Il y a parfois de ces rencontres presque magiques, avec un auteur, une voix, un texte. Mythmaker ou de l'obscénité marchande est assurément de celles-là. Librement inspirée d'une nouvelle de Karen Blixen (adaptée au cinéma par Orson Welles), cette pièce de l'auteur Manuel Antonio Pereira (installé en Belgique depuis une vingtaine d'années) mise en lecture par Alice Rondard dans le cadre de Dramaturgies en dialogue s'articule autour du personnage de M. Clay, un requin de la pire espèce, exportateur de textile multimilliardaire de la Côte Est américaine, imbu de sa personne (admirablement transmis par Jacques Lavallée). « Dans votre indignation, je me suis taillé un manteau. »
Sans héritier, il ne reculera devant rien pour mettre lui-même en scène une histoire d'un soir entre un marin russe (Alex Bergeron, subtil) et une jeune femme d'une beauté sublime (Rachel Graton, entre fragilité et dépit), fille d'un de ses ex-employés ruiné. Bien évidemment, le tout se fera dans un environnement entièrement contrôlé, un trio d'internautes commentant le tout en direct, tout en évoquant brièvement certaines des difficultés liées à la notion même de l'amour et du couple dans ce siècle où l'on ne vit plus que pour les autres.
Avec une telle prémisse, Pereira aurait pu choisir de grossir inutilement le trait. Il n'en est rien. Grâce à une langue d'une musicalité indéniable, il se transforme en une Shéhérazade du 21e siècke, le texte oscillant entre conte de fées et pamphlet vitriolique, intemporalité et modernité. La belle et son marin réussiront-ils à s'échapper des rets de Clay? Accepteront-ils de jouer leur rôle jusqu'au bout, d'incarner le mythe? « Ce n'est pas une histoire, c'est ma vie, soulignera le marin. Je ne veux rien raconter, cela deviendrait une histoire justement. » Une affirmation certes en porte-à-faux des multiples « partages » que l'on retrouve sur les réseaux sociaux.
Un très beau texte, que l'on souhaite voir monté!
Tout à fait de ton avis!
RépondreSupprimerJe rêve de voir ce texte monté!
Gros coup de coeur.
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