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jeudi 6 décembre 2012

Stephen Hough: un pianiste qui ne laisse pas indifférent

Le pianiste britannique Stephen Hough offrait un imposant récital à la Maison symphonique lundi soir, articulé autour de deux pièces maîtresses du répertoire romantique: la Troisième Sonate de Brahms et le Carnaval de Schumann. Je porte un grand respect aux interprétations discographiques de Hough, dépouillées de toute mièvrerie et témoignant d'un souci architectural évident. Ici, le travail sur les strates sonores reste toujours audible, qualité rare dans notre monde de poudre aux yeux.

J'attendais avec grande impatience le Carnaval, œuvre que je connais intimement pour l'avoir moi-même jouée jadis, lors de mon concert de fin maîtrise. Un Schumann pas toujours aisé techniquement (l'« Intermezzo-Paganini » est redoutable), mais surtout difficile à transmettre, l'important ici étant de saisir les traits du personnage (réel ou imaginaire) en quelques phrases, voire quelques notes. Ici, Hough ne m'aura convaincue qu'à moitié, puisque, à chaque page ou presque, j'hésitais entre l'enthousiasme (pour le travail sur les voix intérieures, magistral, ou la façon dont les reprises n'étaient jamais simples répétitions de matériel) et l'agacement. Ainsi, la précipitation presque brutale avec laquelle il a pris le « Préambule », l'impression d'une gifle sonore à chaque forte (et non pas fff!) du « Pierrot », la respiration un peu obstruée de l'« Arlequin » (peut-on percevoir le seizième de soupir?), un « Eusebius » plus passionné que rêveur (et vice versa), une « Reconnaissance » au tempo franchement trop assis, chaque double croche étant détaillée de façon maniaque... Et puis, enfin, j'ai pu lâcher prise au « Pantalon et Colombine » et m'enthousiasmer pour la délicatesse de l'« Aveu » ou le dialogue entre les voix dans la « Promenade ».

Mais avant, Hough nous a offert des moments de réelle magie. S'il semblait un peu indécis dans le premier des deux Nocturnes de l'opus 27 (peut-être se demandait-il pourquoi diantre la salle était aussi clairsemée?), déjà dans le deuxième, il ciselait les notes répétées avec délicatesse et faisait ressortir les contrechants de fort convaincante façon, démontrant sa profonde compréhension du texte. Son interprétation de la Sonate de Brahms s'est révélée au-dessus de tout soupçon, transmettant toute l'effervescence du jeune Brahms, le dernier mouvement évoquant même par moments la douce folie de Schumann (les deux ne s'étaient pourtant pas encore rencontrés). Les phrases longues du premier mouvement respiraient pleinement et le deuxième a été traité avec une rare subtilité, nous révélant un Brahms lumineux, d'une grande tendresse. La vision de Hough du mouvement m'a paru si convaincue et convaincante que, pour la première fois peut-être, j'ai souhaité m'approprier cette sonate de l'intérieur, en la déchiffrant moi-même. Un signe qui ne trompe pas!

Comme Hamelin, Hough est aussi compositeur et habile arrangeur. Sa Deuxième Sonate, créée il y a moins de deux mois, un nocturne pour citoyens des métropoles, saisit l'oreille dès le début. Elle rappelle par moments la course du quotidien, le motif sur les touches blanches transmettant admirablement l’irrationalité et le coté parfois incohérent de la vie que nous menons. Le compositeur a su maximiser les contrastes, les jeux d'accents et les possibilités de son instrument, en plus d'établir un dialogue clair entre les trois idées maîtresses (l'une en dièses, l'autre en bémols, la dernière sur les blanches), dont on suivait les développements sans difficulté.  Le pianiste-compositeur a su mettre sa virtuosité en valeur, en refusant les effets gratuits. Voilà une sonate que j'entendrais de nouveau volontiers, mais qui me semble tellement faite sur mesure pour son interprète (et créateur) qu'il est peut-être difficile de réellement se l'approprier.

J'étais au concert avec mon ami Claudio, qui a eu une perception assez différente de l'événement... Comme quoi, la musique parle à chacun de façon différente. À lire ici...

Je vous invite ici à découvrir Hough dans un répertoire méconnu, à des lieues de ce qu'il a joué lundi, mais d'une troublante beauté, les Charmes de Mompou.

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