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dimanche 30 août 2009

Des nouvelles de Pickton Vale

Sept nouvelles, sept regards, sept fragments d'une même grande histoire, celle d'un village: Pickton Vale. Déclinées en sept couleurs, elles nous font passer par une palette d'émotions assez large: d'une certaine tendresse (Le blanc, tout en finesse) à la révulsion (Le rouge, plutôt perturbant), d'un intérêt plutôt mitigé (Le vert, plutôt quelconque) à une attention soutenue (Le bleu, bel hommage au cinéma). Si les premières nouvelles m'ont semblé plutôt convenues, la seconde moitié du recueil a su me convaincre.

Au début, on peine un peu à s'adapter au style de l'auteur qui privilégie dans cette première oeuvre les phrases extrêmement longues, les virgules remplaçant tout signe de ponctuation qu'on aurait naturellement inséré entre les segments. Éventuellement, on adopte une respiration naturelle, favorisée par une lecture un peu plus lente, qui permet de s'approprier ces pans de vie que certains pourraient juger d'une banalité navrante mais qui sont traités avec suffisamment de soin pour qu'on prenne le temps de souhaiter apprivoiser les personnages, qui réapparaissent d'une nouvelle à l'autre. L'homosexualité latente ou assumée, l'urgence de vivre, les destins que l'on ne contrôle pas toujours sont autant de thèmes abordés ici, finissant par peindre une toile multicolore mais non bariolée, sur fond blanc, celui de l'implacable neige, du vide inassouvi.

jeudi 27 août 2009

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Parfois, j'ai l’impression de combattre dans les tranchées ou de faire partie d’une organisation secrète. Je me demande si je réussirai un jour à vaincre le géant, celui de l'ignorance, du nivellement vers le bas. Très rarement, je remets en question la pertinence de poursuivre le partage du répertoire classique toutes époques confondues avec des élèves (certains plus ou moins doués), mais ça ne dure jamais bien longtemps. J'ai encore trop de raison de m'indigner (merci à tous ceux qui ont réagi à ce billet, ici ou hors ligne), il y a encore trop de terrain à défricher, de partitions à déchiffrer. Les interrogations existentielles (Pourquoi avoir choisi cette voie semée d’embûches?), le retour sur soi (Suis-je encore capable de vivre ce choix jour après jour?), mes habiletés à transmettre le savoir (une véritable « mission » que cette trans-mission), le questionnement de mes motivations (Le fais-je par besoin financier ou par conviction?), l’idéalisme par moment romantique (Oui, je les convaincrai tous de la beauté du répertoire!) sont autant de facettes de ce travail de pédagogue que j'ai, volontairement, choisi, et que je reprendrai dans les prochains jours.

Ceux qui me lisent régulièrement le savent : je mène une vie parallèle d’écriture en plus de consacrer un certain nombre (ou un nombre certain) d’heures par semaine à l’enseignement. J’aurais pu faire le choix de me consacrer uniquement à la rédaction musicale, mais c’est plus fort que moi, je suis complètement accro à l’enseignement et je n’ai aucune intention de me rendre à une soirée de P.A. (professeurs anonymes), sauf bien évidemment si c’est pour partager ma fièvre pour l’enseignement. J’imagine ma première visite : « Bonjour, je m’appelle Lucie. J'enseigne depuis 20 ans et suis incapable de m’arrêter. » En fait, si j'y réfléchis attentivement, déjà, à l'école primaire, je me sentais investie d'une mission et cherchais à partager mes connaissances acquises sur les écureuils, le corps humain, l'imprimerie, etc., dont le « mal » est ancré encore plus profondément qu'il n'y paraît.

Oui, vraisemblablement, mon horaire fera un triple saut périlleux vers l’avant d'ici quelques jours mais il n'y a pas grand chose que j'aime plus que de plonger dans la découverte de nouveaux mondes étranges ou d'établir des liens tricotés serré avec des élèves (dont quelques-uns sont devenus, au fil des ans, des amis). Je me sens interpellée, personnellement, viscéralement. Peut-être ne réussirai-je pas à gagner la guerre contre l’ignorance ou même à renverser la vapeur mais je sais que j’aurai convaincu quelques dizaines (qui éventuellement se multiplieront en centaines) de jeunes (qui deviendront grands) que la musique classique, la littérature, l'art mais aussi la curiosité et une volonté de se dépasser constamment changent une vie pour toujours… Idéaliste? Peut-être un peu... Au fond, c'est tant mieux!

mardi 25 août 2009

Deviens celle que tu es


Parfois, on lit un livre pour s'évader; à d'autres, pour se sentir interpellé. Ce livre tombe définitivement dans la seconde catégorie. Tout d'abord, j'ai dû physiquement me l'approprier. En effet, la Collection romantique de José Corti présente des livres comme ceux d'autrefois, dont il faut d'abord libérer les tranches. J'ai quelques souvenirs flous de mon père passant de la sorte à travers quelques vieilles éditions mais n'avais jamais sorti le couteau avant d'entamer la lecture d'un ouvrage (les coupe-papier étant devenus objets désuets en même temps que les lettres, ce qui est bien dommage). Je me suis ensuite appropriée l'auteure, Hedwig Dohm, féministe allemande du XIXe siècle (grâce à une présentation fort soignée (qu'on suppose signée de la traductrice). Les conditions idéales étaient alors réunies pour que je plonge dans cette novella, traduite pour la première fois en français, qui ne m'a à aucun moment paru datée même si elle a d'abord été publiée en 1894.

Dans celle-ci, Dohm trace le portrait d'une femme vieillissante, pareille à des milliers d'autres, qui a, du moins en apparence, sombré dans la folie (ou a-t-elle plutôt choisi de s'y réfugier?). À travers les notes du médecin puis des extraits de son journal, les événements marquants d'une vie se dessinent peu à peu. Dohm y glisse nombre de réflexions pertinentes (mais non nécessairement militantes) face au vieillissement, au rôle de la femme (le monde a changé en un peu plus d'un siècle mais, au fond, pas tant que ça), à l'importance de l'amour, à l'âge acceptable d'y céder aussi. « Il y ici des êtres beaux et émouvants comme l'île. J'ai vu l'homme que j'aurais dû aimer si je l'avais rencontré dans ma jeunesse; un être que la nature a créé dans une heure de liesse. » (p. 143) Le style est élégant, vif, d'une séduisante précision et comprend des références à la philosophie (le titre même de la nouvelle se veut un clin d'oeil au Gai savoir de Nietzsche) ou à la musique de Wagner. Une auteure et un texte que je relirai sans aucun doute.

Merci à tidoigts pour le cadeau!

samedi 22 août 2009

Bouquineries

Périodiquement, j'aime aller faire un tour dans les bouquineries. J'adore les librairies, j'ai grandi (à tous les niveaux) dans les bibliothèques mais les bouquineries forcent à aborder le livre différemment. Selon l'inspiration des propriétaires, les arrivages du moment, on ne sait jamais sur quoi on tombera. En fait, d'une fois à l'autre, je ne peux même pas prédire quelle section de l'une ou l'autre bouquinerie ma happera pendant de longues minutes. J'aime ce côté presque aléatoire, ce faux hasard organisé, l'instant pendant lequel on hésite encore, avant que nos pas nous dirigent vers l'une ou l'autre section.

Mon amie parisienne repartait jeudi soir et souhaitait faire provision d'une série de livres destinés au yoga, impossibles à dénicher en France (pour une fois que nous avons un avantage!). Nous avons donc écumé trois bouquineries du Plateau afin de dénicher l'un ou l'autre des titres convoités. Pendant qu'elle épluchait les rayons « santé », « ésotérisme » ou autres (difficile de comprendre dans quel rayon les libraires auront casé de tels objets hétéroclites), je me suis arrêtée dans la première librairie dans la section « musique » (bof) et « poche » (aucun titre n'exigeait de se retrouver dans mon sac). Dans la seconde, j'ai plutôt passé de longues minutes dans la section « philosophie » (j'ai failli partir avec deux ou trois livres d'Alain Finkielkraut mais me suis raisonnée que je pourrais les trouver en bibliothèque) et dans la section « études littéraires » (Sartre m'a tentée et j'ai été presque émue de retrouver là un essai très pointu sur Valéry, publié il y a plusieurs années par un ami devenu romancier).

Dans la troisième, je me suis dirigée vers la section « romans ». Je cherchais un titre de Hoeg, dont j'avais beaucoup aimé La petite fille silencieuse mais ai fait chou blanc. Je suis par contre passée à deux doigts d'acheter La sensualiste de Barbara Hogson (une auteure canadienne-anglaise), l'objet lui-même étant absolument magnifique (les chapitres étant tous agrémentés de planches anatomiques époustouflantes) mais j'ai finalement cédé au Livre des questions d'Edmond Jabès, un livre hybride, « immémorial », multiple, qui traite de liberté, de judaïsme, d'amour, de deuil, d'espoir...

Oui, j'aime ce côté en apparence aléatoire des recherches en bouquinerie. On ne sait jamais exactement ce qu'on y cherche mais, souvent, les livres finissent par nous trouver.

mardi 18 août 2009

Manuel de chasse et de pêche à l'usage des filles

Le livre m'avait été fortement recommandé par un ami, qui m'avait indiqué que je serais vraisemblablement séduite par la forme. J'admets avoir froncé les sourcils après avoir entendu le titre cependant. Hum... parlerions-nous d'un truc hypocalorique, hyperfestif, une lecture « zéro de quotient intellectuel » (ou peut-être maximum 2 ou 3)? Eh bien, non, pas du tout!

Oui, le livre traite des aventures sentimentales d'une jeune femme qui fait d'abord carrière dans le monde de l'édition puis se réoriente. Oui, le livre se passe à New York mais n'a rien à voir avec Sex in the City. À travers une série de vignettes, presque dissociables et qu'on peut traiter à la fois comme des chapitres du livre ou des nouvelles dont l'héroïne serait souvent le même personnage, on apprivoise un parcours et, surtout, on s'attache très rapidement. Le ton est parfois désinvolte, parfois poignant (notamment lors d'un magnifique récit d'un combat contre le cancer du sein, réalisé avec grande délicatesse). La narration est parfois au « je », à la troisième personne du singulier, au « vous ». Pourtant, le tout reste d'une grande cohérence et, s'il fait sourire à l'occasion, ne se dissipe pas en quelques secondes dans l'air du temps. Comme quoi, comme l'affirme le dicton anglais, on ne peut pas (toujours) juger un livre par sa couverture (ou son titre).

samedi 15 août 2009

Matamore no 29

Matamore no 29 est sans contredit un objet littéraire non linéaire. Au fil de 29 courts chapitres, rédigés comme autant d’instantanés qui se veulent jalons de la 29e année de l’auteur, ce premier roman qui ne ressemble à rien de connu parvient pourtant à interpeller. Une fois qu’on a accepté un certain lâcher-prise, qu’on rejette les règles sacrosaintes de la narration cohérente telles que des milliers d’autres auteurs la pratiquent, on entre avec délectation dans un univers tout à fait unique. « Vous vous considérez quand même comme un écrivain expérimental? – Comme un fabricant d’expériences, plutôt. » (p. 172)

Par moments poétique, à d’autres métaphorique, parfois didactique, le plus souvent à la frontière ténue de l’absurde, Matamore no 29 nous propose un curieux périple, somme toute assez séduisant, où les références littéraires, cinématographiques et philosophiques abondent. L’ombre de Shakespeare, de Joyce (brillant exposé du chapitre 22, qui donne le goût de retrouver ces auteurs), de Derrida, de Robbe-Grillet ou de David Lynch font plus que planer sur ces pages, elles les habitent, les fragmentent. Bien sûr, il manquera vraisemblablement quelques éléments au lecteur moyen pour saisir les multiples clins d’œil de cet alors doctorant en littérature. Une chose est certaine toutefois : sa voix s’affirme comme suffisamment originale pour qu’on souhaite lire son deuxième essai dans le genre. Qui sait comment il bousculera alors les conventions?

Pour lire les autres commentaires de lecture des collaborateurs de La Recrue...

vendredi 14 août 2009

Élitisme

Je crois bien avoir pris à partie tous les musiciens et mélomanes rencontrés au cours de la dernière semaine, au sujet de ma « montée de lait » versus l'article d'Arthur Kaptainis. On vient de me faire suivre un article plutôt intéressant paru dans La Voix de l'Est et qui traite d'un autre problème, peut-être bien connexe, et qui mène à une autre sorte d'élitisme, financière celle-là.

Je suis privilégiée et peux disposer en général de billets de presse pour assister aux concerts qui m'intéressent. Par contre, je ne suis pas aveugle - ni totalement inconsciente - et suis capable de lire le montant inscrit sur le billet offert (et réaliser qu'il n'est jamais entièrement gratuit puisqu'on attend une critique, un prépapier ou un retour d'ascenseur éventuel). Quand le concert est exceptionnel (ceux de Brendel entrent définitivement dans cette catégorie et je n'ai pas hésité à payer mon billet à plus d'une reprise pour l'entendre), on n'hésite pas. Mais quand on a droit à un concert très moyen, n'est-on pas en droit de rechigner un brin? La démocratisation de la musique classique passe certes aussi par là... Lire l'article de Marie-Ève Lambert...

mercredi 12 août 2009

Note by Note: The Making of Steinway L1037


Note by Note, documentaire fascinant présenté jusqu'au 13 août au Cinéma du Parc, nous permet de suivre les étapes de la construction d'un piano de concert de 9 pieds. Près d'un an s'écoulera entre l'arrivée de la première planche qui permettra de donner sa forme si caractéristique à l'instrument et le moment où le piano sera emballé pour retrouver des dizaines de ses confrères dans la caverne d'Ali-Baba pour tout pianiste, la division « Concert & Artists » de Steinway. C'est en effet dans ce lieu mythique - et presque mystique - que tout pianiste de concert ira chercher « son » instrument, celui qui transmettra les subtilités de telle oeuvre ou répondra de telle façon. Quelques notes à peine seront jouées parfois mais on saisit tout de suite la personnalité de l'instrument.

Le documentaire est monté de façon plutôt classique, et nous permet de bien comprendre le travail de chacun des intervenants, du « chipper » à celui qui gère le ventre (« belly ») de l'instrument à la pose de la table d'harmonie, l'enfilage des cordes, le travail sur l'égalité de l'action, etc. On ne peut qu'être ému par l'énergie que chacun instille en l'instrument, par le souci de perfection recherché. Derrière chaque bribe de conversation avec l'un des artisans de Steinway, on sent surtout la fierté, celle d'appartenir à une grande famille, celle de la transmission d'un savoir du passé (le piano ayant très peu changé depuis 100 ans), celle du travail bien fait surtout. Chacun est parfaitement conscient que la moindre négligence de sa part (comme celui-ci qui calibre le cadre de l'instrument au millième de pouce près) peut entraîner, dans un mois, dans six mois, des répercussions désastreuses.

On rencontre également des pianistes de concert, qui parlent de l'instrument avec un amour palpable, qui évoquent l'instant de rencontre, de reconnaissance aussi. Les propos de Harry Connick Jr. sont peut-être les plus pertinents à cet égard, quand il parle de l'instrument comme d'une peinture qui n'est jamais terminée, qui a besoin du pianiste pour s'animer. Certains recherchent un instrument facile à mater, d'autres préfèrent le combattre. Pierre-Laurent Aimard, dans sa quête de l'instrument parfait pour jouer la monumentale Concord Sonata de Ives est fascinant, mais aussi le dialogue qui se tisse entre lui et le spécialiste des lieux qui essaie de saisir les qualités recherchées pour lui présenter l'instrument idéal. On n'est jamais bien loin d'une relation fusionnelle avec un instrument, que ce soit le temps d'un concert ou de trouver celui sur lequel on travaillera chez soi.

Vous pouvez visionner la bande-annonce du film ici...

dimanche 9 août 2009

To clap or not to clap...

... that is beside the point! Voilà ce que j'aurais envie de répliquer à l'article d'Arthur Kaptainis, critique musical de The Gazette qui s'insurge, pendant plusieurs longs paragraphes, contre ce qu'il appelle le ABM pour Applause Between Movements plutôt que de commenter le concert entendu mardi dernier au Festival de Knowlton.

Oui, c'est vrai, les bonnes gens des environs ont applaudi après le premier mouvement du concerto. Haro sur eux! Clairement, la plupart des auditeurs présents en étaient à leur première expérience de concert et ne possédaient pas une solide formation musicale. Ils souhaitaient profiter d'une soirée d'été relativement clémente pour sortir de leur quotidien et se retrouver en un lieu sympathique. Mais, il faut bien commencer quelque part et ce programme était idéal pour un néophyte: une pièce contemporaine courte, dansante, presque tapageuse, un concerto dont tout le monde connaît le second mouvement (repris notamment dans le hit All by myself d'Eric Carmen) et une symphonie « accessible » dont le thème du mouvement lent se retrouve même dans certains manuels de flûte à bec ou de piano pour débutants. En bonus: un chef dynamique, de jeunes musiciens qui s'éclatent. Bref - enfin, selon moi -, des circonstances rêvées pour que M. et Mme Tout-le-monde aient le goût de revenir une deuxième fois, soit au Festival ou encore en salle à l'automne.

Ceux présents mardi soir qui sont tombés sur l'article dans leur édition de jeudi de The Gazette ont peut-être souri d'un air pincé. Ah bon? Ça ne se faisait pas de signifier mon contentement? La prochaine fois, on ne m'y reprendra plus: je resterai à la maison! Oui, c'est vrai, l'univers du classique est différent de celui de la pop ou du jazz. Oui, les musiciens préfèrent être entièrement concentrés quand ils jouent. Oui, ils aiment échanger à l'occasion avec des surspécialistes et se pâmer sur la progression harmonique de telle section du développement ou sur le choix de tonalité de telle oeuvre ou encore la maîtrise du contrepoint dans tel autre passage. Mais ils sont aussi très heureux quand un inconnu les accoste après un concert et leur dit: « Vous savez, je ne pensais pas aimer ça... mais c'était tellement beau! Merci pour l'instant... »

J'ai joué en concert, pour des spécialistes comme pour de purs néophytes. Vous savez quoi? Généralement, la qualité d'écoute était bien souvent supérieure dans le second cas. Un silence prégnant, rempli de possibilités. Est-ce que, parce que le public n'a pas respecté toutes les règles - on applaudit aussi entre les mouvements aux concerts en salle de l'OSM, soit dit en passant, même si on risque d'être fusillé du regard par ses voisins -, cela signifie que l'événement était de moindre importance? Certainement pas.

Vous pouvez relire mon compte-rendu du concert ici ou lire celui de Claudio là pour vous en convaincre. Pour lire l'article de Kaptainis...

samedi 8 août 2009

Michal Rovner: Particules de réalité

DHC/ART Fondation pour l'art contemporain présente toujours des expositions aussi remarquables. En vadrouille dans le Vieux-Montréal avec une touriste de passage, nous avons fait le crochet par l'espace d'exposition et avons découvert avec fascination l'univers bien particulier de Michal Rovner, une artiste israélienne qui fait se mouvoir des personnes en motifs cadencés, chorégraphiés (Rovner a d'abord été formée en danse), envoûtants, à la fois ordonnés et en apparence aléatoire.

Son travail permet de déconstruire chaque geste, de les réassembler autrement, d'en extraire un premier sens pour le transcender en un tout plus grand. Au début, on a l'impression que l'image se meut à peine puis on réalise en s'approchant que cette étrange colonie de fourmis à l'œuvre est constituée en fait d'une série de silhouettes humaines, qui se meuvent au rythme d'une musique céleste hypnotique. On reste fasciné par le processus, puis on se laisse toucher par la démarche, conscient de participer en tant que spectateur à une métaphore de la futilité cosmique de chaque geste posé sur terre. Pourtant, quand on s'attarde sur un des « personnages », on réalise combien il considère son geste essentiel, comment il est représentatif. En contemplant ces œuvres, qu'elles soient vidéo, installation ou sculpture, on tombe dans un état de rêverie méditative, qui pousse à la réflexion, chaque cycle de mouvements se trouvant réinterprété par le regard de celui qui le reçoit, s'y plonge, s'y retrouve.

À apprivoiser jusqu'au 27 septembre à la galerie DHC/ART.

jeudi 6 août 2009

Le camée et le bustier


« Qui trop embrasse mal étreint. » Voilà comment je pourrais résumer ce premier roman de Jean Renaud. Le sujet était foisonnant, l'idée de le traiter autrement tentante, il faut bien l'admettre. Pourquoi ne pas lier en un même texte roman historique, bleuette Harlequin et, histoire de corser le tout, propos érotiques? C'est le pari que s'est proposé Jean Renaud avec Le camée et le bustier, un roman qui met en scène la superbe comtesse Isabelle de Vendée et le séduisant Thierry, un des employés du domaine, sourd et muet mais néanmoins prêt à tout pour défendre sa belle. L'auteur nous fait donc tour à tour voyager au château de Chenouceaux, au domaine d'Isabelle, dans le boudoir de Mme de Bohier (dessinatrice de vêtements afriolants), dans une maison close, à la cour du Roi, sur un bateau qui traverse vers l'Amérique et au Québec, avec une plume assez habile. Celle-ci manque toutefois à l'occasion de finesse et reprend un tic d'écriture de Pierre Monette, soit l'usage abusif des points de suspension, le membre de phrase suivant les dits points de suspension ne causant aucune surprise.

En voulant couvrir trop large, l'auteur nous frustre. Les amateurs de roman historique seront embarassés par le manque de détails pertinents - certaines généralisations demeurant bien inutiles. Les fanas de romans Harlequin retrouveront peut-être avec plaisir la cellule jeune femme en détresse mais volontaire, épaulée par le merveilleux amant romantique, fort, sensuel et, comble de bonheur ici, discret (puisqu'il est muet) mais le rêve n'est jamais assez touffu pour qu'on s'y perde. Ceux qui croiraient que Le camée et le bustier est un livre que l'on lit d'une main, trop occupé à reproduire les gestes évoqués de l'autre, auront une amère désillusion. On parle ici de porn vraiment très très soft, dans laquelle l'exploit le plus remarquable reste le nombre de synonymes que l'auteur peut apposer au membre masculin. On aurait de loin préféré qu'il fasse un choix de genres et l'assume. Néanmoins, on peut considérer ce premier essai comme une lecture estivale légère, d'évasion, aussitôt consommée, aussitôt oubliée.

Jean-Luc Doumont de Made in Québec a, quant à lui, beaucoup mieux aimé. Lire son commentaire ici...

mercredi 5 août 2009

Youth Orchestra of the Americas

Je sais, je vous ai peu négligés ces derniers jours mais c'est bien parce que même mes journées n'ont que 24 heures et que, en plus de gérer les impondérables du travail, j'ai été promue guide touristique depuis quelques jours. Enfin, presque... L'Europe vient à moi en la présence de deux amis pianistes, l'un allemand, l'autre française, et je me balade donc aux quatre coins de la ville et fais même, comme hier soir, des détours par Knowlton. (Les heures consacrées à la lecture ont également été particulièrement rares, vous le comprendrez aisément.)

Hier soir, le Festival de Knowlton présentait, en avant-première, le Youth Orchestra of the Americas, un orchestre international de jeunes musiciens triés sur le volet, fondé en 2001 par le New England Conservatory and Vision. Représentant une vingtaine de pays des Amériques, les jeunes musiciens retenus après des auditions serrées profitent d'un programme de deux semaines intensives de répétitions, menées par certains des instrumentistes et des chefs les plus reconnus, avant de partir en tournée pendant deux à trois semaines (cette année aux États-Unis et au Canada).

Sous la direction particulièrement convaincante et subtile du chef mexicain Carlos Miguel Prieto, ils ont joué avec un aplomb et une clarté d'élocution remarquables. Quelques minimes bavures au niveau du synchronisme ou de la justesse n'ont rien enlevé au plaisir de l'écoute, tant lors de l'étourdissante Bootlegger's Tarentella de John Estacio que de l'éternelle Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák. Les cuivres brillaient, le solo de cor anglais du mouvement lent était poétique et on ne pouvait qu'être happé par la gestique du chef.

En fin de première partie, la pianiste Gabriela Montero a interprété le Deuxième Concerto de Rachmaninov, certes une des pages les plus aimées du répertoire concertant. Les tempi étaient par moment un peu lourds (notamment dans le fameux passage d'accords massifs du premier mouvement), les phrasés pas toujours poétiques et le son parfois forcé (peut-être était-ce aussi dû à l'acoustique particulière d'un chapiteau en plein air) mais elle a su créer un instant de beauté presque ethérée à la fin du deuxième mouvement. Coupant court aux applaudissements fournis, elle est revenue sur scène, a souligné l'anniversaire d'une amie de l'orchestre et, après que les musiciens eurent énoncé le thème de Happy Birthday, elle s'est lancée dans une improvisation remarquable sur ce thème qu'on aurait pu croire éculé, dans laquelle elle a tour à tour intégré références au romantisme, au contrepoint, au tango et aux danses sud-américaines. Les contrechants se multipliaient, les voix étaient menées de façon admirable en toute circonstances, la rythmique demeurait irréprochable et une profonde compréhension des structures transparaissait en tout temps. Autant le concerto m'avait laissé mitigée, autant ces quelques minutes m'ont soulevée.

Généreux, les musiciens et le chef ont offert deux rappels: la magnifique Danzon no 2 d'Arturo Marquez et une version décoiffante de Tico, tico, sur laquelle plusieurs festivaliers ont dansé avec un plaisir non feint, enchaînant les chaînes, les déhanchements et les sourires. La météo avait collaboré jusque là mais, une fois les derniers applaudissements éteints, un orage remarquable a tenu à se faire remarquer. Vile jalousie, sans aucun doute, face au succès remporté par les jeunes musiciens. En rigolant, nous avons attendu patiemment notre tour pour intégrer une des navettes (quatre autobus scolaires), symboliquement protégés par quelques parapluies fournis par le festival. L'atmosphère bon enfant qui régnait aurait réconcilié les spécialistes les plus irrascibles avec le plaisir brut d'avoir assisté à un événement. Mon rendez-vous est pris: j'y retourne la semaine prochaine pour le récital de Kovacevich!