Le Temps où nous chantions est l’un de ces trop rares livres que l’on voudrait ne jamais voir se terminer et que, pourtant, on se sent forcé de lire de façon compulsive. David, jeune scientifique juif fuyant le nazisme et spécialiste de la relativité, rencontre Delia, chanteuse noire issue de la bourgeoisie de Philadelphie, au légendaire concert extérieur de Marian Anderson à Washington. Malgré les différences d’éducation, les tensions raciales qui imprègnent tout le livre et l’incompréhension des gens qui les entourent, ils fondent une famille, élevée dans la tradition de la musique classique. Les soirées en famille sont passées à chanter, à jouer au jeu des citations musicales (les mélomanes ferrés se délecteront), à partager cet amour qui les définit de façon plus juste que leur couleur de peau. Jonah, l’aîné, deviendra chanteur classique puis un des premiers « baroqueux », Joey (le narrateur) pianiste tandis que Ruth choisira la voie de l’activisme politique avant de retrouver la musique, plus tard dans sa vie. La musique ne sert pas seulement de toile de fond à cette grande fresque américaine qui couvre une soixantaine d’année, elle en est le cœur vibrant. Richard Powers (qui a suivi des cours de chant pendant de nombreuses années) décrit avec une rare finesse les airs musicaux qu’il évoque et les émotions qu’ils suscitent, rend presque simple la physique quantique (il a étudié en physique et a travaillé en informatique avant de se consacrer à la littérature) mais sait surtout peindre les soubresauts de la vie qui comble autant qu’elle déchire.
La musique et l’écriture ont été de tout temps les deux pôles de la vie créatrice de l'auteure. Ce site se veut donc un hommage à la musique (particulièrement classique) et à la littérature, mais aussi au théâtre et aux autres manifestations artistiques.
Pages
samedi 29 novembre 2008
Richard POWERS, Le Temps où nous chantions
Un pianiste et son temps. Paul LOYONNET (1889-1988). Souvenirs réunis et présentés par Pierre Giraud.
vendredi 28 novembre 2008
Michel Tremblay s'exprime...
Il vient de recevoir le prix du grand public de la dernière édition du Salon du livre de Montréal pour La traversée du continent. Saisissant la balle au bond, il a prononcé un discours de remerciement dont chaque mot avait été pesé, mesuré, senti. En voici un extrait, tel que repéré sur le blogue de Chantal Guy.
« La culture d’un pays, c’est sa façon de s’exprimer, de se décrire lui-même, de se chanter, de se danser, de se voir, de se fêter, de se critiquer, de se comprendre grâce à l’imagination des artistes, et de s’affirmer devant le reste du monde en lui montrant qui il est et ce qu’il estcapable de faire. Couper dans la culture, vouloir l’étouffer, la censurer, lui défendre de voyager,c’est empêcher un peuple, à travers ses artistes, d’utiliser son imagination et empêcher l’imagination mène à l’apathie et à l’ignorance. Ou à la seule version du monde d’un gouvernement frileux qui a peur de la subversion. La subversion vient souvent de la culture, c’est vrai, elle est la plupart du temps dérangeante et pas souvent belle, elle dit ou montre des choses qu’on ne veut pas toujours voir ou entendre, mais elle est nécessaire à la vie d’un pays démocratique. Parce que la culture existe aussi pour dénoncer ce qui ne fonctionne pas dans la société et que la subversion soulève des questions que jamais un gouvernement n’oserait poser par peur de se rendre impopulaire et de perdre de précieux votes. La culture a, entre autres, une tâche presque aussi importante que celle d’un gouvernement : dénoncer ce qui va mal. Couper dans le soutien à la culture tout en prévoyant acheter des engins de guerre usagés dont personne dans le monde ne veut est un geste non seulement arrogant et inconséquent, mais aussi une preuve d’ignorance crasse. Essayer de faire taire une partie de la culture d’un pays, surtout celle qui voyage et qui peut faire la réputation de ce pays, sous prétexte d’économies de bouts de chandelle, c’est assassiner ce pays à petit feu ou, du moins, commencer à le pousser vers l’inertie et l’insignifiance. La culture donne un sens à la vie ; pas l’achat d’engins de guerre.
Une fois pour toutes, vive la créativité, le sel même de l’existence d’un peuple, et à bas la censure néfaste et dévastatrice pratiquée par un gouvernement qui veut ne voir prévaloir qu’une façon de penser, la sienne ! »
mercredi 26 novembre 2008
Philip Glass: La Belle et la bête
Dès ses années d’apprentissage à Paris, Glass a porté un intérêt marqué au cinéma de Cocteau. « J’ai d’abord vu les films de Cocteau quand je suis allée à Paris en 1954 pour étudier le français. J’avais 17 ans alors et le Paris que j’ai vu était le Paris de Cocteau. La vie de bohème que vous voyez dans Orphée, je l’ai connue, elle m’attirait, explique-t-il dans une entrevue avec Jonathan Cott. Ces personnages étaient les gens que je fréquentais. Je visitais les studios des peintres, appréciais leur travail, allais au bal des Beaux-Arts et restais éveillé toute la nuit. […] Il y avait une esthétique, un point de vue, une vision de la culture qui m’ont considérablement rejoint à l’adolescence et dans la vingtaine et qui ont germé en moi tout ce temps. Quand, au début des années 1990, j’ai finalement pu réaliser une version d’Orphée, je savais exactement ce que je voulais faire… comme je l’ai su pour La Belle et la bête. Ces deux œuvres sont des hommages à Cocteau, que je considère un artiste important du XXe siècle. »
Dans ce projet ambitieux d’opéra multimédia (daté de 1994), Glass a choisi d’occulter la trame sonore du film de Cocteau (musique et dialogues) pour y substituer une partition chantée à l’avant-scène, le film étant projeté en arrière-plan. Cette distanciation permet une relecture de l’allégorie de l’artiste puisant en son cœur même l’inspiration. « Le film traite de la transformation d’un être mi-bête, mi humain – ce que nous sommes tous – au stade de la noblesse de l’artiste, ce que deviendra la Bête en fin de parcours. Avant, la Bête sait qui elle est mais ne peut pas l’être. Et n’est-ce pas là l’état dans lequel nous sommes quand nous tentons d’aborder le processus créatif? Comment devenons-nous ce que nous sommes? Tous les artistes peuvent se sentir interpellés par cette question. » Comme Rossini avant lui, Glass se sert de l’ouverture de l’opéra pour y présenter les thèmes-clé de l’œuvre. L’arrangement pour orchestre à cordes présenté ici est signé Michael Riesman, pianiste, compositeur et chef d’orchestre, l’un des collaborateurs les plus précieux de Glass depuis 1974.
(Extrait des notes de pochette rédigées pour le disque Philip Glass: Portrait, étiquette Analekta)
lundi 24 novembre 2008
Chloé Varin: Par hasard... rue Saint-Denis
Stella est une jeune femme dans la vingtaine, étudiante en danse, plutôt indépendante. Elle n'a que très peu connu son père, occupé à mener une vie parallèle après un divorce comme tant d'autres. Un jour, il décide de renouer les liens et offre à sa fille un abonnement au théâtre en cadeau d'anniversaire: cinq soirées à partager, cinq occasions de s'apprivoiser de nouveau, cinq moments qui ponctueront cette année de façon particulière. L'idée était relativement séduisante et suffisamment riche pour inciter Chloé Varin, jeune auteure de 22 ans qui complétait en 2006 un certificat en création littéraire, à y puiser le matériau son premier roman.
On apprécie l'incursion dans le monde du théâtre, les rebondissements de cette relation alambiquée qui finit par s'épanouir, presque malgré les principaux intéressés. Les effluves pas trop lointains de la chick lit titillent, mais sans trop agresser. Les 128 pages de ce court roman se dévorent d'une seule bouchée. On aurait peut-être souhaité que la psychologie des divers personnages ait eu plus de temps pour s'épanouir, qu'un peu plus de chair ait été laissée autour de l'os, que les réflexions sur le théâtre aient pu contenir plus de substance, qu'on comprenne un peu mieux les motivations de l'abandon puis du regret du père mais les personnages sont plutôt attachants et les dialogues rondement menés. Un parcours à surveiller...
samedi 22 novembre 2008
Un salon vécu différemment
Je n'avais pas mis les pieds au salon du livre de Montréal depuis quelques années, ayant été échaudée un certain vendredi soir par la densité de la masse humaine, la chaleur ambiante et la surstimulation qui nous assaillait de toute part (avec de jeunes enfants qui veulent tout acheter, ça peut devenir pénible). Et puis, hier, j'ai cédé, bien décidé à vivre mon salon différemment. D'abord, j'étais en compagnie de Claudio, livrophage pratiquant, mais qui en était à son premier salon. Et notre mission ne consistait pas à acheter le plus de livres de deux heures (j'en aurai acheté un seul, en trois heures, La maison des temps rompus de Pascale Quiviger dont j'ai tellement aimé le premier roman), plutôt de s'ouvrir au plaisir de la découverte et des rencontres impromptues.
De ce côté-là, j'ai été servie. Arrivée une vingtaine de minutes avant lui, j'en ai profité pour aller rencontrer Catherine Mavrikakis et faire signer mon exemplaire d'Omaha Beach. Vous avez pu lire tout le bien que j'ai pensé de ce titre et du Ciel de Bay City ici, alors j'étais un tout petit peu intimidée. Elle n'est pas le premier auteur à me dédicacer un livre mais les autres l'avaient fait après une entrevue ou parce qu'ils me connaissaient déjà (donc, un vrai contact). Le courant a très bien passé. En quelques phrases, nous étions au coeur de ses livres, nous échangions sur la frontière entre les vivants et les morts, sur certaines réactions de lecteurs déstabilisés et nous avions découvert que nous nous lisions mutuellement, par blogues interposés. En plus, petit détail amusant, mon fils a son frère comme prof d'histoire de l'art et, justement, le jour même, il avait parlé de sa soeur, nominée pour le Prix des Collégiens. (Un débat ou plutôt une vague de fond a frappé le blogue de Venise il y a quelques jours sur ce sujet, je vous invite à découvrir comment.)
Une fois mon ami retrouvé, nous nous sommes dirigés vers le Carrefour Desjardins, où Julie Gravel-Richard venait de terminer un entretien sur l'écriture intérieure (en compagnie également d'une autre Recrue, Mélanie Gélinas). Un réel plaisir de la revoir, ainsi que Venise et Marc, Catherine qui débarquait à peine d'un avion en provenance de Paris (et commençait à ressentir furieusement le décalage horaire). J'ai aussi enfin pu rencontrer Karine, en live, presque par hasard. Je l'ai vue, je l'ai entendue et je me suis dit: « C'est elle! » De beaux échanges sur la littérature, la musique, son boulot, son dernier swap...
Au gré des allées, nous avons échangé avec une représentante de Gallimard, particulièrement convainquante. (En entrant au salon, le Goncourt nous laissait vaguement indifférents; après lui avoir parlé, nous nous sentions presque obligés de l'acheter sur le champ. Nous avons résisté pour cette fois.) Claudio s'est fait un peu bousculer chez Leméac... par Michel Tremblay lui-même. Nous nous sommes tus. J'ai aussi parlé littérature (et même chick lit!) avec Véronique des Éditions Stanké qui m'a fait rencontrer quelques-uns de « ses » auteurs: Éric Trudel (Les 101 disques qui ont marqué le Québec), le journaliste Michel Jean (Envoyé spécial) et Richard Sainte-Marie (Un ménage rouge).
Légèrement exaltés, nous avons ensuite poursuivi la soirée au Pharaon Lounge, pour la Nuit des malaxeurs qui mettaient en vedette pour cette cinquième édition des auteurs de premiers romans, recueils de nouvelles, poèmes, qui ont lu des extraits de leurs oeuvres. Neil Smith (recrue de septembre) m'y avait invitée et je n'ai pas regretté cette soirée, assez débridée merci. Certaines auteures étaient presque étranglées par la timidité lors de la lecture (Dominique Fortier, notre recrue du mois, par exemple). Guillaume Corbeil a fait un numéro de stand-up comic au sujet de sa nomination au GG juste avant de lire un extrait du Relais. Une faune hétéroclite, joyeuse, vaguement délinquante (Neil a dû user d'un maximum de concentration pour lire à travers les bruits de fond très présents) mais plusieurs échanges très enrichissants.
Alors, rendez-vous l'année prochaine?
jeudi 20 novembre 2008
Le salon du livre est ouvert!
Une chose est certaine, je serai à la Nuit des Malaxeurs au Pharaon Lounge à 22 h, pour entendre de nouveaux auteurs (dont Neil Smith, Guillaume Corbeil, Annie Dulong, etc.) partager leur prose ou leur poésie.
Mon beau sapin...
Toutes les visites sont comptabilisées. Et juste avant Noël, grâce à son partenaire Orange, Monbeausapin.org versera à la Croix-Rouge Française une somme proportionnelle au nombre de visiteurs total. Ce don sera offert à l'opération "Arbres de Noël" de la Croix Rouge, afin d'offrir des cadeaux aux enfants défavorisés.
Il n'y a rien à cliquer, rien à acheter, il suffit de venir lire de la BD, et en parler autour de soi ! C'est par ici...
lundi 17 novembre 2008
Schumann le magnifique
Avec les années, je me suis mise à lire sur Schumann et j’ai alors abordé sa vie, sa fièvre créatrice, ses personnalités multiples, son amour profond pour Clara, son soutien aux jeunes compositeurs, son sens critique particulièrement aiguisé. Ses articles dans la Neue Zeitschrift für Musik sont des pièces d’anthologie, d’une grande finesse, que la journaliste en moi ne peut qu’admirer. Ses hésitations, alors que jeune adulte, il oscille entre la musique et la littérature, me parlent aussi éloquemment que sa musique. Les lettres qu’il transmet à sa famille et à ses amis sont de véritables miniatures de la vie qui bat, ponctuées de petits événements du quotidien comme d’interrogations plus fondamentales. Son plaidoyer à Friedrick Wieck pour obtenir la main de Clara reste, aujourd’hui encore, criant d’actualité.
samedi 15 novembre 2008
Le chef-d'oeuvre de Sébastien Filiatrault: Qui lira rira
Nelligan, Aquin, Baudelaire : des inspirations, des héros, des sphères impossibles à rejoindre pour notre narrateur, décidé à ne reculer devant rien pour extraire de ces profondeurs abyssales « le » chef-d’œuvre dont rêvent tous les auteurs. En lisant le quatrième de couverture, je craignais un écrit sombre et tourmenté, dans lequel l’auteur/narrateur gratterait ses plaies, nous forçant à basculer avec lui au plus profond de sa tourmente. Eh bien, j’avais tout faux et c’est tant mieux!
Dès les premières pages de ce journal intime pas comme les autres, le ton est donné. On rira jaune parfois mais on rira. « On ne devient pas un grand écrivain par un Goncourt de circonstances… » (p. 23) Sébastien Filiatrault prend un malin plaisir à tourner les mots dans tous les sens, à en détourner le sens. L’air de rien, ces pirouettes lui offrent la liberté de lancer quelques piques sur notre société, de nous inciter à l’introspection. « Ils écouteront les oiseaux gazouiller si ça leur chante, j’écouterai la complainte des sirènes de police de cette urbanité empilée dans ses tours de force. » (p. 10) Au passage, il égratigne les téléréalités, le « Plateau d’argent », notre indifférence face aux itinérants, Montréal devenant « la ville aux cent clochards ». Il partage aussi son goût de la lecture (délicieuses rencontres avec Violette et sa petite-fille) et en profite pour glisser en douce quelques interrogations sur la littérature et le merveilleux monde de l’édition. « Avec tout ce qui s’était écrit et s’écrivait présentement, je devais avoir une pression d’au moins dix mille livres sur mes épaules, disloquées par l’embonpoint de l’industrie littéraire. » (p. 212)
Filiatrault signe-t-il avec ce premier roman un chef-d’œuvre? Bien sûr que non et telle n’a jamais été son intention. A-t-il écrit un texte qui se démarque de la vague d’autofiction? Tout à fait, ne serait-ce que par la façon habile dont il a su intégrer l’humour dans ses pages. Surveillerai-je son deuxième roman? Absolument. Qui lira verra.
Vous pouvez lire les autres commentaires de lecture des collaborateurs de La Recrue, certains assez incisifs, merci, ici...
vendredi 14 novembre 2008
Le ciel de Bay City
Une lecture coup de tête, après être tombée sur quelques critiques et avoir entendu l'auteure en entrevue. Une lecture coup de poing, dont on ne se relève pas entièrement indemne. Une lecture coup de cœur qui continue d'habiter, une fois la dernière page refermée et qui nous laisse à la fois drainée et envahie par une série d'images puissantes, de questions irrésolues, d'une certaine tendresse aussi envers ces personnages atypiques (mais au fond, le sont-ils vraiment?).
Catherine Mavrikakis signe ici un livre puissant, déstabilisant, mordant, qui nous plonge dans la banalité de l'Amérique de banlieue telle que nous la connaissons tous trop bien mais aussi dans l'intimité d'Amy, une jeune fille qui, depuis sa naissance, se sent en marge et vit son mal de vivre en écoutant Alice Cooper, hante les allées du K-Mart et porte le noir aussi bien sur ses ongles que dans son âme. Ayant grandi dans l'ombre d'Angie, la soeur aînée morte-née, celle d'un père absent que sa mère souhaite reconquérir en le poursuivant de ses ardeurs et en ignorant son enfant, celle de l'air confiné de cette maison de tôle comme tant d'autres, celle de l'Europe déchirée par la Deuxième guerre mondiale, celle du ciel trouble et mauve de Bay City, elle cherche à comprendre, à s'affranchir du poids du destin, en assemblant les morceaux d'un casse-tête élimé, dont certains morceaux lui ont été cachés depuis sa naissance.
Comme dans Omaha, les vivants cohabitent avec les morts (ici, les grands-parents d'Amy, morts à Auschwitz) et dansent avec eux, avec le passé, un étrange ballet de la folie, de la douleur, de la douceur aussi. « Le ciel d'Auschwitz est un enfer. Il est si noir, Nellie, il me cache le sens de nos vies. » (p. 144) Certains lecteurs en seront peut-être déstabilisés, j'ai choisi de ressentir plutôt que de m'interroger sur la frontière si ténue entre ces deux univers.
Le style de l'auteur est épuré mais d'un rare pouvoir d'évocation. On sent que chaque phrase, chaque mot, ont été choisis avec soin, ciselés patiemment et s'emboîtent parfaitement. J'aurais pu choisir de noircir les pages d'annotations, d'y coller des post-it. Je n'en ai rien fait. En ouvrant le livre au hasard, je sais parfaitement qu'une image, une émotion surgiront, intacts. Je laisserai ainsi le ciel mauve de Bay City gagner la guerre...
En complément, une entrevue avec Catherine Mavrikakis parue dans le Voir ici et un entretien avec Christiane Charette là...
Le blogue de l'auteure, très inspiré...
jeudi 13 novembre 2008
Les 10 règles pour tirer le maximum de son expérience de concert (2/2)
6- À la fin seulement tu applaudiras
Avec l’évolution des formes, le silence s’est imposé pour garder le contact avec le flot continuel de la musique. La pause entre les mouvements les unit. Elle assure même très souvent la cohésion entre les tonalités et les émotions exposées dans chacun d'eux. (Brahms est un maître dans ce domaine.) Entre deux mouvements, le silence devient moment d’arrêt pour assimiler les émotions du mouvement précédent, et prépare à ce qui suivra.
Dans le doute, réfrénez votre enthousiasme et attendez que le chef d’orchestre ou le soliste aient baissé les deux bras et se retourne vers le public.
7 - Le soir du concert, l’esprit ouvert tu garderas
Vous savez qu’une œuvre contemporaine est au programme et songez à arriver en retard ? Au contraire, vous ne jurez que par la musique contemporaine et avez l’impression que Beethoven ou Schumann sont dépassés ? Attendez-vous à être surpris le soir du concert et ouvrez votre esprit à la possibilité d’être touché par la musique que vous entendrez. Bien qu’on dise que les tous goûts sont dans la nature et ne se discutent pas, il est important de réaliser que les programmes ont été soigneusement pensés par les chefs et les solistes afin de démontrer la complémentarité ou la parenté des œuvres présentées, tant en ce qui concerne les thèmes abordés que le traitement qui en est fait.
Même les mélomanes les plus convaincus et en possession d’une imposante collection d’enregistrements peuvent découvrir de nouvelles œuvres ou, sinon, apprécier une nouvelle dimension d’une œuvre côtoyée depuis des années. L’intérêt d’un concert réside dans l’écoute attentive de la version présentée par des artistes à un moment donné. Le triangle de communication ainsi installé entre le compositeur, les interprètes et le public est très souvent à l’origine de moments de pure magie.
8- Ton esprit aller tu laisseras
Si l’ouverture d’esprit reste essentielle, vous devez également accepter la possibilité de ne pas aimer toutes les œuvres présentées ou même certaines sections des l’œuvre. Il est donc inutile de vous blâmer d’avoir décroché durant le troisième mouvement d’une symphonie ou de vous être surpris à consulter votre montre ou votre programme durant le scherzo d’une sonate. La musique agit sur les émotions du public, mais rarement de la même façon sur tous. Ainsi, après le concert, vous pourrez partager avec vos amis vos impressions sur les moments qui vous ont touché ou évoquer ceux qui vous ont horripilé ou laissé indifférents.
9- L’expérience en salle tu privilégieras
Bien que la prolifération des enregistrements et l’accessibilité de fichiers de musique sur Internet aient modifié nos habitudes d’écoute musicale, rien ne remplacera jamais l’expérience d’un concert en salle. L’état d’esprit de l’auditeur qui écoute une œuvre seul dans son salon est forcément différent ce celui qu’il a en salle au milieu de milliers de personnes. Même lors de moins bons soirs, les grands artistes réussiront toujours à faire vibrer votre corde sensible et transformeront la perception que vous aviez d’une œuvre.
10- Au concert souvent tu reviendras
Et avec tes amis ton enthousiasme tu partageras!
mercredi 12 novembre 2008
Les 10 règles pour tirer le maximum de son expérience de concert (1/2)
1- À l’heure tu arriveras
Prévoyez de vous asseoir confortablement dans votre siège de 5 à 10 minutes avant le début du concert. Comme les concerts classiques commencent le plus souvent à l’heure (contrairement aux spectacles populaires), vous pourriez sinon devoir écouter la première œuvre dans le foyer, une expérience beaucoup moins gratifiante que celle en salle.
Vous pouvez bien évidemment profiter de ces quelques minutes pour poursuivre votre conversation avec vos voisins ou vous plonger dans l’ambiance du concert en consultant vos notes de programme.
Les artistes que vous entendrez ont besoin d’une concentration maximale pour pouvoir présenter l’œuvre jouée sous son meilleur jour. Même si, comme tous les musiciens professionnels, ils se sont entraînés pendant des années à faire face aux imprévus (fausses notes, trous de mémoire et bien d’autres impondérables), ils vous seront reconnaissants que vous leur ayez permis de transmettre le message du compositeur dans les conditions les plus inspirantes possible. Souvenez-vous que les musiciens peuvent, eux aussi, vous voir et vous entendre. Profitez néanmoins de l’entracte et de l’après-concert pour échanger vos impressions avec les gens qui vous accompagnent.
Si le compositeur avait souhaité entendre un contrepoint de cellulaires et de bruits électroniques, il les aurait intégrés à la partition.
L’atmosphère du concert classique diffère de celle du concert populaire. Si danser dans l’allée ou chanter sont encouragés pour soutenir les chanteurs d’un groupe rock, l’attitude à adopter n’est pas la même pour les musiciens classiques. Ils ont besoin d’une concentration maximale, idéalement soutenue par le silence du public, pour présenter les œuvres sous leur meilleur jour et en faire partager les beautés.
lundi 10 novembre 2008
Hommage à Jacques Poulin
Côté littérature, encore, on vient d'annoncer que le prix Goncourt 2008 a été décerné à l'auteur afghan Atiq Rahimi pour Syngué sabour publié par P-O-L. L'écrivain afghan est récompensé pour son premier roman écrit directement en français.
Le prix Renaudot quant à lui a été attribué à Tierno Monénembo pour Le roi de Kahel paru chez Seuil.
vendredi 7 novembre 2008
Le plaisir d'écrire
Plus loin
Un peu plus que des amis mais pas tout à fait des amoureux, David et Marie quittent un appartement, sans qu'on sache pourquoi, et partent à l'aventure, sur le pouce. À ceux qui acceptent de les faire monter dans leur voiture et qui demandent leur destination, ils répondent, systématiquement: « Plus loin. » Rentrent-ils chez eux, espèrent-ils trouver une terre plus hospitalière? La réponse n'est pas dans la destination mais bien dans le périple.
David Dorais (auteur d'un recueil de nouvelles et de plusieurs textes publiés par Solaris) et Marie-Ève Mathieu, couple à la ville, signent ici un curieux premier roman à quatre mains. Mi-récit initiatique et mi-galerie de personnages plus ou moins rocambolesques, qu'on découvre au détour de chacun des courts chapitres et des lifts qu'ils réussissent à obtenir, le roman laisse perplexe parce que, plus d'une fois, on se demandera où tout cela nous mènera. Si plusieurs des conducteurs rencontrés sont suffisamment typés pour qu'on sourit en découvrant comment ils interagiront avec David et Marie et les dialogues généralement savoureux, j'ai eu de la difficulté à m'y attacher. Cela n'aurait pas été très grave si j'avais pu plonger dans la psyché de ces deux jeunes idéalistes, mieux saisir ce qu'ils étaient venus chercher sur cette route. Quelques perches pseudo-philosophiques sont tendues ici et là qui tentent de débouter les préjugés généralement entretenus face aux « différences » (orientation sexuelle, âge, ethnies, familles reconstituées, etc.) mais j'ai eu l'impression que, tels les coups de sabre laser de David, elles tombaient le plus souvent à l'eau. On est très loin de Sur la route de Kerouac ou de certains récits inspirés par le voyage à Compostelle par exemple.
Le projet aurait d'abord vu le jour comme une télésérie qui aurait présenté à chaque semaine une nouvelle rencontre, une nouvelle micro-histoire, un nouveau rebondissement. Cette forme aurait été de loin plus satisfaisante à celle-ci, plus bancale qu'hybride. (Cela explique aussi peut-être que d'un chapitre à l'autre, il neige ou que le soleil tape presque sans transition, détail sans importance si on sent clairement que toutes ces rencontres sont indépendantes l'une de l'autre mais qui me semblait ici tenir de l'incohérence.) Certes, je ne me suis pas ennuyée le long de la route mais j'aurais voulu que tout ceci aille plus loin...
mercredi 5 novembre 2008
John Williams... vu (entendu) autrement
mardi 4 novembre 2008
Jacques Poulin reçoit le prix Gilles-Corbeil
Pour l'ensemble de son œuvre, Jacques Poulin a reçu hier le prix Gilles-Corbeil, remis aux trois ans par la fondation Émile-Nelligan. Le «Nobel Québécois», comme l'a appelé Robert Lévesque, président du jury, est doté de 100 000 $, bourse qui place ce prix parmi les plus importantes récompenses littéraires au Canada.
Ceux qui ont lu Jacques Poulin savent combien la voix de cet auteur est unique, combien chaque mot est travaillé, retravaillé, poncé. Pour ma part, j'ai d'abord abordé Les grandes marées, un peu par hasard (mon fils l'avait lu en classe et j'étais curieuse de découvrir cet auteur), et je suis tombée immédiatement sous le charme. J'en ai ensuite lu quelques autres, qui m'ont tous interpellée à des degrés différents, en ai offerts en cadeau. Ces atmosphères de bord de fleuve, la façon dont le temps semble toujours suspendu, la tendresse que Poulin porte à ses personnages aux destins atypiques mais en même temps si près de nous, restent autant de forces indéniables de cet auteur qui sait se concentrer sur l'infiniment petit pour en faire ressortir l'universel.
Un article de La Presse à lire ici...
dimanche 2 novembre 2008
Anne Bonhomme: La suppléante
La semaine avait été suffisamment dense entre enseignement, écriture, entrevue, concerts et je cherchais une lecture évasion, qui ne me prendrait pas la tête et me permettrait de plonger dans les mots d'une autre plutôt que les miens. J'ai donc pioché dans ma PAL La suppléante d'Anne Bonhomme, un livre doudou. Oui, dès les premières pages, on comprend que, malgré les embûches semées sur son parcours, Mathilde triomphera mais, quel plaisir à la suivre pendant cette demi-année passée à l'école Notre-Dame, une école primaire comme il en existe des centaines.
Quand le roman débute, Mathilde file un mauvais coton. Son amoureux l'a laissée puis l'a éjecté du groupe rock dont elle fait partie depuis des années, Les Bleuets sauvages. Elle n'aura pas le temps de s'apitoyer longuement sur son sort puisque M. Charland, directeur d'école vaguement désespéré (Mathilde est la 27e de 27 sur sa liste de candidats), lui propose d'assumer un remplacement d'une professeur en burnout. Du jour au lendemain et sans expérience autre que d'enseigner le piano à quelques élèves, elle se trouve parachutée dans le merveilleux monde de l'enseignement au niveau primaire. Elle y découvrira les guerres de pouvoir, la tutumanie (« Les amis, tu vas sortir ton cahier! », maladie malheureusement très généralisée), l'absence de matériel adéquat (son piano ne sera accordé que parce que l'ami d'un ami le fera gratuitement et encore, cela fera des vagues) mais surtout le criant manque de soutien devenu la norme dans notre système d'éducation publique. Elle aura à s'adapter, à faire des choix, à trouver sa voie. En route, elle tombera sous le charme des enfants, du père d'un élève doué, Paul, violoncelliste de profession, pas tout à fait libre.
Anne Bonhomme, orthophoniste en milieu scolaire pendant 13 ans, jette un regard parfois caustique sur cet univers si particulier mais le plus souvent tendre. Son attachement au monde de l'enfance transparaît au détour de plusieurs de ces pages. Le style est enlevé, direct et attrayant. Bien sûr, on ne se plonge pas dans un tel roman pour s'extasier sur une figure de style réussie ou une trame narrative inusitée. Parfois, en lecture comme dans la vie, on a besoin d'être édifié et, à d'autres moments, d'être diverti (les deux n'étant pas nécessairement mutuellement exclusifs). Dans la catégorie « lecture légère mais de qualité », ce premier roman tient amplement son pari. En terminant, chapeau aux titres de chapitres qui reprennent des titres du répertoire québécois. Quand on connaît bien la chanson...
En complément, une entrevue avec l'auteure ici...
Un commentaire de lecture d'une revue pédagogique...