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jeudi 14 février 2013

À court de mots mais non d’inspiration

Six compositeurs jumelés à six réalisateurs, six films muets dans lesquels la musique joue un rôle essentiel, interprétée en direct par l’Ensemble Arkea le soir de la représentation. Douze esthétiques qui se rencontrent, se confrontent, s’apprivoisent, s’unissent, mais un seul plaisir de découverte pour le cinéphile mélomane (ou serait-ce plutôt le mélomane cinéphile?). Le compositeur Maxime Goulet, l’initiateur de cet événement produit par Codes d’accès, codiffusé par Arkea, présenté dans le cadre des Rendez-vous du cinéma québécois, n’en est certes pas à son premier projet hors normes. Après avoir notamment offert deux performances avec Arkea au Sommet international du jeu de Montréal et mis en œuvre Bungalopolis en 2010, un opéra-cabaret inspiré des personnages loufoques de Jean-Paul Eid, il a souhaité cette fois bousculer les conventions liées au cinéma, proposant aux réalisateurs de relever un défi inhabituel et aux compositeurs de s’engager dès le début du processus de création. « Ici, la musique n’est pas une épice à saupoudrer sur un mets déjà préparé, explique Goulet en entrevue. Les auditeurs prendront conscience de ce qu’elle peut apporter au film, de la façon dont elle peut faire parler les personnages. »

21 de Yann Ben Alluch (musique: Maxime Goulet)
L’amant revenant (Une comédie d’amour noire) de Serge Gouin (musique: François-Xavier Dupas)
Comme des sons ambiants ont déjà été intégrés aux trames sonores des films, les compositeurs pourront se concentrer sur des gestes musicaux. « Nous voulions joindre différents univers, que des créateurs collaborent ensemble, afin d’offrir au spectateur quelque chose d’unique. » Quelques duos, par exemple celui formé d’Alexandre B. Lampron et Samuel Laflamme (Le voyage), qui avait travaillé à quelques reprises sur des films coopératifs, ont proposé un projet commun. D’autres ont dû apprendre à se connaître. Si certains ont opté pour une optique plus traditionnelle (Guillaume St-Laurent a composé la musique de Nos Saisons une fois le montage de Patrick Peris complété), d’autres ont renouvelé la donne. Ainsi, François-Xavier Dupas n’a fait que retoucher sa trame sonore une fois que Serge Gouin a eu terminé le tournage de L’amant revenant (une comédie d’amour noire), alors que Maxime Goulet a conçu le scénario de 21 et n’a pas hésité à évoquer le rythme avec Yann Ben Alluch. « Dans un dessin animé, le sens du rythme demeure essentiel, explique-t-il. Il faut pouvoir travailler de façon plus serrée, préparer les punchs. »

Le Voyage d'Alexandre B. Lampron (musique: Samuel Laflamme)
Nos Saisons de Patrick Peris (musique: Guillaume St-Laurent)
Les curieux auront donc le plaisir de découvrir des univers très différents, les six réalisateurs ayant eu comme mission de transmettre diverses facettes du film muet, qu’il soit animé, humoristique, contemplatif ou caustique. « Le projet comportait déjà beaucoup de contraintes. Il nous a semblé inutile d’en imposer dans l’esthétique. » En orchestrant la succession des films, Maxime Goulet a choisi de travailler autant la continuité que le contraste, esquissant ce faisant une courbe émotionnelle efficace, de laquelle le nombre d’or n’est pas exclu. Il souhaite proposer au spectateur une expérience qui ressemble aux soirées de courts métrages présentées dans les divers festivals, mais en y instillant un facteur unificateur et surtout en ne laissant jamais la musique, défendue par les 26 musiciens d’Arkea, jouer un rôle de tapisserie sonore. « Nous souhaitons que l’événement devienne une porte d’entrée à la musique de création, que celle-ci devienne le fil d’Ariane qui guide dans le labyrinthe. » Il ne se cache pas que la formule hybride a été pensée pour attirer un nouveau public. « Quand nous avons présenté Bungalopolis, rappelle-t-il, plus de la moitié de ceux présents n’avait jamais entendu de musique contemporaine auparavant! » Même si les questions de logistique hantent ses jours et ses nuits (par exemple, la bande-son du film a dû être travaillée en mono, afin d’intégrer une piste rythmique qui sert de repère à la chef d’orchestre Dina Gilbert, les premières chaises disposant quant à eux de six paires d’écouteurs), Maxime Goulet se sent stimulé par le projet et espère pouvoir reprendre le concept. « L’interaction avec une autre forme d’art me mène ailleurs. » Trois, deux, un… action! 

Ostinato de Jean-François Lavallière (musique: Georges Dimitrov)

Imparfaite d’Émilie Gauthier (musique: Ghislain Lecroulant)
 Bibliothèque nationale, 24 février 19 h.

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