenir. » Mélanie Gélinas use d'une plume particulièrement ciselée pour évoquer une rencontre impromptue (fictive? quelle importance au fond...) avec le géant . « J'ai vu celui qui disait, sur je ne sais plus quelle tribune, qu'il voulait devenir pour les jeunes écrivains de Montréal, « un père des rues au style direct et sans concessions ». Et je l'ai suivi. » Pierre-Luc Asselin (« So long, Marianne ») joue la carte du désabusement, Stéphanie Pelletier (« Please Don't Pass Her By ») trace un portrait particulièrement réussi d'amitié teintée d'inquiétude alors que Tristan Malavoy-Racine (« Lucile et Octave ») croque en quelques mots précis un instant précieux. Saluons en terminant Elisabeth Vonarburg qui, avec « By the River Dark » a su se servir (sans s'asservir) de la musique du grand Leonard comme d'une trame sur laquelle juxtaposer l'histoire d'un amour adolescent qui ne connaîtra jamais de lendemain. En deux phrases imparables, elle a certes su rendre un très émouvant hommage à l'icône.
« Leonard appartenait à la rivière noire et lumineuse de la musique, de la poésie, à la rive obscure des mots où elle avait continué de marcher avec lui. Qu’il fût un homme réel, pourvu d’une identité civile, et même d’une histoire, quelle importance? »
lundi 21 mai 2012
Winterreise
Parce que, après l'avoir attendu depuis novembre, je suis plongée dans l'essai Wanderer de Georges Leroux et que, avant chaque chapitre, j'écoute Dietrich Fischer-Dieskau, qui nous a malheureusement quittés vendredi... Heureusement, sa voix demeure, toujours aussi émouvante...
dimanche 20 mai 2012
Un Faust qui convainc
Photo: Yves Renaud |
Le roi de la soirée demeure incontestablement la basse russe Alexander Vinogradov, qui campe un Méphistophélès époustouflant, puissant et subtil vocalement, parfaitement incarné, tant au niveau physique (gestes de la main, cambrures, maintien) qu'émotionnel. Sardonique, sarcastique, parfois terriblement humain, il brûle les planches à chaque apparition.
Mary Dunleavy se révèle une Marguerite idéale, à la voix assurée et bien timbrée, qui sait transmettre aussi bien la naïveté du personnage que son désabusement et sa folie au dernier acte. Étienne Dupuis, en Valentin, a su tirer son épingle du jeu, particulièrement dans son dernier air. Aucune faiblesse à relever du côté des rôles secondaires et chapeau au chœur, particulièrement bien préparé. Emmanuel Plasson (salué avec emphase aux deux retours d'entracte) a su tirer de l'Orchestre métropolitain un jeu sensible (si parfois imparfait), au service des chanteurs. Saluons en terminant le remarquable travail d'éclairage de Martin Labrecque qui a su sculpter les volumes avec une grande dextérité, transformant par moments les faisceaux lumineux en deuxième narrateur de cette histoire qui n'a pris au fond que bien peu de rides.
Il reste quelques billets pour les représentations de mardi, jeudi et samedi. Informations ici...
On peut voir également un photoreportage de la production là...
jeudi 17 mai 2012
Voyager vers l'intérieur
« Le vrai voyageur, c'est celui qui jamais ne tente de revenir en arrière. » Cette citation de Jacques Renaud me semble définir l'essence même du road opera Alexandra, que l'on songe à la vie de l'exploratrice Alexandra David-Néel, au traitement musical de Zack Settel, au travail des interprètes et à la mise en scène de Pauline Vaillancourt, mais surtout à cette impression que, à la sortie de la représentation, nous ne sommes pas entièrement les mêmes, sans être entièrement autres.
En une heure qui semble passer à la vitesse de l'éclair, on devient témoin mais aussi partie prenante - sherpa peut-être? - de cette histoire de dépassement, de volonté de découverte, de coup de foudre pour un pays, un peuple. Grâce à un traitement musical de Settel volontairement modal, très accessible, jouant essentiellement sur les couleurs et les atmosphères, la trame narrative se déploie dans un ailleurs, mais surtout vers l'intérieur, entre fragilité (troublantes mélopées a capella de Jessica Wise) et volonté (ancrage des cors tibétains, chœur d'hommes). Les percussions, prolongement du battement cardiaque, deviennent deuxième narrateur autant que les projections raffinées de Jean Décarie. (Ce « lever de soleil » en montagne, révélé à touches impressionnistes, restera dans ma mémoire.) Le contrepoint entre pulsation rythmique et arabesques lyriques permet d'esquisser un parallèle entre l'effervescence du monde extérieur et l'ancrage plus intemporel du monde intérieur.
Un voyage que j'aurais voulu voir se poursuivre, à travers d'autres fragments du journal de David-Néel, et que vous pouvez découvrir jusqu'à samedi 20 h à l'Usine C.
photographe: Mathieu Dupuis |
Un voyage que j'aurais voulu voir se poursuivre, à travers d'autres fragments du journal de David-Néel, et que vous pouvez découvrir jusqu'à samedi 20 h à l'Usine C.
mercredi 16 mai 2012
Michel Tabachnik: transmettre, dit-il
Après des études en piano, en composition et en direction à Genève, sa vie bascule lorsqu’il croise la route de trois géants du 20e siècle : Pierre Boulez, Herbert von Karajan et Igor Markevitch. D’abord assistant de ce dernier à l’Orchestre symphonique de la radio-télévision espagnole à Madrid, il occupe ensuite pendant quatre ans le même poste auprès de Boulez, principalement avec le BBC Symphony Orchestra de Londres, avant que Karajan ne l’associe au Berliner Philarmoniker pendant de nombreuses années.
Depuis septembre 2008, il assure la direction musicale du Brussels Philharmonic, orchestre fondé en 1935, qui s’est récemment vu décerner un Oscar pour la trame sonore du film The Artist et auquel la Cité de la Musique à Paris offre une résidence de trois concerts par saison. Son travail s’articule principalement autour de trois axes, a-t-il expliqué lors d’une entrevue téléphonique exclusive : le mélange des styles et des genres, un travail de répétition d’une grande précision et la recherche constante de projets de tournées et de collaborations internationales enrichissantes. « Vous avez différentes manières de travailler un orchestre. On peut par exemple se contenter de le mettre en place, bien en mesure, de tout jouer de façon parfaitement synchronisée, ce qui pour moi est loin d’être le but. Je m’attarde beaucoup à la question des couleurs, des timbres, des sonorités, de faire en sorte que les cordes aient un son très soyeux, soigné, extrêmement chaleureux, plein d’émotion. »
mardi 15 mai 2012
Fragmenter le fil narratif
Loin de la structure narrative linéaire, point de salut? Bien sûr que non, comme le démontrent plusieurs des ouvrages présentés dans notre édition courante de La Recrue du mois. En osant aborder l’écriture à quatre mains, déjà, nos deux auteurs « recrues » s’avançaient en terrain miné. Ils vont beaucoup plus loin, en choisissant de transposer de l’oral à l’écrit 37 secrets, bribes transmises par des inconnus, que quelques chanceux ont pu découvrir sous leur forme théâtralisée, au détour d’une rue, à Québec en 2009.
En parcourant ces pages, certaines délicatement ciselées, d’autres d’une banalité pourtant émouvante, j’ai réalisé, une fois encore, combien nous vivions dans des univers en apparence parallèles, qui toutefois se percutent au hasard des rencontres. « Je rêve d’être Modigliani. Je rêve d’être Musset. D’être Feydeau. Je rêve d’être Baudelaire. D’être Rimbaud », confie le narrateur de « Modigliani ». Peut-être, mais en restant incarné dans le 21e siècle, pleinement conscient que la littérature demeure un langage vibrant, en évolution, qui a besoin de puiser dans le sol qui l’entoure pour se nourrir, se renouveler, dire autrement, pousser le lecteur à la réflexion. L’écriture ne se veut-elle pas au fond un partage; de soi, de l’autre, de l’imaginaire? « Et j’écris comme je tombe amoureuse : en secret. En cachette », admet elle-même Véronique Côté dans ses réponses à notre questionnaire. « Je me dévoile toujours énormément quand j’écris », répond Steve Gagnon en écho.
Comme Côté et Gagnon, Denise Boucher vient du théâtre et ose signer, à presque 80 ans, un premier ouvrage de fiction « drôle, attendrissant, pas du tout politiquement correct » avance Christine Champagne, Au beau milieu, la fin. La théâtralité est inscrite aussi au cœur même du deuxième roman de Jean-François Caron (notre recrue d’octobre 2010), Rose brouillard, le film. Dans La romance des ogres, Stéphane Choquette propose lui aussi une narration fragmentée, entre réel et rêve, passé et présent, qui intègre de plus avec succès correspondance et fable. Souvenirs tronqués et libertés de style sont également au menu dans Mémoires d’une enfant manquée et L’épingle à chapeau, alors que nos deux autres repêchages abordent les univers diamétralement opposés du hockey (Sainte Flanelle, gagnez pour nous!) et des jeux de pouvoir universitaires (Quand j’en aurai fini avec toi, titre en triste écho au conflit étudiant qui perdure).
Moyen idéal pour fragmenter le vécu en parcelles, la poésie continue de nous rejoindre. Le dormeur accompagné de son ombre blanche de Jean-François Bernier « déconcerte et se lit à petites doses, question de se laisser glisser dans ces rêves et des les épurer pour n’en laisser qu’une voix », souligne notre chroniqueur Nicolas Dawson. Une voix parmi les autres…
Pour lire le numéro courant de La Recrue...
En parcourant ces pages, certaines délicatement ciselées, d’autres d’une banalité pourtant émouvante, j’ai réalisé, une fois encore, combien nous vivions dans des univers en apparence parallèles, qui toutefois se percutent au hasard des rencontres. « Je rêve d’être Modigliani. Je rêve d’être Musset. D’être Feydeau. Je rêve d’être Baudelaire. D’être Rimbaud », confie le narrateur de « Modigliani ». Peut-être, mais en restant incarné dans le 21e siècle, pleinement conscient que la littérature demeure un langage vibrant, en évolution, qui a besoin de puiser dans le sol qui l’entoure pour se nourrir, se renouveler, dire autrement, pousser le lecteur à la réflexion. L’écriture ne se veut-elle pas au fond un partage; de soi, de l’autre, de l’imaginaire? « Et j’écris comme je tombe amoureuse : en secret. En cachette », admet elle-même Véronique Côté dans ses réponses à notre questionnaire. « Je me dévoile toujours énormément quand j’écris », répond Steve Gagnon en écho.
Comme Côté et Gagnon, Denise Boucher vient du théâtre et ose signer, à presque 80 ans, un premier ouvrage de fiction « drôle, attendrissant, pas du tout politiquement correct » avance Christine Champagne, Au beau milieu, la fin. La théâtralité est inscrite aussi au cœur même du deuxième roman de Jean-François Caron (notre recrue d’octobre 2010), Rose brouillard, le film. Dans La romance des ogres, Stéphane Choquette propose lui aussi une narration fragmentée, entre réel et rêve, passé et présent, qui intègre de plus avec succès correspondance et fable. Souvenirs tronqués et libertés de style sont également au menu dans Mémoires d’une enfant manquée et L’épingle à chapeau, alors que nos deux autres repêchages abordent les univers diamétralement opposés du hockey (Sainte Flanelle, gagnez pour nous!) et des jeux de pouvoir universitaires (Quand j’en aurai fini avec toi, titre en triste écho au conflit étudiant qui perdure).
Moyen idéal pour fragmenter le vécu en parcelles, la poésie continue de nous rejoindre. Le dormeur accompagné de son ombre blanche de Jean-François Bernier « déconcerte et se lit à petites doses, question de se laisser glisser dans ces rêves et des les épurer pour n’en laisser qu’une voix », souligne notre chroniqueur Nicolas Dawson. Une voix parmi les autres…
Pour lire le numéro courant de La Recrue...
lundi 14 mai 2012
Alexandra dès demain
Ce n'est certes pas toutes les semaines que l'on puisse assister à Montréal à la création d'un opéra, fut-il de chambre (six musiciens d'In Extension accompagneront les sopranos Jessica Wise et Pauline Vaillancourt, le ténor François-Olivier Jean et un chœur de cinq voix masculines). Quand, en plus, le sujet en est Alexandra David-Néel (1868-1969),
tour à tour, cantatrice, journaliste, féministe, bouddhiste,
écrivain, philosophe et surtout exploratrice, on ne peut que saliver. Ce road opéra, chanté en français, sur un livret de Yan Muckle et une musique de Zack Settel, nous permettra d'accompagner cette femme exceptionnelle dans son expédition de 3000 kilomètres à travers l'Himalaya jusqu'à Lhassa, capitale interdite.
« L’épopée d’Alexandra offre une leçon de courage, de curiosité et de persévérance. Elle n’a jamais démenti sa devise : Marche où ton cœur te mène et selon le regard de tes yeux. Elle a voulu aller au bout de sa vérité, toujours plus loin, se dépassant sans cesse elle-même », explique Pauline Vaillancourt, qui assure le rôle de la narratrice, en plus de s'occuper de la direction artistique et de la mise en scène.
Le compositeur Zack Settel précise son axe de création en ces termes: « Ce qui m’intéressait dans cette forme musicale, c’est l’idée du mouvement en contrepoint. Car, dans cette histoire, on a le monde extérieur qui bouge (le paysage qui défile) et le monde intérieur (le voyage en pèlerinage) qui implique une transformation. Il y a donc le mouvement physique mais aussi, le mouvement de l’esprit. L’opposition de ces deux types de mouvements est riche et complémentaire. Dans Alexandra, le monde physique est rythmé, chargé… en opposition avec la musique du monde intérieur qui est hors du temps. »
Alexandra sera présenté à l'Usine C, dès demain et jusqu'au samedi 19 mai, à 20 h. Tous les renseignements ici... En cliquant sur l'onglet « nouvelles », vous aurez accès à des entrevues avec librettiste, interprète du rôle-titre et les différents intervenants du spectacle.
Le compositeur Zack Settel précise son axe de création en ces termes: « Ce qui m’intéressait dans cette forme musicale, c’est l’idée du mouvement en contrepoint. Car, dans cette histoire, on a le monde extérieur qui bouge (le paysage qui défile) et le monde intérieur (le voyage en pèlerinage) qui implique une transformation. Il y a donc le mouvement physique mais aussi, le mouvement de l’esprit. L’opposition de ces deux types de mouvements est riche et complémentaire. Dans Alexandra, le monde physique est rythmé, chargé… en opposition avec la musique du monde intérieur qui est hors du temps. »
Alexandra sera présenté à l'Usine C, dès demain et jusqu'au samedi 19 mai, à 20 h. Tous les renseignements ici... En cliquant sur l'onglet « nouvelles », vous aurez accès à des entrevues avec librettiste, interprète du rôle-titre et les différents intervenants du spectacle.
vendredi 11 mai 2012
Calligraphie
« Découvrir l'écriture d'un homme que j'aime, ou que je vais aimer, que je sens que je pourrais aimer, même juste ça, les traces sur la page, les lettres formées avec fébrilité, légèreté ou impatience, ça m'émeut, d'une façon irréversible, ça me prend, ça me chavire. Ça me transperce. Je pourrais tomber amoureuse juste comme ça. Je le sais. Je fais attention. Et j'évite les séances de dédicaces, les salons du livre, toute ça. »
« Carnet », extrait de Chaque automne j'ai envie de mourir de Véronique Côté et Steve Gagnon
mercredi 9 mai 2012
Agadez, The Music and the Rebellion
La musique peut-elle changer le monde? Je ne peux qu'être rassurée que, de temps à autre, d'autres pensent comme moi. Dans Agadez, The Music And The Rebellion, documentaire présenté dans nombre de festivals prestigieux l'année dernière, que Vues d'Afrique a eu la bonne idée d'inclure dans son segment « Musicafrica », Ron Wyman trace un portrait, en musique et en images, du parcours d'Omara Moctar, connu aussi sous le nom de « Bombino », musicien touareg au registre étonnant, qui sait marier touches modales et jeu de guitare incarné. Pour les « hommes bleus », les paysages possèdent leur propre mythologie, qui se
transmet dans les chants que les textes traditionnels. On vit avec la
nature, non contre elle, recherche la paix et l'espace du désert. La
liberté demeure le premier droit obtenu de la nature et l'homme lui-même
s'avère la première ressource économique, et non de quelconques
gisements miniers.
D'entrée de jeu, on sent que la musique servira d'élément narrateur, de moteur d'expression, auquel se grefferont images du désert (la saturation des couleurs rend l'image particulièrement vibrante) et de rassemblements, entretiens avec des spécialistes de la question touarègue et extraits de concerts ou de séances d'enregistrement de Moctar et ses musiciens. (Il y a quelque chose d'absolument fascinant à les voir évoluer sur une scène conçue à partir de simples briques, sur laquelle est déposée un tapis, la guitare étant branchée à une génératrice, le sable s’immisçant partout.)
Attiré par le son de l'instrument, Omara Moctar a commencé la guitare enfant, lors de la rébellion touarègue de 1990-1995. Dès le début, il compose, démontrant un talent mélodique unique et une maîtrise de la pulsation criante, souffle, battement cardiaque, métissant les genres en incluant des références au rock, au reggae ou à Ali Farka Touré. Ses textes parlent d'amour, d'honneur, d'amitié, commentent l'actualité. En exil pendant plusieurs années, il revient à Agadez en 2010 donner un concert mythique devant la grande mosquée de la ville, événement rassembleur qui deviendrait confirmation d'une promesse de paix. (Les récents événements indiquent que ce processus ne saura se réaliser de façon entièrement linéaire.) La musique comme moteur de l'éducation et élément d'une solution qui permettrait de faire respecter les droits? On voudrait y croire...
On peut se procurer le DVD et écouter des plages de l'album tiré du film ici.
D'entrée de jeu, on sent que la musique servira d'élément narrateur, de moteur d'expression, auquel se grefferont images du désert (la saturation des couleurs rend l'image particulièrement vibrante) et de rassemblements, entretiens avec des spécialistes de la question touarègue et extraits de concerts ou de séances d'enregistrement de Moctar et ses musiciens. (Il y a quelque chose d'absolument fascinant à les voir évoluer sur une scène conçue à partir de simples briques, sur laquelle est déposée un tapis, la guitare étant branchée à une génératrice, le sable s’immisçant partout.)
Attiré par le son de l'instrument, Omara Moctar a commencé la guitare enfant, lors de la rébellion touarègue de 1990-1995. Dès le début, il compose, démontrant un talent mélodique unique et une maîtrise de la pulsation criante, souffle, battement cardiaque, métissant les genres en incluant des références au rock, au reggae ou à Ali Farka Touré. Ses textes parlent d'amour, d'honneur, d'amitié, commentent l'actualité. En exil pendant plusieurs années, il revient à Agadez en 2010 donner un concert mythique devant la grande mosquée de la ville, événement rassembleur qui deviendrait confirmation d'une promesse de paix. (Les récents événements indiquent que ce processus ne saura se réaliser de façon entièrement linéaire.) La musique comme moteur de l'éducation et élément d'une solution qui permettrait de faire respecter les droits? On voudrait y croire...
On peut se procurer le DVD et écouter des plages de l'album tiré du film ici.
lundi 7 mai 2012
Apprendre... toujours
La compression d'horaire des derniers jours, avec le colloque, la couverture du Festival Vues d'Afrique (je vous reviens bientôt avec deux autres recensions) et la gestion des répétitions pré-concert d'élèves a relevé par moments de l'utopie la plus pure. J'admets que, vendredi en début de soirée, quand les derniers élèves ont quitté mon home après la répétition générale, je me suis posée de sérieuses questions. Pourquoi n'avaient-ils pas réussi à assurer? Les avais-je si mal préparés? Ne leur avais-je consacré assez d'énergie, au milieu du tourbillon? Devais-je considérer de laisser l'enseignement du piano à d'autres? N'étais-je pas complètement cinglée de vouloir jouer Vallée d'Obermann en ces circonstances? Je me suis dit qu'il y avait certainement une leçon à tirer de tout cela, mais je n'avais pas prévu laquelle.
Hier matin, je me suis éveillée, fébrile, comme tous les jours de concert. J'ai juré contre l'imprimante qui ne collaborait pas, ai fini par mater la bête et glissé des dizaines de programmes dans une pochette. Dans le métro, je me suis plongée non pas dans un livre, comme à l'habitude, mais dans ma partition, réfléchissant à certaines inflexions, entendant intérieurement le texte, assurant certaines progressions harmoniques. J'ai quand même eu le temps de saisir un ou deux regards interrogatifs, sans que personne n'émette le moindre commentaire. Juste avant le concert, alors que j'échangeais avec la mère d'un élève, je me suis préparée au pire, à la possibilité que, peut-être, il y aurait des glissements de terrain fâcheux, que je devrais peut-être consoler l'un ou l'autre. Et puis l'heure a sonné.
Un petit laïus de présentation, histoire de rappeler certaines consignes de déplacements (vieux planchers de bois obligent). Premier imprévu: une mère se lève spontanément, pour s'adresser au public, me remerciant d'avoir une fois encore organisé un tel événement. Sourire vaguement troublé de ma part. La première élève, quatrième d'une fratrie, que je connais depuis sa conception, s'est avancée, visiblement traumatisée, si petite, ne pensant pas pouvoir « faire comme les grands ». Grâce à quelques câlins et la présence de sa maman bonne fée à ses côtés, elle a fini par accepter de plonger. Impression de vertige partagée. Le concert pouvait maintenant vraiment commencer.
Tous, l'un après l'autre, se sont avancés, se sont assis à l'instrument, ont joué le tout pour le tout. Bien sûr, quelques imprécisions rythmiques se sont greffées, ainsi que quelques flous de mémoire (sans qu'aucun pourtant ne s'arrête). Mon cœur bondissait dans ma poitrine à chaque fois, mais je combattais vaillamment. C'était à mon tour de pratiquer le fameux lâcher-prise. Je n'aurais de contrôle que sur mon interprétation et rien d'autre. Je me suis accrochée, parce que la musique était présente, dans la délicatesse d'un phrasé, dans la profondeur d'un accord, dans une respiration assumée, dans les sourires, dans les regards de connivence échangés.
Quand les flashs des caméras des parents ont cessé de crépiter, après la traditionnelle « photo de famille », je me suis rappelé qu'au fond, je faisais un métier fabuleux, que je n'étais pas encore prête à arrêter de transmettre, de partager, de rire avec eux, de grincer des dents à l'occasion... d'apprendre.
Hier matin, je me suis éveillée, fébrile, comme tous les jours de concert. J'ai juré contre l'imprimante qui ne collaborait pas, ai fini par mater la bête et glissé des dizaines de programmes dans une pochette. Dans le métro, je me suis plongée non pas dans un livre, comme à l'habitude, mais dans ma partition, réfléchissant à certaines inflexions, entendant intérieurement le texte, assurant certaines progressions harmoniques. J'ai quand même eu le temps de saisir un ou deux regards interrogatifs, sans que personne n'émette le moindre commentaire. Juste avant le concert, alors que j'échangeais avec la mère d'un élève, je me suis préparée au pire, à la possibilité que, peut-être, il y aurait des glissements de terrain fâcheux, que je devrais peut-être consoler l'un ou l'autre. Et puis l'heure a sonné.
Crédit photo: Lucie Renaud |
Tous, l'un après l'autre, se sont avancés, se sont assis à l'instrument, ont joué le tout pour le tout. Bien sûr, quelques imprécisions rythmiques se sont greffées, ainsi que quelques flous de mémoire (sans qu'aucun pourtant ne s'arrête). Mon cœur bondissait dans ma poitrine à chaque fois, mais je combattais vaillamment. C'était à mon tour de pratiquer le fameux lâcher-prise. Je n'aurais de contrôle que sur mon interprétation et rien d'autre. Je me suis accrochée, parce que la musique était présente, dans la délicatesse d'un phrasé, dans la profondeur d'un accord, dans une respiration assumée, dans les sourires, dans les regards de connivence échangés.
Quand les flashs des caméras des parents ont cessé de crépiter, après la traditionnelle « photo de famille », je me suis rappelé qu'au fond, je faisais un métier fabuleux, que je n'étais pas encore prête à arrêter de transmettre, de partager, de rire avec eux, de grincer des dents à l'occasion... d'apprendre.
samedi 5 mai 2012
Nidisouka Rawa (Souvenez-vous d'eux)
Seize élèves du Collège Sainte-Anne de Lachine, trois accompagnateurs,
une expérience d'initiation à la coopération internationale au Sénégal,
grâce à l'organisme Mer et Monde. Et si, au final, ceux qui avaient été
transformés par l'expérience n'étaient pas tant les populations hôtes
que ceux qui souhaitaient changer le monde? Avec une remarquable
efficacité, non dénuée d'une certaine poésie par moments, Nidisouka Rawa
(Souvenez-vous d'eux) nous permet de vivre cette aventure unique de
l'intérieur.
Vous pouvez lire le reste de ma critique ici...
Vous pouvez lire le reste de ma critique ici...
L'amante du Rif
Décors de cartes postales, couleurs saturées presque à outrance, recherche esthétique concertée - parfois à la limite de l'esthétisant -, L'amante du Rif aborde les problématiques de la femme marocaine à plusieurs niveaux et se veut un film à la fois féministe et féminin. Bien sûr, la réalisatrice Narjiss Nejjar revendique haut et fort, surligne à (à l'occasion très) gros traits la soumission traditionnellement associée aux femmes, mais aussi l'enclavement des esprits et une certaine sclérose des mentalités. En contrepoint, elle propose aussi un regard intime sur sa jeune héroïne Aya, qu'effleure la tendresse non dépourvue d'une certaine ambiguïté partagée avec la meilleure amie de celle-ci, sa volonté de vouloir adopter une autre route que celle que lui dicte la tradition - dut-ce ce geste la conduire à sa perte. « Je ne veux pas te ressembler; toi, on t'a éteinte de l'intérieur »,
dit-elle à un moment à sa mère, déchirée par sa volonté de vouloir venir
en aide à sa fille et le poids des traditions millénaires.« Dis-leur que je ne voulais pas marcher sur une ligne droite, rêver les yeux bandés », confiera-t-elle presque à la toute fin.
La réalisatrice s'est librement inspirée du roman éponyme de sa mère Noufissa Sbaï (lui-même basé sur une histoire vraie) pour en extraire un canevas qui lui permet de raconter cette histoire à sa façon, certes littéraire. De façon complémentaire, quand elle suggère à travers un geste, une image, le propos devient alors sublimé. Il faut souligner ici la pluralité des registres de Nadia Kounda, jeune comédienne de 22 ans qui étudie maintenant le cinéma à Montréal. Qu'elle transmette son côté mutin (quand elle veut démontrer à Moune par exemple, venue filmer le Maroc - troublante mise en abyme de la réalisatrice ici - qu'elle est devenue une excellente comédienne), nous laisse deviner combien elle est envahie par le souvenir du « Baron » (trafiquant de haschich de sa région qui lui arrachera sa virginité), défie l'ordre établi ou se perde dans la musique ou la danse, elle sonne juste.
Les parallèles établis avec la Carmen de Bizet (chantée tantôt en français, tantôt en arabe, tantôt métissée sans que cela n'ait choqué la puriste) et celle de Carlos Saura fonctionnent bien et se veulent aussi bien rappel de la trame narrative de la nouvelle de Mérimée que de l'absence du père qui travaille sur un bateau en Espagne pour assurer la subsistance de sa famille (et qu'un des frères ira rejoindre). Ce jeu de miroirs se transmet aussi dans le choix des prises de vues, qui multiplient réflexions et utilisation de filtres (voilages, fer forgé, barbelés...) Ce film se veut-il le portrait du Maroc d'aujourd'hui? Peut-être pas. (Après tout, l'histoire se termine au début des années 2000.) Se veut-il un cri du cœur, même si parfois maladroit? Assurément. « Aimer un pays, c'est le regarder en face », a d'ailleurs expliqué la réalisatrice lors du débat étrangement houleux ayant suivi la projection. « On n'avance pas en tournant le dos aux choses. »
Le film sera projeté de nouveau demain soir 20 h.
La réalisatrice s'est librement inspirée du roman éponyme de sa mère Noufissa Sbaï (lui-même basé sur une histoire vraie) pour en extraire un canevas qui lui permet de raconter cette histoire à sa façon, certes littéraire. De façon complémentaire, quand elle suggère à travers un geste, une image, le propos devient alors sublimé. Il faut souligner ici la pluralité des registres de Nadia Kounda, jeune comédienne de 22 ans qui étudie maintenant le cinéma à Montréal. Qu'elle transmette son côté mutin (quand elle veut démontrer à Moune par exemple, venue filmer le Maroc - troublante mise en abyme de la réalisatrice ici - qu'elle est devenue une excellente comédienne), nous laisse deviner combien elle est envahie par le souvenir du « Baron » (trafiquant de haschich de sa région qui lui arrachera sa virginité), défie l'ordre établi ou se perde dans la musique ou la danse, elle sonne juste.
Les parallèles établis avec la Carmen de Bizet (chantée tantôt en français, tantôt en arabe, tantôt métissée sans que cela n'ait choqué la puriste) et celle de Carlos Saura fonctionnent bien et se veulent aussi bien rappel de la trame narrative de la nouvelle de Mérimée que de l'absence du père qui travaille sur un bateau en Espagne pour assurer la subsistance de sa famille (et qu'un des frères ira rejoindre). Ce jeu de miroirs se transmet aussi dans le choix des prises de vues, qui multiplient réflexions et utilisation de filtres (voilages, fer forgé, barbelés...) Ce film se veut-il le portrait du Maroc d'aujourd'hui? Peut-être pas. (Après tout, l'histoire se termine au début des années 2000.) Se veut-il un cri du cœur, même si parfois maladroit? Assurément. « Aimer un pays, c'est le regarder en face », a d'ailleurs expliqué la réalisatrice lors du débat étrangement houleux ayant suivi la projection. « On n'avance pas en tournant le dos aux choses. »
Le film sera projeté de nouveau demain soir 20 h.
jeudi 3 mai 2012
Retrouver le piano
Après avoir passé de longues heures passées dans les mots, à établir des liens entre musique classique et autofiction, écouter des communications de spécialistes, échanger sur nos lectures ou nos recherches, il fait bon de retrouver le piano.
À quelques jours à peine du concert des élèves, j'avais peur de m'assoir à l'instrument hier, après plus d'une semaine passée loin de la bête - ou de la belle, selon l'humeur de l'instrument. C'est peut-être bien parce que j'ai l'impression d'arriver de voyage (avec ce que cela implique d'émotions mixtes), même si je n'ai pas quitté le sol montréalais. À la place, l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, la France et l'Italie sont venus à moi. Une effervescence de rencontres, de lieux vus autrement, des discussions qui auraient pu se poursuivre pendant des heures, de furieux fous rires, une curiosité de connaître l'autre, l'ailleurs.
Je commençais déjà à considérer un plan B ou C (moins astreignant) d’œuvre à interpréter en clôture de concert dimanche mais le piano, compréhensif, ne m'en a pas tenu rigueur, quel bonheur! Je maintiendrai donc mon choix initial, duquel la littérature n'est nullement exclu, puisque pour écrire Vallée d'Obermann, Liszt s'est inspiré d'un roman épistolaire de Senancourt.
À quelques jours à peine du concert des élèves, j'avais peur de m'assoir à l'instrument hier, après plus d'une semaine passée loin de la bête - ou de la belle, selon l'humeur de l'instrument. C'est peut-être bien parce que j'ai l'impression d'arriver de voyage (avec ce que cela implique d'émotions mixtes), même si je n'ai pas quitté le sol montréalais. À la place, l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, la France et l'Italie sont venus à moi. Une effervescence de rencontres, de lieux vus autrement, des discussions qui auraient pu se poursuivre pendant des heures, de furieux fous rires, une curiosité de connaître l'autre, l'ailleurs.
Je commençais déjà à considérer un plan B ou C (moins astreignant) d’œuvre à interpréter en clôture de concert dimanche mais le piano, compréhensif, ne m'en a pas tenu rigueur, quel bonheur! Je maintiendrai donc mon choix initial, duquel la littérature n'est nullement exclu, puisque pour écrire Vallée d'Obermann, Liszt s'est inspiré d'un roman épistolaire de Senancourt.
mercredi 2 mai 2012
Suggestions cinéma
Quand on met les pieds à l'Ex-Centris ces jours-ci, on ne peut qu'être
surpris par l'atmosphère de convivialité qui se dégage des lieux.
Personnel et bénévoles accueillants, festivaliers tout sourire qui ne
demandent qu'à partager un coup de cœur ou échanger sur la
programmation, petites bouchées parfumées déposées sur un coin de table
se veulent autant d'éléments qui donnent envie de revenir, soir après
soir, pour découvrir un autre pan de cet univers fascinant. Je vous
propose quelques suggestions de films, qui devraient plaire à tous en suivant ce lien.
mardi 1 mai 2012
30 degrés couleur
Lors de la soirée d’ouverture de la 28e édition du Festival Vues d’Afrique vendredi soir dernier, les spectateurs ont pris plaisir à visionner 30 degrés couleur, un film martiniquais donnant une folle envie de découvrir le pays sur le champ et de vivre la fièvre de son carnaval.
Patrick, un historien rigoureux et strict (Lucien Jean-Baptiste, coréalisateur avec Philippe Larue), qui traite sa fille adolescente avec une distance digne du siècle de Marie-Antoinette, retourne en Martinique, pays qu’il a quitté depuis 30 ans, pour se rendre au chevet de sa mère qui se meurt. Devenu véritable noix de coco (noir à l’extérieur, blanc à l’intérieur), il voit sa vie bousculée et basculer quand il débarque en plein carnaval. Pendant trois jours, piloté par son ami d’enfance Zamba qui porte des tenues extravagantes et dégage l’énergie la plus folle (irrésistible Édouard Montoute), il apprendra à apprivoiser le délire de la fête, vivra nombre de situations rocambolesques, mais surtout reprendra contact avec lui-même.
Si les rires fusent spontanément à de nombreuses reprises, il faut saluer ici le délicat dosage entre effervescence et déchirement, fébrilité et tendresse, exaltation et introspection. Les émotions contraires ne s’annulent pas tant qu’elles se jettent les unes dans les autres, un montage serré donnant à plusieurs reprises une impression de contrepoint, comme si une ligne musicale s’amorçait avant même que la première ne soit entièrement terminée. L’équilibre entre les scènes de carnaval (explosion de couleurs) et la redécouverte des lieux et des liens par Patrick est lui aussi atteint. Les jeux de miroirs (livre d’enfance de Patrick légué en cadeau à la petite-fille par la grand-mère, même lieu qui devient témoin de rites de passage à 30 ans d’intervalle, liens qui se resserrent entre Patrick et ses sœurs aussi bien qu’avec sa fille) poussent également à la réflexion, sans que l’on perçoive d’alourdissement dans le propos. Un film à découvrir impérativement!
Le film sera présenté de nouveau le jeudi 3 mai à 21 h. Plus d'info...
Patrick, un historien rigoureux et strict (Lucien Jean-Baptiste, coréalisateur avec Philippe Larue), qui traite sa fille adolescente avec une distance digne du siècle de Marie-Antoinette, retourne en Martinique, pays qu’il a quitté depuis 30 ans, pour se rendre au chevet de sa mère qui se meurt. Devenu véritable noix de coco (noir à l’extérieur, blanc à l’intérieur), il voit sa vie bousculée et basculer quand il débarque en plein carnaval. Pendant trois jours, piloté par son ami d’enfance Zamba qui porte des tenues extravagantes et dégage l’énergie la plus folle (irrésistible Édouard Montoute), il apprendra à apprivoiser le délire de la fête, vivra nombre de situations rocambolesques, mais surtout reprendra contact avec lui-même.
Si les rires fusent spontanément à de nombreuses reprises, il faut saluer ici le délicat dosage entre effervescence et déchirement, fébrilité et tendresse, exaltation et introspection. Les émotions contraires ne s’annulent pas tant qu’elles se jettent les unes dans les autres, un montage serré donnant à plusieurs reprises une impression de contrepoint, comme si une ligne musicale s’amorçait avant même que la première ne soit entièrement terminée. L’équilibre entre les scènes de carnaval (explosion de couleurs) et la redécouverte des lieux et des liens par Patrick est lui aussi atteint. Les jeux de miroirs (livre d’enfance de Patrick légué en cadeau à la petite-fille par la grand-mère, même lieu qui devient témoin de rites de passage à 30 ans d’intervalle, liens qui se resserrent entre Patrick et ses sœurs aussi bien qu’avec sa fille) poussent également à la réflexion, sans que l’on perçoive d’alourdissement dans le propos. Un film à découvrir impérativement!
Le film sera présenté de nouveau le jeudi 3 mai à 21 h. Plus d'info...