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lundi 27 mai 2013

Nella tempesta: l'étoffe de nos rêves

La troupe italienne Motus propose une incursion dans le domaine de l'utopie, du rêve, du théâtre, mais aussi d'un certain activisme. En se servant de passages plus ou moins déconstruits de La Tempête de Shakespeare, peut-être bien l’œuvre dramaturgique qui représente le mieux l'essence même du théâtre, les initiateurs du projet et interprètes multiplient les mises en abyme, mais tentent également de réveiller en douceur notre conscience sociale. Quand Ariel affirme « Qui est le maître? », il faut bien admettre que comprise dans un monde où l'argent et la corruption semblent tout-puissants, cette phrase résonne autrement.

Se servant des couvertures apportées par le public (qui seront redistribuées après aux plus démunis), les comédiens érigent une île magique, celle de Prospero, celle des possibilités théâtrales, celle d'une certaine utopie aussi. Les acteurs s'interrogent au fur et à mesure (même parfois dans leur loge, « conversation » que nous pouvons suivre grâce à la vidéo) sur l'approche à adopter pour monter cette Tempête, qui s'appuie notamment sur la relecture de certains de ses passages par Aimé Césaire et dans laquelle on intègrera des références à Michael Jackson et Malcolm X. Silvia Calderoni en Ariel brûle littéralement les planches. Adoptant tour à tour un registre intériorisé et explosif, troublante d'androgénie, elle guide le spectateur à travers les méandres de la pièce, autant de fragments qui semblent flotter à la surface, entre conscient et inconscient, portés tantôt par la musique des Doors ou de Beethoven.

Paradoxe peut-être ici, les codes sociaux semblaient si intégrés que le public hésitait à réagir quand interpellé - contrairement au « jury » intégré dans L'ennemi du peuple d'Ibsen présenté également au FTA par la Schaubühne en ouverture de festival. Le télescopage théâtral avait-il laissé les spectateurs en plan? (Il est vrai qu'on avait l'impression d'assister à un laboratoire.) Chacun s'était-il perdu dans ses propres pensées, seul sur son île? N'empêche, à la fin du spectacle, presque tous sont allés jeter un coup d’œil à cette carte de la ville balisés par les sentiments de quelques participants (on pouvait y retrouver aussi bien les endroits où l'on se sentait bien que trop surveillé ou ignoré) et quelques-uns ont osé proposer des pistes de solution. La compagnie causera d'ailleurs une petite tempête à l'hôtel de ville, à 15 h 30. De quelle nature? Tout est possible quand on se laisse bercer par une douce utopie.

Il reste une représentation de la pièce, présentée en première mondiale à Montréal, ce soir 20 h.

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