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dimanche 17 mars 2013

Créer au féminin

Peut-on créer et procréer? Une femme peut-elle s'extraire suffisamment du quotidien, des mille petits gestes d'attention portés à un enfant, pour retrouver un espace mental de solitude qui lui permettra de retrouver sa voix intérieure, son égo qui crie pour sortir, ira jusqu'à avancer la danseuse et chorégraphe Mylène Roy? La comédienne québécoise Geneviève Rioux, elle même mère, tente avec Crée-moi, crée-moi pas (coscénarisé avec Marie-Pascale Laurencelle et Halima Elkhatabi), d'offrir un portrait le plus nuancé possible de la situation. Si le parcours de deux femmes qu'elle admire (Nancy Huston et Agnès Jaoui) a servi de catalyseur à l'entreprise, elle ratisse ici très large, mais jamais ne se disperse.

On la retrouve par exemple avec la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette, qui a tourné son film Inch'Allah dans des conditions difficiles, un premier bébé à ses côtés. La dramaturge Évelyne de la Chenelière, qui a installé son bureau d'écriture dans le couloir d'une maison dans laquelle courent quatre enfants, compare l'effondrement presque quotidien des certitudes quand on élève un enfant à la création et n'hésite pas à affirmer: « Ce n'est pas les enfants, le lavage, qui fond des œuvres trop pauvres! » La cinéaste d'animation Marie-Josée Saint-Pierre, mère de trois filles, qui a accepté, presque à contrecœur, mais en réalisant que l'occasion ne se représenterait jamais, une résidence de trois mois à Sapporo alors que sa deuxième fille n'avait que six mois, représente bien la dualité des attentes envers les créateurs hommes ou femmes. L'entourage d'un homme aurait-il même froncé les sourcils dans de telles circonstances? Brigitte Haentjens, sans enfant, parle quant à elle de la nécessité d'« assumer l'égoïsme de la création », alors que Robert Lepage et René-Richard Cyr confirment qu'ils n'auraient jamais pu faire une carrière aussi saluée avec des enfants. Troublant... La sculptrice Valérie Blass (exposée dans les galeries et musées les plus prestigieux, mère de deux enfants) avance qu'une bonne exposition suffit souvent à lancer la carrière d'un artiste de sexe masculin, mais que la femme, elle, doit faire ses preuves encore et encore avant qu'on y croit.

Nancy Huston qui a réfléchi à la question dans nombre de ses essais, rappelle que la création exige silence, solitude et que la plupart des femmes ressentent une grande culpabilité à les demander. « Si elles sont dans la maison, elles ne réussiront pas à ne pas être là. » Pascale Navarro avance quant à elle que « la création part de la faille, de la vulnérabilité ». Au fond, cela ne rendrait-il pas les femmes les candidates idéales à la création?

Un très beau film, qui sera présenté le 23 mars à 18 h 30. Détails ici... Après un tel visionnement, je n'ai pas eu le choix de glisser Une chambre à soi de Virginia Woolf dans mon sac...

On peut voir le film le samedi 23 mars 18 h 30 à la Cinquième Salle.

trailer cmcmp H264 from BazzoBazzo on Vimeo.

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