C'est le cas ici pour Metin Arditi, président de l'Orchestre de la Suisse Romande, qui a mis également sur pied une fondation faisant la promotion de l'éducation musicale en Israël et en Palestine. Alexis Kandilis, son personnage de chef d'orchestre grec, au faîte de la gloire, craque un jour suite aux pressions d'un percussionniste un peu trop véhément, et amorce une chute vertigineuse vers les bas-fonds, mais aussi vers une nouvelle connaissance de son don musical. Et si, au fond, le chef d'orchestre ne servait à rien, que les musiciens pouvaient dialoguer entre eux, la musique triompher? Ici, l'orchestre devient personnage, tout comme le public.
« Le public accueillait les airs de La force du destin avec gratitude. Il en guettait chaque note, comme un enfant guette la fin d'une histoire entendue cent fois, sachant par avance que la chute sera celle de la fois précédente, qu'il en sortira apaisé, rassuré, et qu'alors son bonheur sera complet. »Si une connaissance des quelques œuvres citées facilite la compréhension du récit, elle n'est pourtant pas essentielle. Dans ces pages, l'auteur retrouve les thèmes qui hantent l'ensemble de sa production: l'intime, la solitude qui accompagne le plus souvent l'exil, une difficulté à s'inscrire dans une filiation claire. Qu'il évoque les années de pensionnat huppé du narrateur (pendant lesquelles Alexis avait cru nécessaire de mentir sur sa famille pour ne pas être rejeté par ses camarades), ses doutes face à la direction d'orchestre (qui mèneront Alexis à la composition d'une œuvre nouvelle, révolutionnaire en apparence, mais n'est-elle au fond que folie?) ou à sa propre santé mentale, ses frasques aux tables de roulette ou au lit, Arditi le fait avec une finesse rare, qui refuse de tomber dans le dogmatique.
Alexis n'est pas par définition un personnage que l'on aime spontanément, contrairement à ce père qui, jour après jour, fait la lecture des journaux en de multiples langues à son fils plongé dans un coma parce que sa route a croisé celle d'un kamikaze lors d'un attentat-suicide. Pourtant, on veut le suivre - l'accompagner plutôt, comme un orchestre fidèle - dans son périple vers l'enfer, même si on ne peut influer sur son destin et que l'apex du livre, comme dans toute pièce musicale réussit, réussit quand même à nous prendre par surprise, même si le motif en avait été dessiné dès la première page. Une très belle découverte pour moi.
« Nous, les musiciens... Nous sommes les prêtres. Nous disons la messe. C'est important de dire la messe bien sûr. Mais il y a une chose plus essentielle encore. Ce sont les paroles de la messe. Les mots saints. Ceux qui nous aident à vivre. C'est l’œuvre des compositeurs. »
Je viens juste d'offrir ce livre à une amie, musicienne comme moi. Dès qu'elle l'aura lu, elle me le prêtera - j'ai hâte de le lire ! J'avais beaucoup aimé "l'imprévisible".
RépondreSupprimerJe le relirai sans doute. Je note donc ton titre... Est-ce aussi lié à la musique?
RépondreSupprimerJules, ton message ne paraît pas même si je l'ai reçu dans ma boîte! Je recopie donc ici:
RépondreSupprimerJules a ajouté un nouveau commentaire sur votre message "Prince d'orchestre" :
je n'ai pas l'oreille musicale, mais c'est vrai que l'auteur m'a semblé juste... à la seconde près!
J'avais bien aimé aussi, même si ce n'est pas mon préféré d'Arditi. J'ai préféré "Victoria Hall". "L'imprévisible" touche à l'histoire de l'art de la Renaissance.
RépondreSupprimerJe note alors les deux titres :)
RépondreSupprimerComme tu le sais, j'ai préféré Le Turquetto, que je trouvais plus sensible, plus abouti... Mais ton billet est très beau !
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